À l’Anse de la Réserve, petit port discret de Marseille, Ephyra bouscule le secteur de la plaisance. La start-up marseillaise, spécialisée dans l’hydrogène, a validé cet été sa technologie lors des épreuves de voile des Jeux Olympiques de Paris 2024, un succès qui ouvre la voie à la structuration d’une filière durable pour la navigation en Méditerranée.
Cet été, les Jeux Olympiques de Paris 2024 ont offert à l’entreprise Ephyra une scène mondiale pour démontrer son savoir-faire. Pendant 15 jours, la start-up a transporté les VIP et délégations olympiques, en utilisant un bateau propulsé à l’hydrogène, ravitaillé directement à l’Anse de la Réserve.
« Nous étions le seul bateau protocolaire pendant les Jeux », nous raconte Chloé Zaïed, présidente d’Ephyra, avec une pointe de fierté et d’émotion dans la voix. Avec plus de 350 personnalités transportées au fil des jours, dont des figures comme Tony Estanguet et Thomas Bach, le président du CIO, ou encore Renaud Muselier, président de la Région Sud, la start-up a mené une démonstration grandeur nature de sa technologie. Un défi relevé haut la main, qui a permis de valider trois ans de travail acharné.
Le choix de garder cette démonstration discrète, pour des raisons de sécurité et de confidentialité olympique, a renforcé l’impact de cette réussite. « Tant que tout n’était pas parfaitement testé, on ne pouvait se permettre de parler. Trois ans de travail, des millions investis… On n’avait pas le droit à l’erreur », poursuit Chloé Zaïed.
Une innovation révolutionnaire au cœur de la Méditerranée
Ce qui distingue Ephyra, c’est sa capacité à produire son propre hydrogène directement sur place, dans le port. Grâce à l’électrolyse de l’eau de mer, la station d’avitaillement, installée à l’Anse de la Réserve, peut ravitailler un bateau en seulement 15 minutes. « C’est une première mondiale pour un port de plaisance », affirme la capitaine. « Notre modèle prouve qu’il est possible d’allier performance et écologie, sans émissions de CO2 ni nuisances sonores. »
La station marseillaise est désormais une vitrine pour le futur de la navigation propre. « On a montré que ça marche, mais maintenant il faut dupliquer ce modèle ». Et l’ambition est claire : faire de l’hydrogène la norme dans tous les ports de plaisance, et pourquoi pas au-delà.
Un modèle prêt à conquérir la Méditerranée et au-delà
Après cette démonstration réussie à Marseille, Ephyra entend désormais étendre son modèle à d’autres ports stratégiques. « Nous avons remporté des appels à projet à Saint-Tropez, Ramatuelle et Cogolin », détaille-t-elle.
L’objectif : installer des stations d’hydrogène dans toute la Méditerranée, en faisant un bastion de la plaisance durable. « Mais on ne s’arrête pas là. Les demandes arrivent de l’étranger », précise-t-elle. Des discussions sont déjà en cours à l’international, attirées par cette solution à la fois efficace et écologique.
Fort du succès olympique, Ephyra entre dans une nouvelle phase : celle de l’industrialisation. « Nous prévoyons de construire plusieurs bateaux d’ici 2025 », précise la cheffe d’entreprise. « Pas question de commercialiser tant que tout n’est pas parfaitement maîtrisé. »
La start-up avance à son rythme, consciente que chaque bateau mis en service devra répondre aux plus hautes exigences de performance et de sécurité.
Les Jeux Olympiques, catalyseur d’un écosystème hydrogène
Le succès d’Ephyra ne tient pas qu’à la technologie. Les Jeux Olympiques ont été le levier qui a permis de rassembler tous les acteurs (partenaires publics, privés et institutionnels) autour d’un projet commun qui peinait à se faire une place malgré des avancées majeures.
Car c’est un fameux 26 mai 2020 que la première embarcation de plaisance au monde à propulsion électro-hydrogène, The New Era, conçue par Chloé Zaïed, était lancée. « On a prouvé que l’hydrogène fonctionnait, qu’il était mature. On a montré aux autorités portuaires qu’on pouvait faire venir un bateau hydrogène et de l’hydrogène dans les ports pour se ravitailler en toute sécurité », déclarait déjà à l’époque Chloé Zaïed, à la barre de la société Hynova*, basée à La Ciotat.
Les Jeux ont agi comme un catalyseur, transformant l’ambition d’Ephyra en réalité. Un point de départ pour structurer la filière hydrogène pour la plaisance ? Dans les cas, Jean-Luc Chauvin, président de la CCI métropolitaine Aix-Marseille-Provence, se réjouit de cette dynamique : « Avec les équipes du port, nous sommes engagés depuis plusieurs années dans une démarche de transition environnementale avec la volonté de transformer le site pour en faire un démonstrateur et une référence de la « plaisance durable ». Nous sommes fiers aujourd’hui de voir se concrétiser le projet d’EPHYRA, lauréat de notre AMI, avec l’accueil au sein du port de leur bateau à propulsion hydrogène et de sa propre station d’avitaillement ce qui fait du port de l’Anse de la Réserve le premier et seul port de plaisance au monde à disposer de ce type d’équipement. A jamais les premiers ! »
Législation européenne : un enjeu clé
L’innovation n’est pas la seule bataille à mener pour Ephyra. La question de la législation européenne sur l’hydrogène reste un sujet majeur pour la pérennité du projet. « Nous avons réussi à faire évoluer une partie de la réglementation sur l’utilisation de l’hydrogène dans les ports. Il y a trois ans, la situation était très complexe, mais grâce aux efforts de notre équipe, nous avons pu faire sauter certaines barrières réglementaires. »
L’Europe, bien qu’engagée sur la voie de la transition énergétique, impose encore des contraintes strictes. « Des ajustements sont nécessaires pour faciliter le déploiement de ces technologies à plus grande échelle ».
Au-delà de l’impact environnemental, le port de l’Anse de la Réserve se positionne aujourd’hui comme un véritable démonstrateur d’innovations, faisant de ce site un pionnier dans le domaine de la plaisance durable.