JO 2024 : Vincent Collet raconte les secrets d’un parcours victorieux pour le basket français

Épisode 1 – Comment les coachs français ont-ils affronté la pression des Jeux olympiques de Paris ? Dans ce premier volet, rencontre avec Vincent Collet, l’ancien sélectionneur de l’équipe de France masculine de basket, qui revient sur l’impact du dispositif de l’Agence nationale du sport, les défis du jeu à domicile et les leçons tirées d’un parcours intense, qui a mené la France à des résultats sans précédent.

Trois mois après la fin des Jeux olympiques en France, Vincent Collet est à Marseille à partir de ce mardi 12 à jeudi 14 novembre, pour assister à l’ultime séminaire du Plan Coachs en compagnie de ses collègues sélectionneurs français qui ont disputé les Jeux olympiques et paralympiques d’été à Paris 2024.

Un dispositif mis en place dès 2020 par la cellule haute performance (jusqu’ici dirigée par Claude Onesta) de l’Agence nationale du sport. Dans une longue et passionnante interview au Méridional, le désormais ancien sélectionneur de l’équipe de France masculine de basket (2009-2024) affirme que ce dispositif a « contribué de façon importante aux résultats » du sport tricolore cet été.

L’ancien entraîneur de Strasbourg ou des Mets (61 ans), aujourd’hui consultant pour les Cleveland Cavaliers, revient en détail sur ces JO achevés, comme ceux de Tokyo en 2021, sur une médaille d’argent.

Lui avait été désigné meilleur coach. Un honneur ponctuant une carrière faites de record chez les Bleus : huit médailles en quatorze campagnes, 16 succès en 24 matches aux JO, 253 rencontres dirigées, 179 succès.

Pour vous, ce séminaire à Marseille vient symboliquement clore votre livre de sélectionneur de l’équipe de France de basket, long de quinze ans…

Oui, quelque part. J’aurai aussi le plaisir de voir des gens que j’aime bien, je pense à Guillaume Gille (sélectionneur des Bleus du hand). C’est un moment privilégié, le dernier pour moi à ce niveau-là.

Vous attendiez-vous à rester aussi longtemps en poste à la tête de l’équipe de France masculine de basket ?

Non ! Quinze ans, ce n’est pas possible… On m’a souvent posé la question. Au départ (mars 2009), j’y allais pour une olympiade (Londres 2012). Après, les résultats m’ont permis de continuer. Une fois ou deux, quand les résultats n’étaient pas bons, j’aurais pu être sorti, ce ne fut pas le cas, j’en ai profité et ça m’a permis de rester longtemps. Pour moi, c’était une magnifique opportunité. J’ai eu la chance de pouvoir rester tout au long de ces années, de vivre avec des équipes différentes.

« C’est une fois dos au mur qu’on a vraiment pris conscience des enjeux et de ce qu’il fallait faire pour performer Â»

Et de vous forger un palmarès exceptionnel, en remportant huit médailles en quatorze compagnes, deux records du genre.

C’était super. Vivre en particulier les deux finales olympiques (battus à chaque fois par les Etats-Unis, en 2021 et 2024), ce sont des moments incroyables. La dernière étant pour moi la plus belle, à Paris, en plus contre une Dream Team bis. On a pu menacer les Américains. Ç’aurait été le rêve ultime si on avait pu gagner. Il faut aussi accepter quand on est battus par meilleurs que soi.

Avez-vous des regrets ?

Au final, je pensais qu’on pouvait faire encore un peu mieux. Quand on est revenus à trois points (en finale contre les Etats-Unis, 79-82 à trois minutes de la fin), on aurait même dû être devant. Pour deux raisons : en première mi-temps, on voulait ralentir le rythme et on ne l’a pas fait, on est tombé dans une euphorie de vouloir les challenger jusqu’au bout, or je pense que pour les limiter, il fallait absolument les ralentir.

Plus il y avait de possessions, plus c’était à leur avantage. On l’a très bien fait après la pause après avoir remis un coup de klaxon à la mi-temps. C’était un peu tard, ça nous a permis de revenir mais pas de passer devant. Il aurait fallu mener au score pour peut-être les faire douter mais c’est même pas sûr ; ces mecs-là sont en titane. Ce que fait (Steph) Curry à la fin (trois paniers à 3 points), on voit qu’il y a encore une marge.

Quel bilan en tirez-vous, trois mois plus tard ?

On a mal entamé notre campagne, on n’était pas suffisamment dans notre registre, dans ce que l’on voulait faire. Dès le départ, j’avais dit aux joueurs que la condition sine qua non de performance était de se montrer défensivement au-dessus des autres.

J’avais le sentiment qu’on avait des qualités offensives mais pas supérieures à celles de nos adversaires. Certains en avaient même davantage que nous (USA, Canada). Mais il faut du temps pour l’intégrer. Ce n’est pas forcément ce que les joueurs ont envie d’entendre.

Ce sont quand même de grands joueurs, qui ont mené leur carrière respective ; il a fallu convaincre, persuader. C’est une fois dos au mur qu’on a vraiment pris conscience des enjeux et de ce qu’il fallait faire pour performer.

« Je suis convaincu que le Plan Coachs a eu une influence vraiment importante sur cette amélioration des performances Â»

Vous êtes donc à Marseille pendant trois jours. Quel est le programme et le but cet ultime séminaire du Plan Coachs 2024 ?

C’est toujours un peu la même configuration. A travers notamment des tables rondes, il y a beaucoup de partage d’expérience. Là, on sera sur le débriefing des JO, par rapport à tout ce qui avait été mis en place, tout le travail réalisé en amont. On va échanger sur ce qui s’est passé, sur ce qu’on a pu utiliser, comment ce qui nous avait été présenté a permis, pour certains, de performer et pour d’autres moins.

Diriez-vous que ce dispositif a joué un rôle dans les performances du sport français aux JOP 2024 ?

Ce fut une vraie réussite. Ce travail-là a contribué de façon importante aux résultats. Et j’espère, malgré le climat budgétaire tendu, que l’Agence nationale du sport (ANS) sera conservée et pourra à nouveau mettre en place ce genre de travail pour les prochaines olympiades. Je pense que ça a fait ses preuves, de façon éclatante : on est passé de 33 médailles olympiques (à Tokyo en 2021) à 64 à Paris ; il y a eu la même proportion aux Jeux paralympiques. Je suis convaincu que le Plan Coachs a eu une influence vraiment importante sur cette amélioration des performances.

Le fait de jouer à domicile a dû aider aussi, avec ce soutien populaire jamais vu…

Le contexte a joué un rôle aussi, c’est vrai, mais ça dépend toujours de ce qu’on en fait. Dans le travail qu’on a pu mener lors des séminaires en question, on avait beaucoup préparé la question du contexte, on avait été informé afin de gérer au mieux cet aspect : le fait d’évoluer à domicile, on le savait, c’était à double tranchant en fonction de l’approche à avoir. L’une des choses que le Plan Coachs a permis, c’était de mieux appréhender ce contexte particulier de disputer des Jeux en France.

« La capacité d’adaptation est très importante pour obtenir une performance de haut niveau Â»

Avez-vous pu tirer avantage, durant la compétition, de cet accompagnement inédit des coachs et de ce partage d’expérience riche construit au fil des ans ?

Oui, mais de toute façon, quoi que vous ayez imaginé avant, il faut être prêt à s’adapter. Il y a toujours des choses qui surviennent au dernier moment. La capacité d’adaptation est très importante pour obtenir une performance de haut niveau.

Malgré tout, c’est toujours plus facile de s’adapter lorsqu’on a anticipé un maximum de choses. C’est entre autres grâce à cela que le Plan Coachs a eu beaucoup d’importance : on a parlé, on a été informé sur un maximum de choses qui pouvait survenir, des comportements à tenir dans ces cas-là.

Ça nous a aussi permis, quand on a récupéré nos joueurs six semaines seulement avant le début de la compétition, d’aborder toutes les chausse-trappes, tous les « dérailleurs Â» qui peuvent vous faire échouer. Il a fallu mettre en garde les joueurs, mais aussi leur faire partager ce contexte très particulier qu’il fallait utiliser.

Pouvez-vous nous raconter une anecdote à ce sujet ?

On était en vraie difficulté dans le premier tour, en offrant un visage poussif (battu par l’Allemagne). On s’est quand même qualifié pour le moment de vérité de ce genre de compétition, à savoir le quart de finale.

A partir de là, on s’est transcendé, sublimé. C’est d’abord les joueurs qui peuvent le faire, mais c’est une situation que l’on avait abordé dès le départ : on savait que, quoi qu’il se passe avant, le quart de finale était le juge de paix. Il nous fallait être à ce rendez-vous. On avait très souvent abordé ce sujet bien précis auparavant.

Pendant les Jeux, on était arrivé un peu le cul entre deux chaises, ça appelait à la vigilance, nous n’avions plus de questions à nous poser.

Benoît GILLES

Demain, mercredi 13 novembre, retrouvez le second volet de l’interview avec Vincent Collet :
Episode 2 – Du rêve olympique à la NBA, le parcours sans frontières du sélectionneur.