Maud Lelièvre (IUCN) : La science, boussole indispensable des décisions environnementales

À l’occasion des 80 ans de l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), Maud Lelièvre, présidente du comité français de l’IUCN, souligne l’importance de la science dans les décisions de conservation. Face aux croyances populaires et aux perceptions erronées, elle rappelle que seule la rigueur scientifique permet de protéger efficacement la biodiversité.

À l’occasion des 80 ans de l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), célébrés aujourd’hui à Marseille, Maud Lelièvre, présidente du comité français de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (IUCN), réaffirme un principe fondamental : la science est au cÅ“ur des décisions de préservation de la biodiversité.

« Nous vivons dans une société où les gens racontent à peu près n’importe quoi sur n’importe quoi », regrette-t-elle.

À une époque où les opinions, souvent déconnectées des données, circulent à grande vitesse, Maud Lelièvre insiste sur l’importance de baser toute action de conservation sur des connaissances scientifiques solides, loin des idées préconçues. « Nous avons besoin de débats basés sur des faits scientifiques, sans quoi nous risquons de prendre des décisions fondées sur des intuitions ou des émotions qui peuvent être trompeuses. »

Les discussions autour de la préservation de certaines espèces illustrent combien les croyances populaires peuvent déformer les perceptions. Maud Lelièvre souligne que la science aide à écarter ces perceptions erronées, souvent influencées par l’anthropomorphisme ou des mythes anciens.

« Prenons l’exemple du bouquetin du Bargy : il est essentiel de savoir, sur la base de prélèvements scientifiques, si une population est en bonne santé ou non. Décider d’abattre des animaux sur des intuitions ou des rumeurs pourrait causer plus de tort que de bien. »

Pour elle, seule une analyse scientifique rigoureuse permet de garantir que les décisions prises soient adaptées aux réalités des écosystèmes. Et au-delà des perceptions, la science s’impose comme un outil de rationalisation pour éviter des erreurs parfois irréversibles.

Les scientifiques comme lanceurs d’alerte

Qu’ils soient spécialisés en biodiversité ou experts des écosystèmes, les chercheurs occupent également un rôle de « lanceurs d’alerte ». Leurs données sont les meilleurs outils pour anticiper les crises environnementales et offrir une perspective neutre sur des sujets complexes, tels que la pêche en haute mer ou les pratiques industrielles polluantes.

« Si les citoyens ne comprennent pas que la science est essentielle pour prévenir les erreurs écologiques et protéger notre avenir, les efforts de conservation risquent de perdre en crédibilité », avertit-elle.

Dans ce contexte, la vulgarisation scientifique est un autre enjeu. Elle considère que les médias jouent un rôle déterminant pour transmettre les connaissances scientifiques au grand public de manière claire et accessible. « Les scientifiques peuvent être des lanceurs d’alerte, mais il faut savoir traduire ces données complexes pour le grand public », souligne-t-elle.

Pour elle, il est essentiel de ne pas laisser les débats scientifiques s’enfermer dans des cercles d’experts, mais plutôt de les rendre compréhensibles pour permettre une prise de conscience collective.

L’IRD, acteur incontournable de la recherche sur le terrain

L’IRD, qui fête ses 80 ans cette année, est un acteur de premier plan dans ce processus. Membre de l’IUCN, il est reconnu pour son expertise de terrain, particulièrement dans les zones vulnérables comme les Outre-mer ou la Méditerranée.

Maud Lelièvre souligne l’importance de recherches ciblées, qui non seulement contribuent à mieux comprendre les enjeux écologiques locaux, mais orientent aussi les politiques de protection.

En étudiant des écosystèmes dits « points noirs », où la biodiversité est particulièrement menacée, « l’IRD apporte des réponses concrètes aux questions de conservation et oriente les politiques locales de protection », explique-t-elle.

Cette approche scientifique rigoureuse, essentielle pour la préservation des écosystèmes menacés, sera justement au cœur des discussions lors du Forum Science4Action, organisé pour célébrer les 80 ans de l’IRD.

Maud Lelièvre participera à la table ronde intitulée « Les sciences pour répondre aux défis de l’humanité », où elle échangera avec des experts de divers horizons sur le rôle de la science dans la réponse aux crises globales.

Aux côtés de Françoise Fromageau (Fondation Croix-Rouge française), Nadine Machikou (Université de Dschang), et Françoise Vimeux (IRD), Maud Lelièvre mettra en avant la nécessité de renforcer les liens entre la recherche scientifique et les politiques publiques.

Ce débat, modéré par la journaliste Dorothée Moisan, abordera des thèmes aussi variés que la protection de l’environnement, la lutte contre la pauvreté et l’amélioration de la santé à l’échelle mondiale.