Marseille en quête d’ordre : deux arrêtés au cœur du débat sur l’espace public

Le dernier conseil municipal de Marseille a été le théâtre d’un vif débat autour de la sécurité et de la gestion de l’espace public, avec deux arrêtés particulièrement discutés : l’arrêté anti-mendicité et celui contre la vente à la sauvette. Si le premier reste une ligne rouge pour le maire, le second fait l’objet d’une réflexion en cours, mais sans illusion sur son efficacité.

Marseille, encore une fois, se retrouve dans un triste tableau : un espace public dégradé, gangrené par des incivilités. C’est avec une apparente sérénité que Laure-Agnès Caradec (LR) a pris la parole, dans l’hémicycle municipal, mais l’inquiétude était bien là : « migrants, points de deal, crack… ».

Un diagnostic lapidaire de la situation autour de la Porte d’Aix et du métro Gèze. La ville est livrée à elle-même, les étudiants et salariés n’osent plus traverser ces zones où l’anxiété règne en maître. « Une situation alarmante pour les riverains frappés par cet abandon total de la maîtrise de l’espace public », dit-elle.

L’arrêté anti-mendicité : la ligne rouge du maire

Mais Laure-Agnès Caradec sait que sur le terrain de l’arrêté anti-mendicité, elle joue perdu d’avance. Et la réponse du maire ne se fait pas attendre : « Je ne prendrai pas d’arrêté anti-mendicité ».

Benoît Payan est formel. Pour lui, cet arrêté, c’est l’arbre qui cache la forêt, car le vrai problème, c’est la misère, pas la mendicité. « Je ne m’en prendrai pas aux familles ou aux personnes qui tendent la main à la sortie des supermarchés parce qu’elles n’arrivent pas à boucler les fins de mois », claque-t-il. Les yeux rivés sur les bancs de l’opposition, il sait que ça ne passera pas. Mais qu’importe.

Capitaine Gèze, l’autre front

Samia Ghali, ancienne maire de secteur, a rappelé l’ampleur du problème, notamment autour de Capitaine Gèze : « Le marché déborde, et les vendeurs de cigarettes de contrebande sont parfois agressifs ».

La maire-adjointe, appelle à une distinction entre les vendeurs précaires qui tentent de survivre et ceux qui s’enfoncent dans les réseaux illégaux. Une nuance qui ne plaît pas à tout le monde.

La vente à la sauvette, une « arme juridique » attendue

Reste que le débat autour de l’arrêté contre la vente à la sauvette a trouvé un terrain plus favorable. Ce phénomène a pris de l’ampleur dans le quartier de Noailles, ces deux dernières années. Face aux alertes répétées des riverains, le jeu du chat et de la souris entre les vendeurs illégaux et la police se poursuit. Inlassablement.

Du côté de l’opposition, Jean-Yves Sayag (DVD) pointe, de fait, la lenteur de la mise en place d’un arrêté anti-mendicité : « La police nationale ne peut pas dresser de PV parce qu’elle n’a pas cet arrêté », s’énerve-t-il, plaidant pour une adoption rapide.

Pour lui, cet arrêté, c’est « l’arme ultime » pour permettre à la police de faire son boulot. Mais il ne s’arrête pas là : « Venez à Capitaine Gèze voir ce qui se passe au lieu de critiquer derrière un banc de l’hémicycle », tacle-t-il, l’air furieux. Il en appelle à du concret, à de l’action.

« Si ça suffisait, je prendrais un arrêté tous les jours »

Benoît Payan, lui, sait bien que l’affaire est loin d’être réglée. Alors il tente de tempérer : « Si ça suffisait, moi je prendrais un arrêté tous les jours, voire deux fois par jour », lâche-t-il, mi-ironie, mi-désillusion.

Et d’indiquer qu’une réunion avec les services de la préfecture et de la police avait déjà eu lieu pour définir des périmètres d’intervention, permettant ainsi aux forces de l’ordre d’agir de manière plus efficace. Et il le dit : « Cette mesure ne résoudra pas à elle seule les problèmes structurels de la ville. »

Payan à l’opposition : « J’ai besoin de vous »

La vraie surprise arrive en fin de débat. Le maire de Marseille interpelle l’opposition… pour demande son aide. Et pas n’importe laquelle. « J’ai besoin de vous. J’ai besoin de nouveaux effectifs de police pour qu’on puisse apaiser l’espace public », assène-t-il, les yeux braqués sur les élus de droite, particulièrement Les Républicains (LR).

Le nouveau ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, appartient à leur famille politique, et il compte bien en tirer parti : « Je compte sur vous pour que Marseille soit dignement dotée en forces de police, comme Paris ou d’autres grandes villes. »

Deux visions, un même enjeu

Ce débat met en lumière une opposition classique entre deux visions de la gestion de l’ordre public. La gauche, fidèle à ses valeurs, prône une approche structurelle, tournée vers la prévention et la réduction des inégalités sociales comme réponse à la violence et à l’insécurité.

La droite, quant à elle, plaide pour une réponse plus directe et musclée, considérant que la reconquête de l’espace public passe d’abord par le rétablissement de l’autorité et des règles.

En somme, ce qui se joue à Marseille est bien plus qu’une simple question de gestion de la sécurité locale. C’est le reflet d’un affrontement idéologique national, où s’affrontent deux conceptions de l’ordre : un ordre par la justice sociale ou un ordre par la force.

Reste à savoir si la ville, tiraillée entre ces deux lignes, parviendra à trouver un équilibre capable de répondre à ses défis de manière durable.