Les promesses économiques de Trump face aux réalités financières

New York, USA - October 08, 2024: Live odds of Presidential Election Trump vs Harris in Times Square New York

Les sondages placent Kamala Harris et Donald Trump au coude à coude pour l’élection du 5 novembre, bien que les parieurs misent sur un retour républicain. Les marchés financiers semblent eux avoir intégré le « Trump trade », anticipant les effets de la victoire de l’ancien président. Décryptage de la « trumponomics ».

À la veille du 5 novembre, les sondages placent Kamala Harris et Donald Trump dans un duel serré, avec un léger avantage pour la candidate démocrate.

Pourtant, les sites de paris en ligne misent sur une victoire républicaine, et les marchés financiers semblent déjà intégrer le retour de la « Trumponomics », anticipant les impacts d’un potentiel mandat « Trump 2.0 ». Quelles seraient les répercussions économiques de ce nouveau chapitre ?

Un programme économique fondé sur les baisses d’impôts

En matière de politique budgétaire, Donald Trump souhaite prolonger et étendre ses baisses d’impôts de 2017, lors de son premier mandat, pour les entreprises et pour les citoyens. Le candidat a même évoqué la suppression de l’impôt controversé sur les revenus « hors USA Â» des expatriés américains.

Ces baisses d’impôts peuvent — sous certaines conditions — stimuler consommation et investissement et donc l’activité économique. L’annonce que la dépense publique augmenterait, notamment en matière de sécurité nationale, aurait également des effets expansionnistes à court terme.

Si les baisses d’impôts étaient suffisamment massives, « l’effet Laffer » pourrait s’enclencher : des taux d’impôt plus bas encouragent en effet le travail, l’investissement et la production, augmentant ainsi les recettes fiscales et contribuant à couvrir les dépenses supplémentaires.

Sans effet Laffer cependant, la conjugaison de baisses d’impôts et d’augmentation des dépenses entraînerait un creusement du déficit fédéral et donc un accroissement de la dette fédérale américaine. Et donc le risque d’une augmentation des taux d’intérêt obligataires.

Or, la dette américaine a très fortement augmenté depuis le départ de Trump de la Maison Blanche en janvier 2021, passant de 27 000 milliards à 35 000 milliards de dollars : près de +30 % !

Pressions sur la réserve fédérale

En matière de politique monétaire, théoriquement indépendante car aux mains de la Réserve Fédérale (ou « Fed Â», la banque centrale américaine), Trump a déjà tenté en 2018 et 2019 de faire pression pour que l’institution baisse ses taux d’intérêt, afin, là aussi, de stimuler l’activité économique à court terme.

Il n’est pas exclu qu’il parvienne à ses fins. À moyen et long terme cependant, ce genre de politique a tendance à générer des bulles d’actifs financiers et réels (comme avec la crise des subprimes dans les années 2000) et induire de l’inflation. La Fed serait alors contrainte de relever à nouveau ses taux d’intérêt pour lutter contre l’inflation, entraînant un effet récessif.

Protectionnisme et inflation : une combinaison risquée

La politique commerciale de Trump est également susceptible de stimuler l’inflation : les tarifs douaniers élevés (60 % sur les produits chinois, par exemple) et autres mesures protectionnistes proposées pourraient accroître les prix des biens importés non disponibles aux États-Unis (et notamment venant de Chine).

Cela se traduirait en outre par l’accroissement des coûts des entreprises, en renchérissant le prix des nombreux intrants venant de pays asiatiques ou d’Europe.

Des pays très orientés à l’export pourraient en souffrir, comme l’Allemagne déjà dans de grosses difficultés, et avec elle toute une partie de l’Europe. Il faut ainsi intégrer la possibilité de représailles des autres pays et donc l’incertitude générée par une certaine volatilité dans les relations commerciales.

Les entreprises américaines mondialisées, intégrées dans des chaînes de valeur complexes, pourraient donc en pâtir, même si une bonne partie se rapatriaient aux USA. Ces mesures auraient vraisemblablement un effet net plutôt négatif sur l’emploi.

Politique de « dollar faible » et balance commerciale

En outre, Trump soutient une politique de « dollar faible Â» afin de stimuler les exportations américaines et renchérir les importations étrangères aux USA. Sa position se justifie par les pratiques notamment de la Chine, qui maintient une monnaie sous-évaluée et qu’il a souvent qualifiée de « tricheuse ».

S’il parvient à impulser des taux d’intérêt bas, cela pourrait effectivement contribuer à déprécier le dollar. Mais d’un autre côté, les conséquences inflationnistes, déjà évoquées, de ses politiques induiraient une réponse en termes de hausse des taux de la part de la Fed (et bien sûr, s’il veut réellement « Make America Great Again Â», cela aboutira inévitablement à un dollar fort).

Emploi et immigration : des choix polarisants

La politique de l’emploi du ticket républicain est également en grande partie fondée sur la déréglementation et le contrôle de l’immigration.

Du côté de la première, si elle peut être bienvenue dans de nombreux secteurs sur-réglementés, certains s’inquiètent de la volonté de stimuler le secteur des énergies fossiles avec notamment des conséquences environnementales (et impactant au passage le secteur des renouvelables).

Concernant la seconde, des restrictions migratoires et reconduites à fins de « protection des travailleurs américains Â» se traduiraient par un manque de main-d’œuvre, occasionnant à la fois une baisse de valeur créée et des hausses de coûts du travail, affectant certains secteurs comme la construction. Une conséquence possible serait l’inflation.

Le programme quelque peu populiste de Trump pourrait ainsi s’avérer assez inflationniste – certains appellent cela la « Trumpflation », même si des mesures viennent stimuler l’économie.

Emmanuel Martin
Economiste à la Faculté de Droit et de Sciences Politique
Aix-Marseille Université