Aux 34, 36, 38 et 40 rue Jean Roque, les travaux débutent pour transformer des immeubles dégradés en logements sociaux de qualité. Un chantier emblématique, symbole de la lutte contre l’habitat indigne dans une ville marquée par les fractures sociales.
À l’extérieur des immeubles, l’effritement des façades révèle les plaies de la rue Jean Roque, dans le 6e arrondissement de Marseille. Des années d’abandon ont laissé des cicatrices, bientôt couvertes par les premières bâches et échafaudages des travaux à venir.
Ce mercredi 15 octobre restera dans les annales. David Ytier, président de la Spla-IN AMP (Société Publique Locale d’Aménagement d’Intérêt National Aix-Marseille-Provence), lance symboliquement la réhabilitation des immeubles du 34 au 40 rue Jean-Roque en remettant des casques aux personnalités présentes, comme le maire Benoît Payan et Martine Vassal, présidente de la Métropole.
Un geste simple, mais lourd de sens pour ce chantier qui se veut le premier d’une longue série.
Une rare unité contre l’habitat indigne
« Ce moment lance la plus grande opération de réhabilitation d’immeubles dégradés que Marseille ait jamais connue, » affirme David Ytier, le regard braqué sur l’assistance, où les maires de secteurs Olivia Fortin (6-8) et Sophie Camard (1-7) sont venues applaudir cet instant.
Et pour cause. Une rare unité s’est formée autour de la question de l’habitat indigne, née des décombres de la rue d’Aubagne, a brutalement mis en lumière la lente agonie des logements marseillais. « Le 5 novembre 2018, nous avons pris conscience de l’ampleur de la situation », rappelle Martine Vassal, président (DVD) de la Métropole Aix-Marseille Provence. « C’est là que nous avons décidé de prendre les choses en main, en créant la Spla-IN pour répondre à cette urgence. »
Depuis, l’indignation s’est muée en détermination, et cet élan collectif veut croire à une ville qui répare ses failles, une pierre après l’autre.
Redonner un souffle au centre-ville
« L’habitat indigne a causé beaucoup de dégâts à Marseille, » souligne Benoît Payan. « Il est urgent de réhabiliter ces immeubles, de les rendre aux Marseillais. » Les mots du maire portent la lourdeur des attentes accumulées. Le maire ne cache pas que le chantier est une manière de redonner un souffle nouveau au centre-ville, là où l’abandon et la précarité ont trop souvent dominé le paysage urbain.
Pour le maire (DVG), il ne s’agit pas simplement de retaper des murs, mais de « faire du logement de qualité » pour que le centre-ville redevienne un lieu de vie pour tous, « y compris les plus pauvres, les plus humbles. »
Martine Vassal insiste sur l’importance de l’effort collectif : « Il n’y a pas de place pour la polémique, car ceux qui en subiraient les conséquences sont les plus vulnérables. » Pour elle, ce projet symbolise une autre manière de faire, où la politique s’efface au profit de l’intérêt général.
Un chantier ambitieux pour des logements modernes
Les murs fissurés et lézardés laisseront place d’ici 2026 à seize logements traversants, repensés avec des espaces extérieurs. « Nous allons restructurer entièrement ces bâtis, » explique Franck Carro, directeur général de la Spla-IN AMP, bras armé de la Métropole Aix-Marseille-Provence, en matière de réhabilitation urbaine.
Les travaux à hauteur de 3 millions d’euros, financés par l’Etat (en partie par l’Anru), la Métropole et la Ville de Marseille visent à offrir aux habitants de nouveaux logements sociaux qui n’ont rien à envier aux standards modernes, tout en respectant l’authenticité des lieux. « Nous travaillons sur des immeubles habités, avec des contraintes techniques énormes, mais le but est de maintenir la vie dans ces quartiers tout en les transformant profondément, » ajoute Franck Carro.
À ses yeux, la rue Jean-Roque pourrait devenir un exemple de ce que la Spla-IN peut accomplir : conjuguer respect du passé et vision pour l’avenir. Le chantier de la rue Jean Roque n’est que le premier d’une série.
Pour les habitants du 6e arrondissement, c’est aussi l’espoir de voir leur quotidien transformé, loin des murs fissurés et de la précarité. Au-delà de la transformation des logements, l’autre enjeu majeur reste la revitalisation commerciale en pied d’immeubles.
Martine Vassal insiste sur cet enjeu : « Il faut des commerces, répondre aux problématiques des habitants. » Elle appelle la Ville à anticiper la vie du quartier pour éviter que ces rues rénovées ne restent vides. « Il faut que la ville de Marseille commence à préparer, à penser dès maintenant la vie de ce quartier, » ajoute-t-elle, soulignant l’importance de dynamiser le centre-ville pour les habitants.
Un chantier de 3 millions d’euros, une ambition sur dix ans
La réhabilitation des quatre immeubles de la rue Jean-Roque, financée à hauteur de 3 millions d’euros par l’Anru, avec le soutien de l’État, de la Métropole Aix-Marseille-Provence, et de la Spla-IN AMP, s’inscrit dans un plan plus vaste de rénovation de 172 immeubles dégradés dans le centre-ville, dont 68 déjà acquis pour être rénovés par la Spla-IN, en partenariat avec l’État, la Métropole et la Ville.
Le montant total de ces opérations est estimé à 256 millions d’euros, alloués à la remise en état d’un centre-ville longtemps délaissé.
Cette semaine, la visite de terrain des immeubles du centre-ville s’inscrit dans une séquence dédiée à la question du logement à Marseille. Les Assises du logement, jeudi 16 octobre, réunissant acteurs publics et privés autour des défis de l’habitat.
Parallèlement, le conseil municipal de ce vendredi 17 octobre prévoit d’aborder plusieurs rapports sur la rénovation urbaine.
N.K.
SUR LE MÊME SUJET