Marseille, terre d’innovation sociale, un modèle pour demain

Marseille continue de se positionner à l’avant-garde de l’innovation sociale. Le récent partenariat signé entre la Ville et la fondation La France s’engage met en lumière des initiatives déjà solidement ancrées sur le territoire, témoignant de la dynamique et de l’engagement des acteurs locaux.

À l’Hôtel de Ville, ce jeudi 19 septembre, Marseille n’a pas seulement scellé un accord, elle a réaffirmé son rôle : être à la pointe de l’innovation sociale en France. Pourquoi Marseille ? « Parce que Marseille, c’est un territoire fertile en innovation sociale », lance sans détour Paquerette Demotes-Mainard, directrice générale d’Acta Vista.

Et difficile de la contredire. La cité phocéenne invente des modèles souvent répliqués à l’échelle nationale. Ici, le système D devient la norme, car on aime casser les codes.

En arpentant les chantiers de réhabilitation de l’Hôpital Caroline ou du Fort d’Entrecasteaux, on comprend vite que derrière les pierres restaurées, ce sont des vies qu’on remet sur pied.

Car Acta Vista ne fait pas que restaurer le patrimoine marseillais, elle forme et réinsère des personnes en situation de fragilité, dans une ville où le chômage reste un fléau.

Une approche à contre-courant des politiques d’urgence habituelles : ici, c’est le long terme qui prime. « Ce projet a permis non seulement de préserver des métiers en voie de disparition, mais aussi de remettre des femmes et des hommes sur le chemin de l’emploi durable », explique Paquerette Demotes-Mainard, comme pour rappeler que la grandeur d’une ville se mesure à celle des opportunités qu’elle offre.

La cuisine, comme vous ne l’avez jamais vue

Mais Marseille ne se contente pas de préserver son patrimoine. Au fil des années, elle s’est imposée comme la capitale de la gastronomie solidaire.

Un titre qu’elle revendique avec fierté grâce à des initiatives originales comme la création du restaurant solidaire Le République (La Petite Lili), où les plus démunis déjeunent pour 1 euro à la même table que des personnes plus aisées.

L’aventure du fast-food solidaire des quartiers Nord, L’Après-M, a fait le tour du monde, tandis que Meet My Mama et d’autres dispositifs portés par l’association Festin, tels que Des Étoiles et des Femmes, ont également connu un succès retentissant.

Ce programme, né dans les quartiers populaires, propose à des femmes éloignées de l’emploi de se former auprès de chefs étoilés. Et ça marche : 800 femmes ont été formées, et 70 % ont trouvé un emploi.

Armand Hurault, directeur de Festin, en est convaincu, l’effervescence culinaire marseillaise est le moteur de cette réussite. « Nous avons des chefs prêts à s’engager, une scène culinaire dynamique, et une solidarité qui se traduit dans l’assiette », martèle-t-il.

Petite enfance, grands changements

La gastronomie marseillaise réinvente des destins, mais d’autres initiatives jouent aussi leur partition. Prenez Label Vie : ici, ce sont les crèches qui se mettent au vert, littéralement.

Claire Grolleau, directrice générale de Label Vie, a su saisir l’instant pour expliquer comment son association œuvre pour la transition écologique des crèches. « À Marseille, on pense en dehors des cases », confie-t-elle.

Là où on pourrait se contenter de couches et de biberons, Label Vie injecte une dose d’écologie dans la petite enfance, transformant les lieux d’accueil en modèles de durabilité et de bien-être.

Avec déjà plus de 1 200 établissements engagés dans sa démarche, Label Vie ne se contente pas de changer les ampoules pour des LED. Ici, c’est une économie des ressources, une meilleure qualité de vie pour les enfants et les professionnels.

En réduisant de 25 % la consommation d’eau et d’énergie, le programme permet aux crèches de devenir des lieux exemplaires en matière de durabilité, tout en améliorant les conditions de travail. À croire que même les tout-petits peuvent faire bouger les choses.

De g. à d. Paquerette Demotes-Mainard, directrice générale d’Acta Vista, Armand Hurault, directeur de Festin, et Claire Grolleau, directrice générale de Label Vie. Crédit photo : N.K.

Un levier pour l’économie locale

Ce ne sont ici que trois exemples parmi un flot de réussites solidaires 100% marseillaise. Créée il y a dix ans, la fondation La France s’engage a déjà investi 64 millions d’euros dans 248 structures de l’économie sociale et solidaire (ESS) à travers le pays.

Parmi ces projets, 26 structures lauréates sont implantées à Marseille, dont cinq ont leur siège dans la ville : Fédération CAIRE (lauréat 2023), Arts & Développement (lauréat 2020), Des Etoiles et des Femmes (lauréat 2019), Acta Vista (lauréat 2016), Label Vie (lauréat 2015).

Ces structures marseillaises, soutenues à hauteur de 1 505 000 €, montrent que l’ESS n’est pas un simple effet de mode, mais une réalité ancrée dans l’économie locale.

« 19 % de l’emploi à Marseille appartient à l’ESS, soit presque le double de la moyenne nationale », souligne Laurent Lhardit, député NFP de la 2e circonscription des Bouches-du-Rhône, mettant en lumière l’importance de ce secteur dans la dynamique économique marseillaise. A ce titre, notons qu’en 2023, la Cress Paca accompagné 30 entreprises en phase de création et 20 dans leur développement, renforçant ainsi des projets locaux innovants.

En outre, grâce au Dispositif Local d’Accompagnement (DLA), mis en place par la Cress Paca, 24 structures ont bénéficié d’un soutien permettant de consolider leur modèle économique et social.*

Un impact qui dépasse Marseille

Alors, Marseille est-elle un modèle pour le reste du pays ? François Hollande, président de la fondation qu’il a fondée, n’hésite pas à le dire : « Ce que nous faisons ici, c’est donner aux idées la possibilité de s’incarner dans des projets concrets. L’économie sociale et solidaire, c’est avant tout une réponse humaine aux défis que nous rencontrons. »

Tandis que Benoît Payan, lui, voit grand. « Ce que nous faisons aujourd’hui, c’est poser les bases d’une transformation profonde de Marseille. Car le progrès social passe aussi par le progrès économique, par l’innovation et par l’emploi », martèle-t-il avec sa verve habituelle.

Certes. Ce partenariat inédit avec La France s’engage est une manière de donner de la visibilité et des moyens à des projets qui, bien souvent, restent confinés à la périphérie de l’action publique. Mais la cité phocéenne s’est imposée d’elle-même comme un terrain fertile pour les initiatives locales, bien avant l’arrivée du Printemps marseillais.

Si les coups de pouce restent les bienvenus, la dynamique locale, bien ancrée, s’est surtout consolidée par des décennies de travail associatif. Marseille, qui a su prendre le leadership en la matière, ne se contente plus d’être un laboratoire.

Ici, aux grands maux les petits moyens, pour des réussites qui dépassent les frontières. La cité phocéenne voit aujourd’hui bon nombre de ses projets être répliqués – ou en passe de l’être – à l’échelle nationale. Comme on aime le rappeler ici : À jamais les premiers.


*La Cress Paca compte désormais plus de 215 associations, 30 coopératives et 11 mutuelles parmi ses adhérents, répartis sur les 187 entreprises des Bouches-du-Rhône, les 31 des Alpes-Maritimes et 21 du Var.