Face à la montée en puissance des Ehpad privés, Marseille mise sur un modèle innovant pour ses aînés : un Ehpad social, conçu comme un lieu intergénérationnel au cœur du 15ᵉ arrondissement. Objectif : répondre à la précarité et créer du lien dans un quartier en manque de repères.
Au 462, chemin de la Madrague-Ville, ce qui fut jadis une mission locale abandonnée espère connaître une seconde vie. La municipalité vient de déposer son dossier pour la construction d’un Ehpad à vocation sociale, en réponse à l’appel à projet du 17 juillet dernier par l’Agence régionale de santé et le département des Bouches-du-Rhône.
Dans une ville où les Ehpad privés règnent en maîtres, avec des tarifs souvent prohibitifs, ce projet entend redéfinir les standards de prise en charge des plus âgés. Il ne s’agit plus seulement de fournir un toit, mais de créer un véritable espace de vie intergénérationnel.
L’idée est simple : réunir sous un même toit des seniors, des étudiants et des acteurs associatifs dans un cadre à la fois médicalisé et social. À l’heure où la solitude des personnes âgées devient un enjeu majeur de société, Marseille semble vouloir tracer une nouvelle voie.
La réflexion autour de cet Ehpad public remonte à 2020 et la violence à laquelle ont été confrontés les seniors lors de la période d’isolement due au Covid. Nombreux ont été les personnes âgées à se retrouver retranchés, avec parfois des pertes d’autonomie subites comme conséquence.
La cité phocéenne compte 25% de plus de 60 ans dont 20% vivent sous le seuil de pauvreté.
Un projet pour protéger le 3e et 4e âge
« Il y a à Marseille, 65 Ehpad, seulement deux à but non-lucratif, et dont un seul est public dans une ville de plus d’un million d’habitants. Il y a un manque criant. Nous considérons que sur des publics qui sont très isolés, souvent très précarisés, il y a besoin d’une réponse publique pour y faire face », déclare Audrey Garino, adjointe au maire de Marseille en charge des affaires sociales, de la solidarité, de la lutte contre la pauvreté.
Le projet vise à offrir 88 places dans cet espace réhabilité et s’inscrit également dans une dynamique de revitalisation urbaine. Niché dans un quartier où les stigmates du passé industriel sont encore visibles, l’Ehpad veut réanimer la vie locale.
Des chambres pour étudiants seront mises à disposition, des espaces médicaux partagés verront le jour, et des initiatives sociales, comme des cafés associatifs, viendront tisser des liens entre les générations. Un retour à la proximité et à l’humain, dans une ville qui en a cruellement besoin.
Un patrimoine réhabilité
Pour imaginer la structure, les porteurs du projet se sont inspirés d’établissements préexistants, à l’image de la Maison à vivre les jardins d’Haïti, située dans le 4e arrondissement. « C’est une démarche que nous avons déjà mies en place au centre communal d’action sociale (CCAS), notamment au sein de nos résidences autonomie, qui sont toutes des résidences intergénérationnelles. C’est incroyable comme ça marche et comme c’est positif pour nos résidents et pour les étudiants qui y vivent », ajoute Audrey Garino, convaincue de la solidité et de l’importance sociale du projet.
25 millions d’euros, destinés à réhabiliter l’ancien bâtiment laissé à l’abandon depuis plus de vingt-cinq ans et très dégradé à l’heure actuelle, seront investis par la Ville si le projet est validé. Une réponse est attendue de la part de l’ARS et du département dans un délai de trois à six mois, avec pour objectif une ouverture aux alentours de trois ans.