Le Stade Vélodrome, fierté de Marseille, cache un gouffre financier. Entre un partenariat mal ficelé et une gestion chaotique, la Chambre régionale des comptes alerte.
Le Stade Vélodrome, c’est la fierté marseillaise. Une enceinte mythique, agrandie, rénovée, prête à accueillir les plus grandes compétitions internationales. Sauf que, comme souvent à Marseille, la réalité est un peu plus complexe qu’une belle carte postale.
Modernisé grâce à un partenariat public-privé (PPP) signé en 2010 sous Jean-Claude Gaudin, le Vélodrome s’est transformé en gouffre financier. C’est la Chambre régionale des comptes qui le dit !
Une vitrine coûteuse
Le modèle du PPP signé avec Arema, une filiale de Bouygues, avait un double avantage : permettre une modernisation rapide et garantir la compétitivité de Marseille dans l’accueil de grands événements. À première vue, tout semblait brillant. Le stade rénové pouvait enfin accueillir l’Euro 2016, la Coupe du Monde de rugby en 2023, le Pape François, et les prochains Jeux Olympiques en 2024.
Un joyau de 67 000 places, avec tout le confort moderne, conçu pour rivaliser avec les grands stades européens. Coût de l’opération : 457 millions d’euros. Et Marseille n’a pas tout payé d’un coup, étalant les paiements jusqu’en 2045.
En théorie, c’était un bon plan : étaler la dépense, attirer des subventions publiques (Département, Région…), et surtout, offrir à la ville un lieu à la hauteur de ses ambitions sportives. Pour les élus de l’époque, c’était tout bénéfice. Mais dans les faits, l’addition devient salée. Très salée.
Des coûts hors de contrôle
Les prévisions initiales tablaient sur 10 millions d’euros par an pour les frais de fonctionnement et de remboursement des emprunts. Mais aujourd’hui, on parle de 30 millions d’euros par an. Trois fois plus. Comment expliquer un tel dérapage ?
La Chambre régionale des comptes pointe une gestion inadaptée, en particulier depuis le transfert de l’exploitation commerciale à Mars 360, une filiale de l’Olympique de Marseille, en 2019. Autrement dit, Marseille paie pour rien. « La ville continue de verser des redevances en contrepartie de l’exploitation commerciale, devenues de facto sans objet », assène la Chambre.
Et ce n’est pas tout. Alors que la précédente administration avait mis en place un contrat clair et favorable à la modernisation du stade, l’actuelle municipalité peine à réagir face aux dysfonctionnements. L’OM, locataire historique du stade, paie à peine 8 millions d’euros de loyer par an.
Une somme jugée « insuffisante » pour couvrir les frais de maintenance. Pire encore, la municipalité continue à rembourser des impôts sur les sociétés pour Arema, alors que celle-ci affiche des déficits chroniques depuis des années. Près de 10 millions d’euros ont été versés depuis 2014, alors qu’Arema n’a payé que 80 000 euros d’impôts. Cherchez l’erreur.
Un contrat plombé
La Chambre régionale des comptes a sonné l’alarme. Pour Benoît Payan, il s’agit désormais d’assumer cet héritage et de redresser la barre. « Les relations contractuelles avec Arema manquent de transparence », reconnaît-il, dans sa réponse à la CRC, tout en précisant que des négociations sont en cours pour réviser les flux financiers.
Mais au-delà des promesses, c’est l’absence de réactivité qui interpelle. Alors que la baisse des taux d’intérêt aurait permis de renégocier favorablement les emprunts contractés pour financer le stade, aucune initiative n’a été prise jusqu’à présent.
« On considère le rapport de la CRC comme un plus et pas comme un moins, car il y avait des choses qu’on ne savait pas », comment Joël Canicave, adjoint aux finances de la Ville de Marseille. On va traîner ce contrat comme un boulet jusqu’en 2045, mais nous allons suivre les recommandations du rapport de façon non pas de le rendre moins nocif mais de faire mieux ».
Et de rappeler l’opposition « ferme » de l’opposition municipale de gauche à l’époque au PPP. « Le rapport dit exactement la même chose », analyse l’élu, espérant que la CRC leur évitera de se retrouver hors-jeu.
Reste à savoir combien de temps la Ville pourra jouer les prolongations avant qu’un autre carton rouge ne siffle la fin du match.