Une réforme portée par des députés parisiens vise à instaurer un suffrage direct pour élire le maire à Marseille, Paris et Lyon. Un bouleversement du système électoral en place depuis 1982 qui fait grincer des dents à Marseille, où la droite dénonce une ingérence parisienne.
À l’heure où la France tente d’éviter un gouffre budgétaire, le député parisien Sylvain Maillard (Renaissance) trouve le moment opportun pour réécrire les règles du jeu des élections municipales à Paris, Lyon et Marseille.
Le parlementaire de la 1ère circonscription de Paris propose de modifier le mode de scrutin pour les élections dans ces trois grandes villes : les habitants éliraient directement leur maire, supprimant ainsi le système indirect en vigueur depuis 1982.
Si le texte n’est pas sorti de nulle part, beaucoup pensaient qu’il ne verrait jamais le jour, du moins pas dans le contexte politique actuel. À Marseille, cette réforme est perçue comme une ingérence parisienne malvenue. La méthode suscite l’indignation.
Le collectif « Une génération pour Marseille » n’a pas tardé à réagir. « À quelques mois des élections municipales, des Parisiens décident, pour Paris et par Paris, de changer la manière dont nous élisons notre maire », dénonce Romain Simmarano, président du collectif, dans un communiqué publié le 14 octobre 2024.
Pour eux, il s’agit d’une réforme imposée d’en haut, sans concertation, qui détourne l’attention des vrais problèmes de la ville. « Nous avons d’autres priorités : des écoles délabrées, des piscines fermées, une insécurité omniprésente », martèle le collectif, qui voit dans cette réforme un « tripatouillage » à l’heure où Marseille doit gérer des urgences bien plus immédiates.
La loi PLM, une exception historique
Depuis 1982, la loi PLM, instaurée par Gaston Defferre, alors maire de Marseille et ministre de l’Intérieur, a façonné la politique des trois grandes métropoles françaises. Ce système particulier permet aux électeurs de voter pour des conseillers d’arrondissement, répartis en huit secteurs à Marseille, qui désignent ensuite le maire.
À plusieurs reprises, des maires ont pris le contrôle de l’exécutif municipal sans être majoritaires en voix. Gaston Defferre lui-même en a bénéficié en 1983, alors qu’il était en difficulté électorale.
La droite marseillaise a également su utiliser ce mécanisme à son avantage. Après avoir protesté contre cette loi dans les années 1980, elle l’a ensuite modifiée pour ajouter deux secteurs supplémentaires, permettant à Jean-Claude Gaudin de régner sur la ville pendant 25 ans. Ce système, taillé pour les particularités de ces grandes villes, a toujours influencé les stratégies électorales, forçant les candidats à s’adapter aux réalités complexes des secteurs.
Complexe ? Peut-être. Opaque ? C’est ce que dénoncent les partisans de la réforme, qui pointent du doigt l’opacité des tractations politiques. Pour le maire actuel de Marseille, Benoît Payan (DVG), cette réforme est une évidence. « Marseille doit suivre les mêmes règles que les autres grandes villes de France », défend-il depuis le début de son mandat, à la suite de la démission de Michèle Rubirola. Il plaide pour plus de transparence et de simplicité.
Et pourtant, lors des municipales de 2020, Michèle Rubirola (EELV), candidate du Printemps Marseillais, avait pris la tête de la ville après un accord post-électoral avec Samia Ghali (DVG), l’actuelle maire-adjointe. Une manÅ“uvre politique classique, mais qui, pour certains, éloigne les électeurs du processus démocratique.
Un Paris loin de la réalité marseillaise
Martine Vassal, présidente de la Métropole Aix-Marseille-Provence, a toujours été sceptique face à cette réforme, qu’elle qualifiait déjà l’année dernière de « coup d’éclat parisien » déconnecté des réalités locales.
Elle estimait alors que les Marseillais avaient d’autres attentes que des « tripatouillages » et mettait en garde contre les conséquences sur la représentativité et la légitimité. Selon elle, centraliser le pouvoir à l’Hôtel de Ville risquerait d’éloigner les décisions du terrain, tandis que les mairies de secteur demeurent essentielles pour une ville de cette envergure.
Renaud Muselier, président (Renaissance) de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, partageait également ces réticences : « Ce qui fonctionne à Paris ne marchera pas forcément ici. Chaque ville a ses spécificités. »
Pour lui, appliquer un modèle parisien à Marseille revient à méconnaître l’histoire et la diversité de la cité phocéenne. Lors des universités d’été, fin août, il soulignait que l’abandon de la réforme laissait à la droite une chance de reprendre les rênes de la deuxième ville de France.
Un bouleversement pour 2026 ?
Si cette réforme était adoptée, elle modifierait radicalement les rapports de force à Marseille. En instaurant un suffrage direct, elle affaiblirait le système d’alliances sectorielles sur lequel repose en partie la dynamique politique locale.
Cette évolution pourrait profiter à la majorité actuelle de Benoît Payan, élu après la démission de Michèle Rubirola. En réduisant l’influence des jeux d’alliances au sein des secteurs, la gauche marseillaise, déjà bien implantée, renforcerait ses positions, tandis que la droite, qui a souvent su tirer parti de ces arrangements, se retrouverait désavantagée.
Le collectif « Une génération pour Marseille » n’a pas l’intention de céder face à la réforme. « Ici, à Marseille, on n’a pas attendu Paris pour élire des maires légitimes – ceux dont les noms et les visages s’affichent pendant la campagne. C’est ça, le vrai sens de la démocratie ! », déclarent-ils, fermes dans leur opposition.