Le Département veut étendre l’expérimentation du RSA rénové

Après un an d’expérimentation du RSA rénové dans les Bouches-du-Rhône, les résultats sont au rendez-vous avec un taux de retour à l’emploi trois fois supérieur aux autres territoires. Le Département appelle à étendre la mesure, mais la question des moyens reste un point de tension.

C’était un pari audacieux. En mai 2023, l’expérimentation du RSA rénové, conditionnée à 15 heures d’activité hebdomadaires, débutait dans les 5e et 7e arrondissements de Marseille, deux territoires pilotes choisis pour tester cette nouvelle approche. Une volonté du Département, l’un des premiers à se positionner pour tester ce dispositif.

Un an plus tard, le bilan est là : le nombre de bénéficiaires ayant retrouvé un emploi est trois fois supérieur à celui des territoires non concernés par cette mesure. « Le nombre de personnes qui retrouvent un emploi est trois fois meilleur que hors cadre de l’expérimentation rénovée », souligne Sabine Bernasconi, vice-présidente du Département, en charge de Déléguée à l’Insertion professionnelle.

Des chiffres encourageants

Avec environ 2 500 personnes concernées lors de la première phase de l’expérimentation dans les 5e et 7e arrondissements, le taux de retour à l’emploi s’établit à 45 %, nettement au-dessus de la moyenne nationale, fixée à 40 %.

Fort de ce succès, le dispositif s’est étendu en mai 2024 aux 1er et 6e arrondissements de Marseille, ajoutant 4 000 bénéficiaires supplémentaires.

En septembre 2024, l’expérimentation a été élargie au Pays d’Arles, une zone rurale, intégrant 4 000 bénéficiaires de plus. Au total, 10 500 personnes bénéficient désormais de cet accompagnement rénové.

Des approches adaptées aux spécificités locales

À Marseille, l’accent a été mis sur des secteurs tels que le bâtiment et l’hôtellerie, où les besoins en main-d’Å“uvre sont importants. Au Pays d’Arles, la problématique est autre : la mobilité et les spécificités du secteur agricole sont au cÅ“ur des enjeux.

L’objectif est de vérifier si l’expérimentation peut s’adapter à ces défis et produire les mêmes résultats qu’en milieu urbain. La clé de cette dynamique ? Un accompagnement renforcé et personnalisé avec des heures d’activités hebdomadaires pour les allocataires.

« Pendant ces 15 à 20 heures d’activités hebdomadaires, la personne bénéficiaire peut rencontrer des entreprises, suivre une formation, travailler avec son accompagnateur pour choisir les meilleures orientations, » détaille Sabine Bernasconi.

Cet accompagnement personnalisé, organisé autour de rendez-vous réguliers, repose sur un taux d’encadrement supérieur à la norme : un référent pour 50 bénéficiaires, loin des standards habituels. Cela permet de mieux cibler les besoins individuels, qu’il s’agisse de formations ou de solutions adaptées comme la garde d’enfants pour les parents isolés.

Les leviers à lever pour une généralisation

Pour les élus des Bouches-du-Rhône, l’un des leviers les plus importants reste le financement de la mesure. L’expérimentation a nécessité 960 000 euros en 2023 pour couvrir les 8 mois de mise en place dans les arrondissements marseillais, tenant compte de la période de mise en oeuvre.

Pour 2024, le budget est estimé à 1,5 million d’euros, incluant l’extension aux nouveaux arrondissements de Marseille et au Pays d’Arles. Mais la pérennité de cette approche dépendra des arbitrages de l’État. « Nous espérons que la mesure pourra être étendue, mais elle nécessite des moyens supplémentaires, c’est certain », souligne Sabine Bernasconi.

Les élus pointent également les économies d’échelle possibles grâce aux structures déjà en place, comme les associations et les équipes formées. Avec une baisse de -9,4 % des bénéficiaires dans les zones d’expérimentation, contre -3 % ailleurs dans le département, le RSA rénové reste un sujet d’actualité. À l’heure où les Bouches-du-Rhône ont déjà vu 20 000 bénéficiaires de moins en quatre ans, passant de 81 655 en 2020 à 61 230 en 2024, le Département affiche sa détermination à poursuivre sur cette voie, malgré les défis budgétaires.


Contrechamp

RSA rénové : une réforme sur la corde raide ?

Selon le récent rapport du Secours Catholique, dans les Bouches-du-Rhône, l’expérimentation du RSA rénové, conditionnée à 15 heures d’activité hebdomadaires, montre ses limites. Si le retour à l’emploi est trois fois plus élevé que sur d’autres territoires, le dispositif se heurte à des réalités locales complexes.

Seulement 13 % des bénéficiaires sont orientés vers un parcours social, loin des 50 % observés en Ille-et-Vilaine, révélant un décalage entre les besoins et les solutions proposées.

Autre ombre au tableau : la pression des sanctions et des radiations. Toujours selon le rapport du Secours Catholique, le non-recours au RSA a grimpé de 10,8 % en un an dans les zones test.

L’association met en lumière que cette hausse traduit la réticence de nombreux bénéficiaires à poursuivre leurs démarches par peur des contrôles et des sanctions. Pour le Secours Catholique, la réforme semble générer un effet dissuasif, éloignant certains allocataires non pas parce qu’ils retrouvent un emploi, mais parce qu’ils préfèrent renoncer à leur allocation plutôt que de risquer une suspension.

À la veille de la généralisation prévue pour janvier 2025, les inquiétudes demeurent : la réforme, pensée pour lutter contre la précarité, pourrait-elle en créer de nouvelles ?