Frédéric Collart, la politique à cœur ouvert

Frédéric Collart, à l'hôpital de La Timone - Marseille. Crédit photo : N.K.

Chirurgien cardiaque reconnu à la Timone, Frédéric Collart est habitué à redonner vie. À 55 ans, il veut s’attaquer à un autre cœur défaillant : Marseille. Porté par une approche pragmatique et humaniste, il dévoile les contours de son engagement politique à travers son mouvement « Marseille à cœur », avec l’ambition de raviver les espoirs de la ville.

Dans les couloirs feutrés de la Timone, là où chaque battement de cœur est arraché au silence, Frédéric Collart fait plus que réparer. Il redonne la vie.

À 55 ans, ce chirurgien cardiaque pourrait bientôt quitter la blouse pour endosser un tout autre rôle : celui de candidat potentiel à la mairie de Marseille.

Ce jeudi 26 septembre, il organise sa première grande réunion publique aux Docks des Suds pour dévoiler son mouvement « Marseille à cœur ».

Une métaphore idéale pour cet homme qui, en salle d’opération, maîtrise les pulsations les plus fragiles, et sur la scène politique, entend raviver celles d’une ville qu’il aime profondément.

Une carrière forgée dans l’urgence

Le chirurgien n’est pas « un politicien ». Il le dit sans détour, avec cet accent légèrement chantant qui trahit ses origines belges.

Installé à Marseille depuis ses 15 ans, il a fait de la cité phocéenne sa terre d’adoption. Son quotidien ? L’hôpital, les gardes interminables, les réveils en pleine nuit. Mais il n’a jamais cessé de scruter Marseille, qu’il perçoit comme un grand corps malade nécessitant des soins.

À ce stade, sur la scène médiatique, le spécialiste de la Timone reste un quasi-inconnu. Pourtant, dans le monde médical, sa réputation est déjà faite.

Chaque année, il sauve près de 500 vies, anonymes ou célèbres, dont des sportifs de haut niveau et des footballeurs professionnels. « Des joueurs me consultent depuis des années. C’est presque devenu une spécialité », glisse-t-il en souriant.

« Marseille est une ville complexe. On ne peut pas la réparer avec des slogans ou des promesses électorales vides. »

Dans son bureau, des photos de ses quatre enfants ornent les murs. Ils ont grandi dans l’ombre des sacrifices que ce métier impose. Marié à une chirurgienne vasculaire, le praticien jongle entre sa carrière, sa vie de famille et un engagement politique qui prend de l’ampleur.

« On essaie de ne pas trop parler d’hôpital à la maison », confie-t-il, mais il reconnaît que cet équilibre est difficile à maintenir. « Mes enfants ont appris à vivre avec l’idée que leur père n’était pas toujours là », dit-il sans faux-semblants.

Innover pour sauver des vies

C’est cette expérience au plus près des corps, de la vie et de la mort, qui fait de l’homme au bistouri un outsider crédible pour la mairie.

Chirurgien à la Timone depuis près de trente ans, il a restructuré le service de chirurgie cardiaque à seulement 29 ans après le départ impromptu de son mentor pour le Canada. « Ça a été rude, mais j’ai pu tout repenser à ma manière. » Une opportunité de rebâtir ce service à bras-le-corps et de faire de la chirurgie cardiaque marseillaise une référence.

L’une de ses innovations majeures reste la création en 2006 d’une unité mobile d’assistance circulatoire : « On perdait trop de patients pendant leur transport, alors on a décidé d’aller vers eux. » En hélicoptère ou en ambulance, cette unité se déplace aujourd’hui sur toute la région. Cette prouesse logistique et médicale est l’une des premières du genre au monde.

Diagnostiquer Marseille

Pour le docteur du cœur, l’art de soigner, c’est bien plus qu’un métier : c’est une mission, un engagement de chaque instant. C’est d’ailleurs cette rigueur acquise en médecine qu’il souhaite appliquer à la gestion de Marseille : diagnostiquer, traiter et redonner vie. « Marseille est une ville complexe. On ne peut pas la réparer avec des slogans ou des promesses électorales vides », affirme-t-il avec conviction.

Pragmatique et humaniste, son projet politique repose sur trois piliers : justice sociale, sécurité, ambition. Il parle avec la même précision de la situation sociale de Marseille qu’il le ferait pour un patient sur le fil. « Il y a des quartiers où les gens se sentent abandonnés, invisibles. C’est là que la violence naît, dans ce vide où il n’y a ni espoir, ni projet », explique-t-il.

« Tous les maires bâtisseurs ont lancé des projets qui n’ont vu le jour que bien après leur départ. C’est l’héritage que l’on laisse qui compte. »

Il adopte une position ferme face à « la violence qui gangrène la ville », mais refuse de céder à la surenchère sécuritaire, qui ferait oublier l’essentiel : la dignité humaine. « La réponse ne peut pas être uniquement répressive. Il faut traiter la cause, pas seulement les effets. »

Puis prône un équilibre entre fermeté et accompagnement. « L’ordre et la sécurité sont indispensables pour que Marseille puisse se relever. Mais on ne peut pas simplement punir, il faut aussi offrir des perspectives », déclare-t-il.

Entre les gauches et les droites, une ligne de cœur

S’il refuse les étiquettes politiques, c’est parce qu’il voit dans la gestion locale une nécessité de dépasser les clivages partisans. « À l’échelle locale, les étiquettes ne devraient pas avoir autant d’importance. Ce qui compte, c’est l’humain, c’est la capacité à agir concrètement pour les habitants », martèle-t-il.

Un discours qui tranche avec le clivage politique traditionnel, surtout dans une ville comme Marseille, où les rivalités entre blocs ont souvent paralysé les décisions. Lui appelle à un large rassemblement, du centre-gauche aux Républicains, écartant les extrêmes.

Et le médecin en parle en connaissance de cause. En 2014, Jean-Claude Gaudin lui demande de gérer les questions de santé à la Métropole Aix-Marseille-Provence.

Mais c’est lors des municipales de 2020 qu’il est plongé au cœur des tensions de la droite marseillaise. Proche de Bruno Gilles (ex-LR chez Horizons), qu’il a opéré du cœur, et d’Yvon Berland, candidat pour En Marche (désormais Horizons) et témoin de son mariage, il se retrouve à devoir jouer les pacificateurs dans une campagne tendue. « J’étais là, au milieu de tout ça, essayant de calmer les esprits », se souvient-il.

Malgré ces tumultes, ses relations avec Martine Vassal (DVD) et Renaud Muselier (Renaissance), deux figures incontournables de la droite locale, ex-LR, restent empreintes de respect. « Ils m’ont dit qu’ils ne souhaitent pas briguer la mairie en 2026 », nous glisse-t-il. La voie est libre ?

Le maire d’un seul mandat

En attendant d’être certain de le savoir, le fondateur de « Marseille à cœur » s’est forgé une opinion très précise du rôle de maire : « Un facilitateur », capable de rassembler et de travailler avec toutes les institutions, sans se laisser happer par les égos personnels. « C’est avant tout de se battre pour sa ville, pas pour son image ou ses ambitions politiques », dit-il. « Il faut être un liant, capable de travailler avec le Département, la Métropole, la Région et l’État pour que les choses avancent. Quand le maire est en opposition permanente, rien ne bouge. »

« Je m’engagerai seulement si je vois que je peux fédérer une majorité. Sinon, je resterai à l’hôpital, mes patients seront contents. »

Conscient qu’il n’est pas un visage familier du grand public, « peu charismatique » diront certains, Frédéric Collart assume son parcours hors des sentiers battus de la politique et sa personnalité discrète.

« Avec l’âge vient l’expérience et la sagesse. Je ne cours pas après les projecteurs. Ce qui m’intéresse, c’est de construire sur le long terme, pas de faire de la politique pour plaire », explique-t-il, avouant qu’il aime aller au contact direct et qu’on l’interpelle souvent : « Bonjour docteur », avec toujours une anecdote en prime.

Un seul mandat lui suffira, mais un mandat qui compte. Pour Frédéric Collart, être maire, c’est jouer le long terme. « Tous les maires bâtisseurs ont lancé des projets qui n’ont vu le jour que bien après leur départ. On ne peut pas penser uniquement aux résultats immédiats. »

Un héritage qu’il souhaite marquer d’un sceau durable. « C’est ce que l’on laisse aux générations futures qui importe. »

Mais il le promet : pas question de raccrocher le scalpel. « Je continuerai à opérer un jour par semaine », affirme-t-il sans hésitation. Le lien avec ses patients reste sacré.

Un engagement conditionné à une dynamique collective

Ces prochains mois seront décisifs. Le chef d’orchestre des blocs opératoires veut peaufiner son projet « Marseille à cœur » à travers des groupes de travail, avec un objectif clair : bâtir un programme solide.

Mais le spécialiste reste pragmatique quant à sa candidature. Il ne s’engagera que si une véritable dynamique se dessine autour de lui. « Je m’engagerai seulement si je sens que je peux fédérer une majorité. Sinon, je resterai à l’hôpital, mes patients seront ravis. Je céderai mon projet, et je ne serai pas malheureux », lâche-t-il, avec le sourire.

Reste à savoir si le chirurgien cardiaque saura faire battre à l’unisson les cœurs des Marseillais…

N.K.