[LFP] Cyril Linette : « Pablo Longoria doit voter pour moi »

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Ce 10 septembre, la LFP élira son nouveau président dans un climat de crise. Cyril Linette, soutenu par Gervais Martel et des figures du football, se présente comme l’alternative à Vincent Labrune. Il nous livre sa vision pour réformer l’institution et redonner du souffle au football français.

Cyril Linette n’a pas l’intention de jouer les seconds rôles. Face à Vincent Labrune, le président sortant qui tente de sauver son siège, Linette débarque avec une idée en tête : secouer l’institution, remettre les clubs au centre du jeu, et surtout, renouer des relations saines avec les diffuseurs.

Cet ancien journaliste et dirigeant de médias apparaît comme un candidat sérieux. Avec un parcours marqué par la direction de L’Équipe et du PMU, Cyril Linette possède une expertise solide en matière de gestion et de droits télévisuels.

Soutenu par Gervais Martel, l’ex-patron emblématique du RC Lens, Cyril Linette a un plan simple mais ambitieux : réformer la Ligue, baisser les abonnements DAZN, ramener Canal+ dans la boucle… En bref, remettre de l’ordre dans la maison. Dans cet entretien, il parle stratégie, répartition des revenus, et lâche même une phrase pour l’histoire : « Pablo Longoria doit voter pour moi. » Le message est clair, reste à savoir si les clubs suivront.

Le Méridional : Ce scrutin pour la présidence de la LFP est marqué par une période de grande incertitude pour le football français. Pourquoi estimez-vous être la bonne personne pour redresser la situation ?

Cyril Linette : Je suis non seulement la bonne personne, mais je suis aussi la seule parmi les candidats en lice. D’une part, il est quasiment impossible de demander à la personne qui a « créé la crise » de la résoudre. Même si Vincent Labrune n’est pas le seul responsable de la situation actuelle, il y a beaucoup d’acteurs avec lesquels la relation du football est dégradée : les diffuseurs, les investisseurs, et même l’opinion publique.

« Il faut réduire le train de vie de la Ligue et des clubs, en particulier la masse salariale »

Je pense aussi qu’il est temps de passer à autre chose, d’apporter de la fraîcheur et du renouveau, tant au niveau des idées que de la gestion. J’ai un profil de chef d’entreprise, ce qui est indispensable pour poser des débats clairs et mettre en place des plans structurés.

La LFP doit se professionnaliser davantage et se mettre au service des clubs de manière beaucoup plus proactive. Il faut un manager capable de structurer et d’apporter des idées créatives pour relancer le développement du football français.

La baisse des revenus liée aux droits TV a considérablement affecté les clubs. Quelle serait votre méthode pour sécuriser et diversifier les sources de revenus pour l’ensemble des clubs, des grands aux plus modestes ?

L’appel d’offres n’a pas été une réussite, c’est sûr. On peut toujours contester la méthode, mais c’est facile de le faire quand on n’est pas en charge. Les droits TV sont en baisse, et même si la tendance est mondiale, en France, la chute a été particulièrement brutale.

Il faut donc recréer des relations plus saines avec les diffuseurs, notamment avec Canal+ et DAZN, qui sont des partenaires clés. Le football n’a plus la position dominante qu’il avait, et il est nécessaire de repenser notre approche. Il faut également développer d’autres sources de revenus.

Par exemple ?

La LFP pourrait créer une plateforme digitale pour diffuser du contenu, et même des matchs. Aujourd’hui, le modèle des droits a évolué : certains matchs sont vendus dans plusieurs offres globales, avec des prix différents selon les plateformes, que ce soit pour du streaming, du mobile, etc. Cela permettrait de sécuriser des revenus à long terme et de diversifier les sources de financement.

Vous avez parlé de l’importance de réformer la gouvernance de la Ligue pour la rendre plus transparente et plus efficace. Concrètement, quels changements institutionnels et managériaux souhaitez-vous mettre en place si vous êtes élu ?

La première chose à faire, c’est de mettre en place un plan d’économies massif. Le coût de fonctionnement de la LFP est devenu trop élevé. Le nouveau siège à 130 millions d’euros, par exemple, est une décision qui va à l’encontre de l’intérêt général.

Il faut réduire le train de vie de la Ligue et des clubs, en particulier la masse salariale, et peut-être négocier avec l’État pour obtenir des aménagements, comme cela a été fait pendant la pandémie. Encore une fois, la gestion de la Ligue doit se professionnaliser et les clubs doivent être au cœur des décisions. Il faut aussi un vrai plan stratégique de long terme et s’y tenir.

Justement, comment décririez-vous votre méthode de management à la tête de la LFP, notamment dans un environnement aussi politique que celui du football français ?

Je suis un manager qui délègue, mais qui sait dire non quand il le faut. J’ai aussi l’expérience de diriger des équipes, et je pense que les salariés adhèrent toujours lorsqu’ils ont un projet clair et structuré devant eux.

Pour ce qui est des présidents de clubs, j’ai parfois l’impression qu’ils quittent leur rôle de chef d’entreprise quand ils viennent à la LFP. Ils oublient un peu leur rôle de dirigeant et laissent la passion et les enjeux à court terme prendre le dessus.

« Il faut mettre de côté les intérêts individuels pour penser collectivement ».

Ce que j’apporte, c’est que je ne fais pas de politique. Je dis non quand il le faut, et je m’en tiens à la stratégie définie. Il ne faut pas toujours chercher des compromis ou des arrangements qui nous éloignent de l’objectif fixé. C’est une méthode de management où la priorité est d’avoir une vision à long terme et de s’y tenir, même quand les vents tournent.

Vous parlez souvent d’unir les clubs autour d’un projet commun pour relancer le football français. Mais comment comptez-vous convaincre des clubs aux intérêts aussi divers, comme l’OM, Montpellier ou le PSG en passant par des clubs de Ligue 2, de se rassembler autour de votre vision ?

La clé est de toujours se poser la question suivante : est-ce que c’est bon pour notre championnat ? Il faut mettre de côté les intérêts individuels pour penser collectivement. Je comprends que certains clubs, comme le PSG ou l’OM, aient des préoccupations différentes de celles des clubs de Ligue 2, mais il faut trouver des solutions qui permettent de faire progresser tout le championnat.

C’est ce qui a été fait en Angleterre, où la répartition des droits est plus égalitaire, tout en permettant aux gros clubs de continuer à croître. Je pense que la répartition actuelle en France est correcte, mais des ajustements peuvent être nécessaires pour soutenir les clubs les plus faibles dans cette période de crise.

Pablo Longoria, président de l’OM, a récemment critiqué la gestion des fonds et la répartition des revenus au sein de la Ligue. Comment envisagez-vous d’intégrer les préoccupations des dirigeants comme lui dans votre projet pour la LFP ?

Pablo Longoria a raison de soulever cette question. La LFP a souvent privilégié les gros clubs européens, comme le PSG, au détriment d’autres grands clubs comme l’OM. Je pense que Pablo ne conteste pas cela. En revanche, il est vrai que lors de la répartition des fonds, notamment avec l’arrivée du milliard et demi versé par le fonds d’investissement, l’OM n’a pas été suffisamment considéré.

« Pour moi, les vraies stars, ce ne sont pas les joueurs, ce sont les clubs ».

L’OM est un club avec une notoriété et une puissance bien supérieures à celles de clubs comme Rennes ou Nice, et il aurait dû bénéficier d’un traitement à la hauteur de sa contribution au championnat, tant en termes d’audience que d’abonnements.

L’OM a été traité à peu près au même niveau que ces clubs, alors qu’il aurait dû bénéficier d’un montant intermédiaire entre le PSG, qui a reçu 200 millions, et les autres, qui ont reçu environ 90 millions. Il est donc normal que Pablo Longoria estime que l’OM n’a pas été suffisamment pris en compte.

Pourquoi croyez-vous que les clubs devraient jouer un rôle plus central dans les décisions de la LFP ?

Pour moi, les vraies stars, ce ne sont pas les joueurs, ce sont les clubs. Les joueurs passent, ils vont et viennent, mais les clubs restent. Si vous parlez à un supporter de l’OM, il vous dira que sa passion, c’est l’OM, pas tel ou tel joueur, parce que les joueurs changent, mais le club reste. C’est pourquoi les clubs doivent être au cœur des décisions de la Ligue, et c’est pour cela que l’OM devrait être mieux pris en compte.

L’un des défis pour la Ligue est la visibilité internationale de la Ligue 1. Comment comptez-vous améliorer la compétitivité du championnat à l’étranger, notamment en Afrique, où des clubs comme l’OM bénéficient d’une importante notoriété ?

L’Afrique est un marché essentiel pour le développement de la Ligue 1. Non seulement parce qu’environ 30 % des joueurs de Ligue 1 ont un lien avec l’Afrique, mais aussi parce que c’est un continent en plein essor économique et numérique. Les clubs comme l’OM y ont une immense popularité, mais il ne faut pas que le développement international de la Ligue se fasse uniquement autour du PSG.

« Il est essentiel de prendre en compte l’intérêt des supporters et de ne pas nuire à l’attractivité du championnat. »

La Ligue doit travailler avec tous ses clubs, notamment ceux qui ont un fort impact à l’étranger, pour renforcer leur visibilité et développer des projets communs. Cela peut passer par des partenariats, des actions de promotion locale et des projets autour du streaming et des paris sportifs, qui sont en plein boom sur ce continent.

Les supporters sont une composante essentielle du succès de la Ligue 1. Les critiques sur les horaires des matchs ou l’accès difficile aux stades sont récurrentes. Quelles réformes prévoyez-vous pour renforcer l’attractivité de la Ligue auprès des fans ?

Il faut trouver un meilleur équilibre entre les attentes des diffuseurs et celles des supporters. Les diffuseurs sont dans leur droit bien sûr, mais quand vous êtes à 100 % dépendant des revenus des diffuseurs, vous acceptez tout. On a presque l’impression qu’aujourd’hui, si un diffuseur demandait à ce que les matchs aient lieu à 8 heures du matin, la Ligue accepterait.

Les horaires des matchs ne doivent pas être fixés uniquement en fonction des diffuseurs, comme cela semble être le cas aujourd’hui.

Il est essentiel de prendre en compte l’intérêt des supporters et de ne pas nuire à l’attractivité du championnat. Des horaires plus adaptés, un meilleur accès aux stades, tout cela doit être revu pour garantir que les fans continuent à s’investir et à soutenir leurs clubs. Sans supporters, le football n’a plus de sens.

Pensez-vous que Pablo Longoria pourrait être un allié stratégique dans votre projet pour la LFP ? En quoi partagez-vous une vision commune pour l’avenir du football français ?

Il faut que Pablo vote pour moi, parce que c’est quelqu’un qui a une vision très pointue sur le produit, y compris sur la captation télé, le digital, tout ce que la Liga a très bien fait ces dernières années. La Liga, il y a 10 ou 15 ans, ce n’était pas le championnat le plus sexy à regarder, même avec Messi. Ils ont énormément travaillé leur produit, leur commercialisation, et ils ont mis les clubs au centre.

Pablo Longoria partage cette vision. Je pense qu’il doit se dire qu’il a tout intérêt à travailler avec un manager qui partage sa vision sur le produit. Et qui est capable aussi de faire en sorte que l’OM soit encore plus considéré comme un fer de lance du football français, ce qu’il est déjà.

Yara Lestel

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