À Marseille, mission brouillard sur la vidéoprotection

Quinze minutes montre en main. La première réunion de la Mission d’information et d’évaluation (MIE) sur la vidéoprotection à Marseille n’aura pas répondu aux attentes de l’opposition. Entre caméras en panne, chiffres opaques et méthodes de gestion contestées, les élus de « Une Volonté pour Marseille » dénoncent une politique de sécurité mal gérée et peu transparente.

La vidéoprotection, instaurée pour surveiller les quartiers sensibles et renforcer la lutte contre la délinquance à Marseille, est aujourd’hui au cœur d’une mission d’information initiée par l’opposition. Mais cette première réunion, expédiée en quinze minutes à peine, n’a fait qu’accentuer le fossé entre la majorité municipale et les élus d’opposition. « Un quart d’heure et puis c’est tout, à la revoyure ! » s’est exclamé le groupe « Une Volonté pour Marseille » (UVPM) dans un communiqué à l’issue de cette réunion.

Pour l’opposition, cette rencontre n’aura apporté aucune réponse concrète, alors que la vidéoprotection est un sujet brûlant pour la sécurité des Marseillais. « Nous attendions un bilan sérieux et des réponses sur le nombre de caméras installées, leur état de fonctionnement, et la maintenance, mais nous n’avons rien eu », déplore un élu du groupe UVPM.

Des caméras en panne et une maintenance défaillante

Depuis plusieurs années, l’opposition alerte sur l’état des caméras de vidéoprotection. « Les commerçants nous disent que certaines caméras sont hors service depuis des mois, explique Sylvain Souvestre, maire (LR) des 11-12 arr. Dans certains quartiers, des cambriolages ont eu lieu, mais la police n’a pas pu retracer les responsables car les caméras de surveillance étaient en panne. »

Cette défaillance technique soulève des questions sur la gestion même du dispositif. « Nous voulons savoir combien de caméras ont été installées depuis 2020, combien fonctionnent réellement, et qui est responsable de leur maintenance, insiste Bruno Gilles, conseiller minicipal et ancien maire de secteur (4-5e arr.). Il est temps de sortir du flou. »

Le moratoire de 2020 : des résultats toujours absents

L’opposition s’impatiente aussi face au silence entourant le moratoire instauré en 2020 par la majorité. Ce moratoire, censé permettre une évaluation complète de l’efficacité des caméras de vidéoprotection avant de nouvelles installations, n’a toujours pas livré de résultats. « Ils ont les résultats, mais ils refusent de les communiquer », accuse Bruno Gilles. « C’est une farce. Si les caméras ne sont pas efficaces, pourquoi ne pas le dire ? »,ironise Catherine Pila, présidente (LR) du groupe Une Volonté pour Marseille.

Depuis quatre ans, l’opposition demande en vain des chiffres et des conclusions sur ce moratoire. « Chaque fois qu’on pose la question, on nous dit que l’étude est en cours », critique-t-elle. Mais cela fait quatre ans ! Il est temps de rendre des comptes. »

« Il y a un manque de transparence total »

Bruno Gilles rappelle que la vidéoprotection, lorsqu’elle avait été mise en place, reposait sur une méthode de concertation entre la police nationale et les acteurs locaux. « À l’époque, il y avait une cartographie établie par la police nationale. Le responsable de la zone venait à la mairie de secteur pour demander les retours des chefs d’établissements scolaires, des associations de commerçants, afin d’avoir une vision objective des besoins du quartier », explique-t-il.

Cette concertation permettait d’ajuster les emplacements des caméras en fonction des besoins réels des habitants et des commerçants. « Nous faisions office de porte-parole pour relayer les demandes des comités d’intérêt de quartier, des associations de commerçants et des établissements scolaires », poursuit l’élu. Grâce à cela, nous avions réussi à obtenir un bon maillage de vidéoprotection dans les 4e et 5e arrondissements. »

Bruno Gilles déplore aujourd’hui la disparition de cette concertation. « Aujourd’hui, on ne sait plus comment sont décidés les emplacements des caméras. Il y a un manque de transparence total », accuse-t-il.

Chiffres contestés et promesses non tenues

L’ancien maire évoque également les effectifs de la police municipale, intrinsèquement liés à l’efficacité de la vidéoprotection. « Je maintiens qu’en janvier 2020, il y avait 430 policiers municipaux à Marseille », affirme-t-il. Depuis, il dénonce l’absence de chiffres clairs sur l’évolution des effectifs et leur répartition dans les quartiers sensibles. « On nous promet des augmentations, mais où sont les chiffres ? Nous n’avons aucune preuve que ces effectifs ont réellement augmenté. »

Pour lui, la vidéoprotection ne peut être efficace sans une gestion rigoureuse des ressources humaines et techniques. « Un dispositif de surveillance, c’est aussi une question d’entretien et de coordination. Les caméras peuvent fonctionner, mais si elles ne sont pas maintenues correctement, elles deviennent des gadgets inutiles. »

Une mission d’information déjà biaisée ?

Cette première réunion de la mission d’information et d’évaluation aurait dû être l’occasion de dresser un état des lieux précis de la vidéoprotection à Marseille. Pourtant, l’opposition est repartie frustrée. « Nous n’avons eu aucune réponse concrète », dénonce un élu du groupe UVPM. « Le calendrier est flou, et aucune date précise pour les auditions n’a été fixée. »

Un autre point de crispation pour l’opposition est la nomination d’un membre de la majorité à la présidence de cette mission. « Nous avons des craintes réelles que cette mission ne se transforme en simulacre. Nous avons besoin de transparence et de chiffres concrets. »

Si aucune réponse concrète n’est apportée lors des prochaines réunions de la mission, l’opposition a déjà annoncé son intention de déposer des questions écrites au conseil municipal. « Nous ne lâcherons pas. Les Marseillais méritent des réponses claires et transparentes. »

N.K.