Hervé Novelli, ancien secrétaire d’Etat au Commerce et artisan du statut d’auto-entrepreneur, est à Marseille ce jeudi 26 septembre pour la rentrée politique de Nouvelle Énergie 13. À cette occasion, il analysera la période troublée que traverse la France et répondra à la question : « Quel libéralisme pour une société en mutation ? ».
Hervé Novelli, figure emblématique de la droite libérale, a laissé son empreinte dans les ministères avec son fameux statut d’auto-entrepreneur. Dans le gouvernement Fillon (de 2007 à 2010), il a été le porte-voix des artisans et des PME.
Ancien député, ex-eurodéputé, cet homme d’affaires passé par le secteur viticole connaît bien les rouages du privé comme du public. Aujourd’hui, c’est un libéralisme nouvelle génération qu’il défend : un modèle qui se veut agile, en phase avec une société en pleine mutation.
Lors de notre échange, il n’a pas mâché ses mots. Pour lui, « la France étouffe » sous le poids des normes, et il faut « simplifier pour respirer à nouveau ». Mais simplifier ne suffit pas : il appelle aussi à une refonte des institutions, une urgence pour recréer un lien de confiance entre citoyens et pouvoir politique.
Comment définissez-vous le libéralisme aujourd’hui, et en quoi peut-il apporter des solutions aux nouveaux enjeux économiques, sociaux et environnementaux ?
Le libéralisme, c’est avant tout la promotion des idées de liberté, mais toujours dans un cadre d’État de droit, c’est-à -dire avec des règles. L’État de droit repose sur la responsabilité des individus, permettant de préserver la liberté des uns sans empiéter sur celle des autres. Aujourd’hui, cette liberté est souvent mise à mal par la multiplication des normes et des règles.
Dès qu’un problème survient, on a tendance à légiférer, à ajouter des contraintes, ce qui finit par restreindre nos libertés, notamment celles qui concernent la sphère privée. Je suis un fervent défenseur de la réduction des normes, car elles entravent souvent inutilement la vie en société.
Vous mentionnez la prolifération des normes comme un frein à la liberté. Quelles réformes proposez-vous pour simplifier les règles tout en restant en cohérence avec l’État de droit ?
Il est essentiel d’avoir pour boussole la défense des libertés individuelles. La première réforme nécessaire est celle de la simplification des règles et de la lutte contre la bureaucratie. Notre société souffre d’une production excessive de normes, qui décourage les acteurs économiques, notamment dans des secteurs comme l’agriculture. Simplifier les règles, c’est alléger cette bureaucratie et permettre aux citoyens de respirer.
« Le libéralisme, c’est avant tout la promotion des idées de liberté, mais toujours dans un cadre d’État de droit. »
Ensuite, il faut aborder la question de l’autonomie et de l’indépendance stratégique. Avec les menaces géopolitiques qui pèsent sur nous aujourd’hui, il est crucial de protéger nos chaînes de production, nos systèmes de santé et de garantir une autonomie stratégique.
Enfin, il y a un enjeu lié aux libertés politiques. La Ve République a du mal à faire émerger une cohérence institutionnelle. Le pouvoir est très centralisé et il n’y a plus de majorité claire à l’Assemblée nationale, ce qui rend le contrôle démocratique difficile. Une réforme institutionnelle est donc indispensable pour redonner confiance aux citoyens.
Concernant les normes, vous avez souvent souligné la surcharge qui pèse sur les entreprises. Quelles solutions proposez-vous pour remédier à cette situation ?
C’est un sujet fondamental. J’ai moi-même constaté cette difficulté lorsque j’étais au gouvernement, notamment sous Fillon. À l’époque, un « monsieur simplification » avait été désigné pour tenter de résoudre cette problématique. Mais la difficulté vient du fait que ceux qui sont chargés de simplifier les normes sont souvent les mêmes qui les produisent. Cela crée un véritable paradoxe, et il serait plus efficace d’avoir des organismes indépendants pour évaluer ces règles de manière objective.
Ensuite, il y a la question de la transposition des lois européennes. Environ 50 % de nos lois viennent des directives européennes, et il est essentiel que leur transposition en droit national ne crée pas de désavantages concurrentiels pour nos entreprises. Prenons l’exemple des normes phytosanitaires.
Les agriculteurs français sont pénalisés par des transcriptions trop strictes par rapport à leurs concurrents espagnols ou italiens, qui appliquent les directives de manière plus favorable à leurs intérêts. La France, voulant toujours apparaître comme le meilleur élève de l’Europe, adopte des mesures qui désavantagent nos producteurs. C’est pourquoi il est nécessaire de revoir ce processus pour garantir une concurrence plus équitable.
Comment améliorer l’évaluation des normes avant leur adoption pour éviter leur prolifération inutile ?
Nous avons besoin d’un organisme indépendant capable d’évaluer l’impact des lois avant leur adoption. Actuellement, c’est l’administration, qui est aussi en charge de rédiger les projets de loi, qui réalise les études d’impact. Cela pose un problème de neutralité et d’efficacité, car il est difficile d’imaginer qu’une même entité puisse objectivement évaluer ses propres propositions.
Il faudrait confier cette mission à une instance extérieure, afin de mieux anticiper les conséquences des nouvelles règles et éviter leur accumulation excessive. C’est une proposition que je défends depuis longtemps.
« La France, voulant toujours apparaître comme le meilleur élève de l’Europe, adopte des mesures qui désavantagent nos producteurs. »
J’avais même proposé au président Sarkozy de supprimer une norme à chaque fois qu’une nouvelle était créée dans le même secteur. Cette idée avait été reprise par Édouard Philippe, mais elle n’a pas été maintenue bien longtemps.
En tant qu’architecte du statut d’auto-entrepreneur, quel bilan tirez-vous près de 15 ans après sa création ? Comment ce statut a-t-il évolué, et quels sont ses apports à l’entrepreneuriat en France ?
Je suis très fier d’avoir porté et défendu ce statut. Depuis sa création en janvier 2009, près de 2,7 millions de personnes en France ont créé leur entreprise grâce à ce dispositif. Environ 1,4 million d’entre elles déclarent régulièrement un chiffre d’affaires.
En 2023, les auto-entrepreneurs ont généré environ 26 milliards d’euros de chiffre d’affaires, ce qui a permis de contribuer à hauteur de 6 milliards d’euros aux caisses de la Sécurité sociale. À l’époque, on m’accusait de vouloir ruiner la Sécu, mais aujourd’hui, ce sont des contributeurs nets, et ils tombent rarement malades, donc ils allègent même le système.
Ce statut est aussi une grande fierté parce qu’il permet à des personnes qui n’ont parfois que leur volonté et leurs compétences de créer leur propre emploi. C’est un tremplin pour beaucoup, notamment dans les quartiers sensibles. Depuis la création du statut, 15 000 emplois non salariés ont été créés dans ces zones.
Mais ce statut maintient des travailleurs dans une situation de précarité et sans protection sociale. Que répondez-vous à ces critiques ?
Il est vrai que le revenu moyen d’un auto-entrepreneur n’atteint pas encore le niveau du SMIC. Mais je pose la question suivante : vaut-il mieux être un travailleur indépendant avec un revenu supérieur au RSA, ou être enfermé dans un système d’assistance ?
Le statut d’auto-entrepreneur redonne une dignité à beaucoup de personnes, en leur permettant de se lever le matin avec un projet professionnel.
« Plus de liberté et moins de contraintes permettent une société plus dynamique et plus innovante. »
Concernant la protection sociale, je suis bien conscient qu’il y a des améliorations à apporter. C’est une demande que j’ai faite à plusieurs reprises, mais malheureusement, les gouvernements successifs n’ont pas encore mis en place les réformes nécessaires. Pourtant, il est indispensable d’offrir un filet de sécurité plus solide à ces travailleurs pour qu’ils puissent exercer leur activité avec plus de sérénité.
Selon vous, comment les libéraux peuvent-ils rester influents et pertinents dans une période où les opinions publiques se tournent souvent vers des politiques protectionnistes ou interventionnistes ?
C’est une question de conviction. Les libéraux doivent continuer à défendre leurs idées avec force, car elles sont toujours pertinentes. Lorsque j’étais à Bercy, j’ai eu la chance de travailler avec Christine Lagarde, qui m’a laissé porter des réformes importantes en faveur des PME, du commerce et de l’artisanat.
Même un secrétaire d’État peut mener des changements significatifs. Je pense donc qu’il est toujours possible de faire avancer les idées libérales, même dans un gouvernement où nous sommes peu nombreux.
Justement, dans le nouveau gouvernement où les libéraux sont minoritaires, pensez-vous qu’ils pourront s’imposer ?
Il y a encore un rôle pour les libéraux, mais cela dépendra de la capacité du gouvernement à prendre en compte nos idées. Guillaume Kasbarian, par exemple, a été nommé pour s’occuper de la réforme de la fonction publique. J’espère qu’il saura s’attaquer à la simplification de la bureaucratie et à l’allègement des normes, qui sont des enjeux cruciaux. C’est un chantier fondamental, mais la route est encore longue.
Les libéraux doivent constamment rappeler que plus de liberté et moins de contraintes permettent une société plus dynamique et innovante. Il est crucial de réformer nos institutions en profondeur pour restaurer la confiance des citoyens dans la capacité de l’État à les protéger, sans les submerger de règles inutiles.
Propos recueillis par N.K.