Marseille : 28 affaires d’habitat indigne jugées depuis 2020

Depuis le drame de la rue d’Aubagne, la lutte contre l’habitat indigne est devenue une priorité pour le parquet de Marseille. Les « marchands de sommeil » et les propriétaires négligents font face à une justice résolument engagée pour des logements dignes et sécurisés.

À l’occasion de la conférence de presse préparatoire au procès de la rue d’Aubagne, qui débutera le 7 novembre, Nicolas Bessone, procureur de la République à Marseille, a exposé la stratégie du parquet face à la prolifération de l’habitat insalubre en ville.

Depuis le drame de l’effondrement des immeubles en 2018, qui a tragiquement mis en lumière les dangers de l’habitat dégradé, la politique pénale s’est intensifiée, ciblant les propriétaires défaillants et les « marchands de sommeil ».

« Nous avons reçu un nombre très important d’arrêtés de mise en sécurité, auparavant appelés arrêtés de péril, » a précisé Nicolas Bessone, soulignant que la mairie de Marseille, après une réorganisation, a transmis près de 1 000 signalements de bâtiments en danger.

Une tolérance zéro pour les cas les plus graves

Dans les situations les plus critiques, le parquet vise des peines significatives pour dissuader les pratiques d’exploitation des logements insalubres. « Nous essayons de viser systématiquement l’infraction la plus grave, qui peut monter jusqu’à 15 ans d’emprisonnement avec les circonstances aggravantes, » explique Nicolas Bessone, en référence aux cas de soumission de personnes vulnérables à des conditions de logement dangereuses.

Depuis 2020, cette politique a permis de traiter 28 affaires liées aux logements insalubres, se soldant par 25 condamnations, dont six peines de prison ferme.

Un combat qui ne vise pas que les marchands de sommeil

Le procureur rappelle que la problématique de l’habitat insalubre ne se limite pas aux « marchands de sommeil ». « Il y a des gens qui n’ont pas les moyens, qui n’ont pas les capacités, » admet-il, en référence aux petits propriétaires parfois dépassés par les coûts de réhabilitation.

Le parquet fait donc la distinction entre les propriétaires négligents et les délinquants immobiliers dont les pratiques s’apparentent à une véritable exploitation de la misère.

Pour mieux anticiper et encadrer les situations d’urgence, le parquet de Marseille travaille en collaboration avec les différents acteurs publics. « Dès l’automne 2018, un groupe de lutte contre l’habitat insalubre (GLTD) a été mis en place à Marseille, réunissant la préfecture, la police nationale, la ville de Marseille, la métropole Aix-Marseille-Provence et la Caisse d’allocations familiales des Bouches-du-Rhône, » explique Nicolas Bessone.

Ce dispositif, poursuit-il, « facilite les signalements et l’ouverture d’enquêtes, renforçant ainsi la réponse pénale face à l’habitat dégradé. »

Mais le problème est particulièrement épineux dans certaines copropriétés des quartiers nord, où s’ajoute une autre problématique marseillaise : « des réseaux criminels squattent et louent des logements dans ces copropriétés dégradées, » indique-t-il, regrettant que le parquet ne reçoive pas assez de signalements pour pouvoir initier davantage d’enquêtes.

Des moyens renforcés pour une politique proactive

Depuis 2020, cinq immeubles et deux appartements ont été saisis, tandis que des sommes importantes en numéraire ont été confisquées. Ces biens devraient permettre la mise en place de projets de rénovation urbaine en partenariat avec les collectivités locales.

Cependant, des obstacles juridiques subsistent pour faire de ces confiscations un levier durable de réhabilitation. « Si on confisque en masse, il va falloir une politique publique derrière qui ne relève pas de la justice mais des autorités en charge de ces problématiques, » souligne Bessone, mettant en avant la nécessité d’une coordination étroite entre justice et urbanisme pour garantir l’efficacité de cette politique.

Avec seulement deux agents dédiés à la lutte contre la criminalité territoriale, le parquet réclame des renforts pour intensifier cette politique pénale. Nicolas Bessone plaide pour la sanctuarisation de ces effectifs et un renforcement global, indispensable pour maintenir le rythme actuel des poursuites et répondre à la complexité croissante des affaires.