Lors de la dernière séance du conseil municipal, la question de la subvention à SOS Méditerranée a déclenché des échanges enflammés, révélant des visions radicalement opposées sur la gestion de l’immigration et l’aide humanitaire.
Il fallait s’y attendre. A peine les 130 000 euros destinés à SOS Méditerranée mentionnés, l’hémicycle s’embrase, dévoilant les failles béantes au sein du paysage politique marseillais. Les camps sont définis, les armes affûtées.
Bernard Marandat, conseiller municipal du RN, ouvre les hostilités. « Vous voulez toujours plus de migrants dans notre ville ! » s’écrie-t-il. La phrase fuse dans un hémicycle déjà sous tension, et les ripostes ne tardent pas. Le ton monte. Ça crie, ça répond du côté des élus du Printemps marseillais. La bataille est lancée.
« L’immigration sauvage ne fait que croître. Vous envoyez un message clair aux passeurs : ‘Ne vous inquiétez pas, ils seront sauvés’ », enchaîne Stéphane Ravier, ex-RN, dans un style incisif. « Vous récupérez dans la poche des Marseillais l’argent qui vous sert à assouvir vos fantasmes idéologiques. » Le climat se tend un peu plus.
La droite contre-attaque
Face à cette offensive verbale, la droite traditionnelle reste plus mesurée, mais tout aussi tranchante. Pierre Robin (LR) critique ce qu’il qualifie d’« inutile » et de « symbolique ». Son angle d’attaque : les finances. « Pourquoi multiplier par quatre le montant des subventions d’une association qui a six millions d’euros de réserve ? » La question est posée.
Pour lui, cette aide n’a aucun impact concret : « Cet argent ne sauve pas de vies, il ne fait que financer des photos de positions humanitaires ». La droite met en avant la précarité des familles marseillaises, plaidant pour une réallocation des fonds vers des projets ayant un impact direct sur la population locale.
Le Printemps marseillais défend ses valeurs
Mais la majorité municipale, loin de se laisser faire, reste sur sa ligne. Michèle Rubirola (EELV), première adjointe, réplique en martelant les principes d’humanité qui guident la ville. « Est-ce que vous préférez ignorer les drames qui se jouent en Méditerranée ? », lance-t-elle à Bernard Marandat. Elle lui rappelle son serment d’Hippocrate, soulignant que, médecin ou pas, l’aide aux migrants est une question morale.
Audrey Garino (PCF) entre dans la danse avec des chiffres qui frappent : « Plus de 30 000 personnes ont perdu la vie en Méditerranée depuis 2014 ». Pour elle, l’action de SOS Méditerranée est indispensable : « 1 500 personnes secourues en 2024 ». Hervé Menchon (EELV) enfonce le clou en évoquant le droit maritime international dans une « mare nostrum » où « les valeurs de solidarité ne peuvent être ignorées ».
Dans ce tourbillon d’attaques et de contre-attaques, Benoît Payan décide de jouer une carte historique. Le maire de Marseille invoque contre toute attente la figure de Jean-Claude Gaudin, décédé en mai 2024, pour rappeler à tous le passé humaniste de la cité phocéenne.
Gaudin avait soutenu l’accueil de l’Aquarius en 2018, un geste fort alors que le bateau était en route pour Marseille. « Vous connaissez ma tradition et celle de Marseille. Nous voulons une ville de générosité et de fraternité », avait-il déclaré à l’époque, malgré les critiques de son propre camp. Une façon pour Benoît Payan de recentrer le débat et passer un message…
Les ambiguïtés de la droite pointées du doigt
Deux absences sont particulièrement remarquées au milieu de ces débats houleux : Lionel Royer-Perreaut (Renaissance), le principal opposant à cette subvention, qui l’avait attaquée en justice, et Yves Moraine (LR). Leurs chaises vides laissent place aux spéculations alors que le climat se tend davantage.
En coulisses, Joël Canicave (PS), adjoint aux finances, presse Martine Vassal (DVD) et Renaud Muselier (Renaissance) de clarifier leur position vis-à-vis du Rassemblement National. Il n’y va pas par quatre chemins : « Marseille ne doit pas devenir le laboratoire du ralliement entre la droite et l’extrême droite ». Les regards se tournent vers une droite divisée, tiraillée entre son aile modérée et ses alliances de plus en plus floues.
Le verdict
Malgré les absences, les critiques et les tensions exacerbées, le résultat du vote est sans appel : 55 voix pour, 43 contre. La majorité municipale remporte cette bataille. Mais au-delà du vote, c’est un fossé béant qui s’est creusé.
Cette séance a mis en lumière les fractures profondes sur la question de l’immigration, des valeurs humanitaires et de l’utilisation des fonds publics. Des thèmes qui ne manqueront pas de refaire surface à l’approche de la prochaine campagne des municipales.
N.K.
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