Comment Digital Realty a fait de Marseille un hub mondial de la donnée en dix ans

Fabrice Coquio, CEO de Digital Realty France. © N.K.

Depuis 2014, Digital Realty s’est solidement implanté à Marseille, transformant la ville en l’un des hubs numériques les plus connectés au monde. En tirant parti de sa position géostratégique unique, l’entreprise contribue à positionner Marseille au cÅ“ur des échanges de données mondiaux, entre technologie de pointe et croissance durable.

« Marseille, c’est un peu comme une boîte de nuit : tout le monde veut y être, car c’est là que tout se passe, » résume Fabrice Coquio, CEO de Digital Realty France, leader mondial des centres des données.

Cette image, un brin provocatrice, illustre l’attrait mondial exercé par la cité phocéenne, qui s’est imposée en une décennie comme un carrefour numérique entre l’Europe, l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Asie.

Point d’arrivée naturel des câbles sous-marins, la cité phocéenne occupe une position stratégique en Méditerranée, réduisant ainsi les coûts et les délais de transmission de données entre les continents.

Avec 18 câbles sous-marins connectant la ville à 57 pays et à plus de 5 milliards d’utilisateurs mobiles, Marseille représente un atout stratégique que Digital Realty a su saisir pour développer un campus de data centers unique.

« Il n’y a pas de « prochain Marseille », il n’y a qu’une seule Marseille », ajoute Fabrice Coquio. En d’autres termes, aucune autre ville ne possède cette combinaison unique d’infrastructures, de connectivité sous-marine et de position géographique privilégiée.

Ce statut singulier, renforcé par l’afflux constant de câbles sous-marins reliant les quatre coins du monde, confère à Marseille un rôle incontournable dans l’écosystème numérique mondial.

L’ascension de Marseille sur la scène mondiale des centres de données

Lorsque Intexion (qui a fusionné en 2019 avec le géant américain Digital Realty) y a implanté son premier data center en 2014, Marseille n’était pas encore sur la carte des grands centres de données mondiaux.

Aujourd’hui, elle est classée septième hub mondial d’échange de données en termes de capacité et d’infrastructures, rivalisant avec Paris et Francfort.

Avec plus de 400 millions d’euros investis dans la région, Digital Realty contribue à l’essor numérique de la ville, attirant plus de 6 000 clients à l’échelle européenne, parmi lesquels figurent des géants du cloud, de la finance et des télécommunications comme Amazon Web Services, Google Cloud, Orange, Disney…

Dans la foulée des premières installations, des réseaux de câbles sous-marins express tels que le Sea-me-we-6, (21 700 km), ont relié la ville aux centres économiques d’Asie et d’Afrique, tandis que des projets de câbles comme le Médusa, connectent la ville à des dizaines de ports méditerranéens. « Un câble dans l’eau coûte dix fois moins cher que sur terre, » précise Coquio.

Cette réalité économique, combinée à la proximité géographique des grandes plaques économiques, confère à Marseille un rôle unique dans la gestion des flux de données.

Des infrastructures numériques ancrées dans l’histoire industrielle de Marseille

Derrière le visage moderne des data centers, la réhabilitation d’anciennes infrastructures, longtemps abandonnées, qui parsèment le port. Le groupe a ainsi investi plus de 400 millions d’euros dans la transformation de plusieurs bâtiments emblématiques.

MRS1, l’un des premiers data centers marseillais, occupait autrefois les locaux de Louis Dreyfus Communications, une société de télécommunications.

MRS2, pour sa part, est situé dans une ancienne chaudronnerie datant de 1982, devenue inadaptée aux normes modernes, et qui a nécessité des travaux d’ingénierie complexes pour intégrer les systèmes de refroidissement de dernière génération.

En 2020, Digital Realty a entrepris la transformation de MRS3, une ancienne base sous-marine allemande construite durant la Seconde Guerre mondiale.

Ce bâtiment, jamais achevé ni mis en service à l’époque, est resté inutilisé pendant près de 75 ans. « Un défi technique incroyable, » se souvient Fabrice Coquio, nécessitant des innovations architecturales inédites, telles que des structures internes en acier inoxydable pour intégrer les câblages et les machines.

 Réhabilitation de l’ancienne base sous-marine allemande de U-Boats construite en 1943 pour transformation en data center MRS3.

Avec des murs de béton de près de trois mètres d’épaisseur et un toit conçu pour résister aux bombes, la transformation en data center a représenté un investissement de 140 millions d’euros.

Marseille étant devenue un pôle majeur, Digital Realty poursuit son expansion avec le développement d’un cinquième data center, installé dans l’ancien Silo à Sucre, désaffecté depuis 1994.

Ce bâtiment va être transformé dès janvier 2024 en un data center de nouvelle génération, ajoutant 12 000 m² d’espace IT au campus marseillais.

Avec le projet MRS5, d’un investissement de 300 millions d’euros, prévu pour entrer en service en 2026, Digital Realty vise à augmenter de 40 % ses capacités de stockage (équivalent à la quasi-totalité de la capacité des quatre autres data centers combinés) et de traitement dans la région, offrant une puissance de plus de 75 mégawatts, soutenant plus de 300 clients, plus de 200 fournisseurs de réseaux télécom, avec un accès sécurisé et performant aux on-ramps cloud d’AWS, Google, Microsoft et Oracle.

Ces infrastructures soutiennent plus de 400 emplois directs et indirects, contribuant à la dynamisation du secteur numérique marseillais tout en revalorisant des espaces industriels historiques.

Perspective de MRS5. Crédit photo – Digital Realty

Une vision à l’horizon 2030

D’ici à 2030, le groupe espère hisser la ville au rang de cinquième hub mondial d’échange de données. La capacité de traitement devrait atteindre 3 pétaoctets par seconde, soit vingt fois plus qu’il y a dix ans, répondant ainsi à l’augmentation exponentielle des besoins en transfert de données.

Les nouvelles générations de câbles sous-marins, qui devraient bientôt atteindre 640 térabits par seconde, soutiendront cette croissance. « En sept ans, la capacité d’un câble sous-marin a explosé, et nous anticipons une progression encore plus rapide dans les prochaines années, » déclare Fabrice Coquio.

En effet, là où en 2017 les câbles sous-marins atteignaient une capacité de 24 térabits, les nouvelles infrastructures atteignent aujourd’hui jusqu’à 320 térabits.

Cette montée en puissance permet à Marseille de rivaliser avec les hubs de Paris, Londres ou Francfort, tout en consolidant sa position de passerelle européenne vers les marchés émergents.

Le coût de transport de la donnée a chuté de manière drastique, attirant une clientèle internationale diversifiée, allant des géants technologiques aux start-up spécialisées dans la cybersécurité et le streaming.

Le patron illustre cette transformation par une métaphore économique : « C’est comme si on achetait une voiture en 2014, 20 000 euros ; aujourd’hui, c’est 354 euros pour un modèle équivalent en termes de débit de données. »

MRS4. Crédit photo : N.K.

La gravité des données, un défi pour le futur

Dans un contexte de croissance exponentielle des données, Digital Realty s’attaque à un défi de taille : la « gravité des données ». Ce phénomène, par lequel la production massive de données attire toujours plus de données vers un même espace, complexifie leur gestion et leur utilisation.

Selon les experts, 90 % des données mondiales auraient été créées au cours des deux dernières années seulement.

Cette explosion impose des solutions technologiques adaptées pour organiser, connecter et sécuriser les données directement là où elles sont nécessaires.

Face à cette dynamique, la solution prônée par Digital Realty repose sur une architecture centrée sur les données. « L’enjeu est de construire de véritables ‘communautés de données’, des écosystèmes robustes et interconnectés capables de supporter cette charge », précise Andy Power, président-directeur général de Digital Realty.

Le campus marseillais illustre bien cette stratégie : à la fois hub numérique et lieu de convergence des données, ce modèle permet de gérer un volume de données inédit tout en soutenant l’innovation.

« L’évolution du secteur au cours des deux dernières années a dépassé celle des deux dernières décennies, avec Marseille en fer de lance de cette révolution », ajoute Andy Power, soulignant le rôle moteur de la cité phocéenne dans l’expansion numérique.

Environnement et collectivité

Alors que Marseille renforce son statut de hub numérique incontournable, Digital Realty s’attache à y répondre par des solutions environnementales concrètes. Le data center MRS4 est un exemple emblématique de cette démarche : il est équipé d’un système de refroidissement innovant en circuit fermé, utilisant de l’eau non potable issue d’anciennes galeries minières. « Ce système de ‘River Cooling’ est trente fois plus efficace qu’un système classique ».

River Cooling. © N.K.

Grâce à cette innovation, le centre de Marseille limite sa consommation énergétique et fonctionne exclusivement avec des énergies renouvelables, avec un PUE design de moins de 1,2. Ce choix technologique contribue directement à réduire l’empreinte carbone de Digital Realty, qui vise à diminuer celle-ci de 25 % en cinq ans.

L’échéance de 2030 reste le pilier de cette vision durable : atteindre 100 % d’énergie propre dans toutes les installations de l’entreprise en Europe, en adéquation avec les objectifs de neutralité carbone du continent.

Explorer toutes les pistes énergétiques

Toutefois, Digital Realty sait que l’énergie renouvelable seule ne suffira pas à répondre aux besoins d’un secteur en pleine croissance. C’est pourquoi l’entreprise investit activement dans des technologies émergentes comme le nucléaire modulaire (SMR) et l’hydrogène.

« En tant que membre du groupe de travail SMR de la Commission européenne et de l’Alliance de l’hydrogène, nous explorons les solutions énergétiques alternatives qui pourront soutenir l’essor des technologies d’intelligence artificielle », explique Lex Coors, directeur en chef de la technologie et de l’ingénierie des centres de données chez Digital Realty.

Pour Digital Realty, il s’agit de se positionner en précurseur et de jouer un rôle majeur lorsque ces énergies deviendront viables et matures.

Un réseau interconnecté en Méditerranée

Au-delà de Marseille, Digital Realty étend son réseau en Méditerranée avec des installations en développement à Rome et en Crète, conçues pour faciliter les échanges numériques entre l’Europe et le Proche-Orient. « La Crète devient un nouveau nœud stratégique, pensé comme un ‘porte-avions numérique’ pour le sud de l’Europe », souligne Fabrice Coquio.

Inspirée par l’exemple de la cité phocéenne, l’entreprise vise à établir d’autres hubs numériques autour du bassin méditerranéen, de Barcelone à Tel-Aviv. « Marseille ne se contente pas d’être un centre de données, c’est un avant-poste pour un avenir numérique intercontinental », ajoute-t-il.

Ces hubs renforceront les fondations d’une nouvelle « autoroute numérique transcontinentale », ouvrant la voie à une croissance exponentielle des échanges commerciaux entre l’Europe, la Méditerranée et le Moyen-Orient.

Avec plus de 300 centres de données répartis dans 50 métropoles et six continents, Digital Realty se positionne en géant du secteur, reliant São Paulo à Paris, Singapour à Johannesburg, en passant par Paris, avec le campus marseillais, au cœur de son offre mondiale.

« Le soleil ne se couche jamais sur notre réseau de campus de centres de données », s’amuse Andy Power, venu célébrer, mardi 29 octobre, au Palais du Pharo, la croissance de Digital Realty à Marseille, amorcée en 2014, en présence d’acteurs du numérique, de partenaires institutionnels et de leaders industriels, marquant une décennie d’impact économique et technologique.

De g. à D. Bernard Kleynhoff, président de la commission développement économique et digitale, industrie-export, cybersécurité Région Sud, Bernard Deflesselles, représentant Martine Vassal, présidente de la Métropole Aix-Marseille Provence, Andy Power, président-directeur général de Digital Realty, Fabrice Coquio, CEO de Digital Realty France, Christophe Hugon, conseiller municipal de la Ville de Marseille, délégué à la transparence, l’open data, le système d’information, le numérique municipal, le numérique responsable, Lex Coors, directeur en chef de la technologie et de l’ingénierie des centres de données chez Digital Realty, Cyrille Le Vély, secrétaire général de la Préfecture des Bouches-du-Rhône et Olivier Cazzulo, vice-président de Numeum, membre de la CCI Aix-Marseille Provence. © N.K.

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