Face à l’essor fulgurant des data centers, une stratégie territoriale d’implantation devrait voir le jour en 2025, sous l’impulsion de la préfecture des Bouches-du-Rhône. À l’occasion des dix ans de Digital Realty, Cyrille Le Vély, secrétaire général, dessine les contours d’une politique alliant développement numérique, durabilité et souveraineté des données.
Accrochée à la Méditerranée, Marseille s’est hissée en une décennie au rang de hub numérique mondial. Carrefour naturel des câbles sous-marins reliant l’Europe, l’Afrique et le Moyen-Orient, la cité phocéenne capte aujourd’hui des flux de données gigantesques, au cœur des échanges digitaux internationaux. Une croissance rendue possible grâce à Digital Realty, qui a ancré la ville dans la toile mondiale des données.
Mais cette dynamique impose des choix pour l’avenir du territoire. Cyrille Le Vély, secrétaire général de la préfecture des Bouches-du-Rhône, a profité des dix ans de présence de Digital Realty à Marseille pour présenter une feuille de route stratégique, visant à encadrer l’implantation des data centers d’ici 2025.
Marseille sous tension
Depuis l’inauguration de MRS1 en 2014, la cité phocéenne a vu émerger trois autres centres de données de Digital Realty, portant la capacité énergétique de la ville à 55 mégawatts.
Le chantier de MRS5, prévu sur le site d’un ancien silo à sucre, ajoute à l’ambition : 12 000 m² d’espace dédié au stockage numérique et une puissance supplémentaire de 22 mégawatts. Pourtant, s’il attire des secteurs variés, cet essor numérique entraîne des préoccupations en matière de gestion foncière et de consommation énergétique.
Pour Cyrille Le Vély, l’implantation des data centers doit se faire en tenant compte des pressions croissantes sur le foncier. « Cette demande est alimentée par les besoins en calcul liés à l’intelligence artificielle, notamment générative, mais elle oblige aussi à repenser l’usage de l’espace dans une ville où chaque mètre carré est précieux », a-t-il précisé.
Dans cette optique, la préfecture a mandaté l’Agence d’Urbanisme de l’Agglomération Marseillaise (Agam) pour mener une étude approfondie sur les possibilités d’implantation « des data centers en arrière-pays », soit en périphérie de Marseille.
Cette analyse vise à identifier les zones les plus adaptées pour accueillir ces infrastructures, tout en préservant les espaces naturels et en évitant la saturation urbaine. Raison pour laquelle, Digital Realty prévoit de construire un sixième centre de données à Bouc-Bel-Air, dans les anciens entrepôts de Decathlon. Dossier actuellement en cours d’instruction par l’autorité environnementale et qui suscite de vives critiques par un collectif d’habitants.
Consommation énergétique
Car justement, au-delà du foncier, la question énergétique inquiète. Actuellement, les data centers représentent 2 % de la consommation électrique de l’Europe. Un chiffre susceptible de grimper à 5 % d’ici six ans.
Une dépendance qui pourrait fragiliser les infrastructures énergétiques locales. Pour y remédier, l’Union européenne impose désormais aux centres dépassant les 500 kW une déclaration de consommation énergétique, afin de suivre de près leur empreinte carbone.
Marseille, avec ses prochaines installations comme MRS5, s’efforce d’adopter des solutions écologiques. La végétalisation des toits et le refroidissement via une ancienne galerie minière (MRS4) font partie des initiatives pour réduire l’impact environnemental. Cyrille Le Vély en appelle à une continuité dans cette démarche, afin d’inscrire Marseille comme un modèle de développement numérique durable.
Souveraineté numérique : un enjeu national
Si les data centers constituent un atout pour la compétitivité internationale de Marseille, leur expansion soulève aussi des questions de souveraineté numérique. « Héberger ces données sur le sol français, c’est garantir une protection face aux risques géopolitiques et économiques », souligne-t-il. La législation française tente de renforcer cette souveraineté, malgré les limites imposées par des lois extraterritoriales.
Un plan d’implantation d’ici à 2025
Pour relever ces défis, l’État a lancé une réflexion stratégique sur l’implantation des data centers en concertation avec les collectivités locales (Métropole, Ville de Marseille, Région…) et les opérateurs.
D’ici à 2025, une véritable politique d’aménagement territorial pour les data centers devrait voir le jour, avec des critères rigoureux en matière de consommation d’espace, d’énergie et de respect de l’environnement.
Avec ce plan d’implantation, la préfecture des Bouches-du-Rhône espère offrir au secteur numérique une stabilité et une visibilité indispensables à son développement. Une nouvelle réunion du comité de pilotage, prévue début 2025, marquera la première étape concrète vers cette stratégie ambitieuse, en s’appuyant sur les conclusions de l’étude commandée à l’Agam.
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