En déplacement à Marseille, les ministres de l’Intérieur et de la Justice ont affiché leur unité pour contrer le narcotrafic, avec un arsenal de mesures musclées. Face à ce fléau est érigé en « cause nationale », les mots sont forts et les annonces nombreuses mais restent floues.
« Nous avons atteint un point de bascule avec un effroyable rajeunissement de ceux qui tuent et ceux qui sont tués », lance Bruno Retailleau en préambule. Un constat froid qui marque les esprits et fixe le ton de cette visite ministérielle.
Dans les salons de la préfecture des Bouches-du-Rhône, Bruno Retailleau, aux côtés de Didier Migaud, déroulent ce qu’ils qualifient de « combat national, cause nationale, unité nationale ». La criminalité liée au trafic de stupéfiants devient une priorité absolue, portée par un plan qu’ils veulent implacable.
Un front commun dans la lutte : la police et la justice en première ligne
Les deux ministres multiplient les termes militaires pour souligner leur détermination. La mission ? « Faire front commun contre cette menace multiforme, grandissante, tentaculaire », souligne Bruno Retailleau. La justice et la police seront armées de moyens accrus.
À commencer par un renforcement des effectifs au cœur même des instances de lutte contre le crime organisé : 40 % de renfort pour les équipes du parquet de Paris, de nouveaux postes pour les juridictions interrégionales (JIRS), et une cellule de coordination nationale chargée de centraliser l’information et d’imposer une stratégie opérationnelle.
Didier Migaud évoque aussi la « sanctuarisation » des effectifs : « Nous avons besoin de consolidations durables, partout où le narcotrafic frappe. » Une cellule d’élite, composée de magistrats et d’analystes criminels, prendra position à Paris pour orchestrer la réponse sur tout le territoire.
Investigation, innovation et protection des agents
Pour Didier Migaud il faut de « nouvelles techniques de renseignement » pour piéger les réseaux sans exposer les enquêteurs. Il propose un « coffre-fort » judiciaire où les preuves sensibles pourraient être préservées de l’accès de la défense. Pour le garde des Sceaux, il est primordial de « protéger les enquêteurs qui, chaque jour, mettent leur sécurité en jeu ».
Sur le terrain, le ministre de l’Intérieur se veut aussi intraitable : « Inverser la charge de la preuve devient une nécessité face à cette criminalité », insiste Bruno Retailleau. « Tu roules en grosse cylindrée ? Très bien, (…) donne-nous la preuve du financement de cette acquisition. » Une mesure qui s’accompagnera d’enquêtes patrimoniales automatiques en cas d’affaires de stupéfiants.
Un coup de filet global, avec des alliances internationales
Pour le ministre de l’Intérieur, la guerre contre le narcotrafic ne peut se gagner qu’en nouant des partenariats internationaux. « La criminalité organisée ne connaît pas de frontières », rappelle-t-il.
La nomination d’un magistrat de liaison à Bogota n’est pas une coïncidence : la Colombie est un centre névralgique pour la production de stupéfiants. En plus, un quatrième magistrat sera envoyé auprès de l’Union européenne pour travailler avec les procureurs européens dans la lutte contre les trafics transfrontaliers.
Dans cette optique, le ministre de la Justice plaide pour un « bouclier judiciaire européen », qui garantirait aux enquêteurs un accès facilité aux données numériques et instaurerait des standards judiciaires homogènes dans les zones portuaires, carrefour des échanges illégaux.
Frapper les criminels là où ça fait mal : au portefeuille
Le ministre de l’Intérieur déterminé, ne voit pas de place pour la clémence : « Le crime ne doit plus payer. » C’est le mot d’ordre. En augmentant les pouvoirs de saisie et de confiscation, les biens des trafiquants seront systématiquement redirigés pour financer la réparation des victimes et les projets sociaux.
Les ministres exigent que les préfets puissent « fermer les commerces de blanchiment » identifiés et proposent l’expulsion de leurs logements pour les trafiquants, ajoutant une touche de sévérité bienvenue pour ceux qui prospèrent aux dépens des quartiers.
Le défi des mineurs dans les réseaux : adapter la riposte
Le ministre de la Justice insiste sur la complexité d’une réponse face aux mineurs impliqués dans les trafics. Migaud précise qu’il est urgent de « diversifier les réponses en fonction du degré d’implication ». Centres éducatifs fermés, renforcement des capacités d’accueil et jugements en comparution immédiate pour les délits graves sont sur la table.
« Sans consommateurs, il n’y a pas de trafic », rappelle Bruno Retailleau, droit et ferme. Une campagne nationale viendra bientôt relayer les liens entre usage de stupéfiants et délinquance violente. Les amendes pour usage de drogue seront quant à elles intensifiées et systématiquement recouvrées, une pression directe sur la demande elle-même.
La lutte contre la corruption : un enjeu clé pour Retailleau
Dans une dernière salve, Bruno Retailleau s’attaque à la corruption dans les administrations. « Dès le début de l’enquête, éloigner des agents publics soupçonnés de corruption de leur poste devient une priorité », insiste-t-il, soutenu par Didier Migaud qui annonce un plan anticorruption élaboré par l’Agence française anticorruption.
Dans la lumière tamisée de la préfecture, ces annonces résonnent comme un défi lancé aux réseaux criminels. Bruno Retailleau et Didier Migaud, réunis dans cette offensive commune, veulent en finir avec l’impuissance face à ce fléau. Le succès de ce plan ambitieux dépendra toutefois de sa mise en œuvre concrète et de la capacité de l’État à évaluer son efficacité.
Pour l’heure, la bataille est engagée.
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