Lors de la clôture de la sixième convention des maires de Provence-Alpes-Côte d’Azur, Catherine Vautrin a déployé sa vision pour les territoires, entre promesses d’autonomie et impératifs de rigueur. Mais derrière les grandes déclarations, le poids des chiffres rappelle les limites du volontarisme.
Elle monte sur scène avec l’air de celle qui vient redessiner les cartes. Catherine Vautrin, sourire aux lèvres, sait que le décor est planté : les caisses sont vides, mais l’ambition reste grande. « Passer de l’État tutelle à l’État partenaire », promet-elle devant un parterre de maires, rassemblés au Grand Théâtre de Provence, à Aix.
Une formule choc. Un clin d’œil au passé et un coup de griffe au centralisme parisien. Mais derrière cette promesse de liberté, les chiffres trahissent une autre réalité : la dette nationale s’élève à 3 228 milliards d’euros, et le fardeau pèse 55 milliards par an. « La situation économique exige des efforts de chacun », dit-elle, tout en soulignant la gestion responsable des collectivités.
Mais vient le sujet qui fâche : les économies. Pas question de faire croire que la rigueur ne concerne que les autres. « Nous n’avons pas le monopole des bonnes idées sur les économies », avoue-t-elle, presque en confidence.
Mais elle rappelle que les économies doivent venir de partout. Le gouvernement a taillé dans ses propres dépenses, avec 20 milliards d’économies sur l’État, 15 milliards sur la sécurité sociale et 5 milliards à trouver chez les collectivités. La ministre n’a pas l’intention de faire dans la dentelle, et les maires le savent.
Pour convaincre les marchés que la France reste un partenaire fiable, il faut tenir la ligne. « La dépense publique représente 57 % de notre richesse nationale, contre 49 % en moyenne en Europe », rappelle-t-elle, insistant sur la nécessité de rationaliser.
Catherine Vautrin reconnaît la complexité de l’exercice, mais en fait un impératif pour restaurer la crédibilité budgétaire du pays. Pour elle, la discipline financière est le socle sur lequel bâtir le partenariat avec les collectivités.
Contractualisation, le rêve d’un État moins pesant
Pour la ministre du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation, la solution réside dans la contractualisation, ce mot à la mode qui fleure bon l’autonomie locale. « Nous devons redonner du poids aux territoires dans la prise de décision. » Une phrase simple, mais chargée de tout un programme.
L’idée ? Signer des contrats sur mesure, taillés pour les besoins de chaque région, de chaque commune. Fini l’État qui décide tout, place à la co-construction. Mais attention, l’autonomie a ses limites. Les projets devront rester dans les clous budgétaires, et l’État veille au grain. En clair, les élus gagneront en marge de manœuvre, mais gare aux dérapages financiers.
Simplification, le grand ménage annoncé
Mais pour que cette contractualisation fonctionne, encore faut-il alléger la machine. Là intervient le deuxième axe de la ministre : la simplification. « Supprimons tout ce qui coûte et qui ne sert à rien. »
Elle veut en finir avec la bureaucratie, les normes inutiles, ces règlements qui s’empilent et bloquent les projets avant même qu’ils ne voient le jour. « Trop de normes, c’est trop d’entraves à l’action publique », poursuit-elle, comme une chirurgienne prête à enlever les excès. Elle cible les règles qui alourdissent la gestion locale, comme les normes d’accessibilité dans les petites communes, coûteuses et difficiles à mettre en œuvre.
Pour la ministre, simplifier est une condition sine qua non pour redonner de la souplesse aux collectivités. Et cela implique de faire le tri dans les dispositifs qui freinent les initiatives locales. Un tri qu’elle propose de réaliser main dans la main avec les préfets et les élus.
Les territoires, laboratoires d’innovation
Si la simplification est une promesse, la déconcentration est l’outil pour la mettre en œuvre. Catherine Vautrin y voit la clé pour reconnecter l’action publique avec les citoyens. « On ne gère pas une vallée des Alpes comme le littoral marseillais », lâche-t-elle, comme si cette évidence avait été oubliée quelque part dans les arcanes de la technocratie parisienne.
Et c’est là que Catherine Vautrin place ses espoirs : faire des territoires des « laboratoires d’innovation ». Elle veut remettre au centre le concept de « bassin de vie », ces territoires à taille humaine où les besoins quotidiens des habitants s’expriment pleinement.
Pour elle, chaque région, chaque bassin de vie, peut devenir un champ d’expérimentation où l’on teste des idées nouvelles, avant de les répliquer ailleurs. L’idée n’est pas de tout réinventer, mais de s’inspirer des succès pour les dupliquer là où ils peuvent porter leurs fruits.
Elle cite en exemple la gare de Strasbourg, où une meilleure organisation des quais a permis de fluidifier les correspondances entre TGV et TER. « Nous devons adapter ces bonnes pratiques à des gares comme Saint-Charles », explique-t-elle, soulignant que l’innovation peut naître de solutions simples, sans pour autant alourdir les budgets.
La ministre voit dans cette approche un moyen de revitaliser l’action publique, en valorisant les spécificités locales tout en tirant parti des expériences réussies. Pour elle, la déconcentration, c’est permettre aux préfets de mieux ajuster les politiques locales en lien avec les élus, et d’implanter des solutions adaptées aux réalités locales. Un discours qui se veut pragmatique, mais qui, encore une fois, ne s’affranchit pas des contraintes budgétaires.
Le maire, ce héros du quotidien
Malgré la rigueur, Catherine Vautrin ne veut pas oublier ceux qui font le lien entre les politiques publiques et le quotidien des citoyens. Elle rend hommage aux maires, « premier visage de la République », ceux qui, selon elle, ont été en première ligne lors de la crise du Covid-19, improvisant des solutions quand tout semblait s’écrouler.
« Attaquer un maire, c’est attaquer la République », affirme-t-elle, sévère, rappelant la violence que certains ont subie. Au-delà des hommages, elle rappelle la nécessité de mieux protéger les élus, de les accompagner dans leur mandat, et de valoriser leur engagement.
Catherine Vautrin quitte la tribune avec la conviction d’avoir dit les choses telles qu’elles sont : oui, les territoires peuvent innover, expérimenter, réinventer. Mais l’argent manque, et chaque euro doit être justifié. « Nous devons faire nation, en valorisant nos différences, mais surtout en agissant ensemble pour nos concitoyens ».