Pandémie, réforme, et révolution numérique : Jean-Pierre Patou a transformé les défis en opportunités pour les commissaires aux comptes de Paca Corse. À l’heure de passer le relais, il laisse une profession revitalisée qui attire plus la jeunesse. Entretien.
Novembre 2020. La planète est secouée par une pandémie historique. En plein cœur de cette tourmente, Jean-Pierre Patou prend les rênes de la compagnie des commissaires aux comptes de la région Paca Corse.
Le décor est planté : une crise sanitaire mondiale, des entreprises sous pression, et une profession en pleine mutation. Durant quatre années intenses, ce président a navigué entre tempêtes et éclaircies, s’efforçant de maintenir le cap.
Les défis pandémiques
Première épreuve de taille pour Jean-Pierre Patou : la Covid-19. Les commissaires aux comptes doivent rapidement s’adapter à un monde soudainement digital.
En plein chaos, cela résonne comme une opportunité. « Nous avons basculé en mode survie, puis en mode relance, » raconte-t-il depuis son bureau perché dans la tour Méditerranée à Marseille.
Malgré les secousses, la compagnie Paca Corse reste solide, figurant parmi les trois premières de France, avec plus de 1 000 membres et près de 600 entités morales sous son aile.
La loi Pacte, un séisme pour la profession
La loi Pacte, c’est le coup de massue. Les seuils de nomination obligatoire des commissaires aux comptes sont revus à la hausse, menaçant des milliers de mandats, passant de 156 000 à potentiellement 64 000 sur le plan national. Mais Jean-Pierre ne se laisse pas abattre.
Au contraire, il voit là une occasion de repenser le métier. « On a redoublé d’efforts pour prouver notre valeur ajoutée, » confie-t-il.
Formation continue, services innovants et dialogue constant avec les entreprises : la compagnie se réinvente pour rester indispensable. « Nous avons réagi en proposant des services à valeur ajoutée pour convaincre les entreprises de continuer à faire appel à nous. »
Une profession rajeunie et revitalisée
Pour attirer les jeunes, le président et son équipe sortent le grand jeu. Fini l’image poussiéreuse du commissaire aux comptes. Place aux podcasts, aux mini-séries Instagram et à une communication rafraîchissante déclinée à l’échelle territoriale.
La stratégie paie : les jeunes affluent. « Nous avons accueilli 223 stagiaires en première année de formation d’expert-comptable, et presque tous ont choisi de suivre également la formation spécifique au commissariat aux comptes », se réjouit-il. D’autant que les nouveaux entrants bénéficient de trois années de cotisation et de formation gratuites. « Un pari gagnant ».
Quand comptabilité rime avec cybersécurité
Autre succès notable : un partenariat inédit avec la gendarmerie en Corse. Objectif ? Former les enquêteurs de la police judiciaire, de la gendarmerie et les magistrats aux subtilités de la cybersécurité et de la comptabilité. « Ça a renforcé notre crédibilité sur le territoire, » explique Jean-Pierre Patou.
Ce projet montre que la profession ne se cantonne plus à l’audit traditionnel : elle devient un acteur clé dans la protection des entreprises.
Les 12 et 13 septembre 2024, la Compagnie Régionale des Commissaires aux Comptes d’Aix-Bastia organise ses 24èmes Universités d’Été sur l’île des Embiez. Cet événement incontournable pour les professionnels de l’audit est d’ailleurs placé sous le thème : « Le Commissaire aux comptes du futur, entre IA & cybersécurité. »
La formation continue, l’arme secrète des commissaires aux comptes
Dans un environnement en perpétuelle évolution, la formation continue demeure un pilier central pour les commissaires aux comptes.
Avec des modules taillés sur mesure, incluant un visa durabilité de 90 heures, les commissaires aux comptes se préparent aux défis de demain : certification des données extra-financières, critères ESG et RSE. « Nos membres doivent rester à la pointe, » martèle Jean-Pierre Patou. C’est un enjeu de survie dans un secteur ultra-compétitif.
Prévenir plutôt que guérir. C’est le credo du président en matière de prévention des difficultés des entreprises. Des conférences et dîners-débats sont organisés avec les présidents de tribunaux de commerce et les mandataires de justice.
Objectif : détecter les signes avant-coureurs de défaillances et intervenir en amont. Une mission qui, selon lui, devient de plus en plus vitale.
Entre inquiétudes et optimisme
À l’heure de passer le relais, Jean-Pierre Patou ne cache pas ses inquiétudes. La concentration des cabinets d’audit, les évolutions législatives menaçantes et l’intelligence artificielle sont autant de défis qui attendent son successeur.
Mais il reste confiant. « La clé, c’est l’innovation et la formation, » insiste-t-il. Aux jeunes professionnels, il conseille de rester curieux, car le métier, exigeant certes, est surtout « incroyablement enrichissant ».
En somme, le bilan de Jean-Pierre Patou est celui d’un président qui a su mener sa compagnie à travers les eaux tumultueuses d’une période charnière. Le flambeau est prêt à être transmis, mais l’héritage est bien ancré : une profession en pleine transformation, plus dynamique et indispensable que jamais.