École 2024 : Un lifting qui cache la misère ?

Alors que l’Éducation Nationale affiche ses nouvelles réformes comme une révolution éducative, Marseille expérimente déjà l’avenir avec l’initiative « École du futur ». Mais entre les grandes promesses, les méthodes alternatives déjà présentes comme Montessori, Freinet et Steiner-Waldorf, et les premiers bilans mitigés, faut-il vraiment y voir un modèle à suivre ou une simple poudre aux yeux ?

C’est la rentrée, et l’Éducation Nationale met en place son « choc des savoirs ». Prépa-seconde pour les recalés du brevet, groupes de niveau au collège, réforme des lycées pros… Sur le papier, ça en jette. Mais qu’est-ce que ça vaut vraiment ?

Prépa-seconde : un sauvetage ou une voie de garage ?

On commence par ces classes de prépa-seconde, censées donner une deuxième chance à ceux qui ont loupé le brevet. Le principe ? Reprendre les bases avec 27 heures de cours par semaine, dont 7 dédiées à la méthodologie et à l’exploration des métiers.

Ça semble être la solution miracle pour ceux qui peinent à suivre, mais quand on creuse un peu, l’histoire se complique.

Selon une étude du ministère de l’Éducation nationale, près de 20% des élèves entrant en seconde générale et technologique ont des difficultés importantes en français et en mathématiques, ce qui justifie en théorie l’existence de la prépa-seconde.

Mais voilà, une étude longitudinale de l’Institut de Recherche en Éducation (2022) révèle qu’au bout du compte, seulement 40% des élèves de prépa-seconde accèdent à une voie générale.

Les autres ? Redirigés vers des filières professionnelles. On parle ici d’un dispositif qui semble davantage trier que vraiment remettre sur les rails​.

Groupes de niveau au collège : un coup de pouce ou un tri précoce ?

Vient ensuite l’idée des groupes de niveau en 6e et 5e. Le but affiché ? Adapter les cours aux besoins des élèves, pour éviter que ceux en difficulté ne sombrent. Sur le papier, c’est du bon sens. Mais quand on gratte un peu, ça sent vite la sélection sociale déguisée.

Une analyse comparative de l’OCDE (2021) montre que cette approche a souvent pour effet de creuser davantage les écarts. Dans les pays où ces pratiques sont courantes, comme l’Allemagne, on observe que les élèves des milieux défavorisés se retrouvent majoritairement dans les groupes dits « faibles ».

Résultat : les écarts de performance entre les élèves les plus favorisés et les moins favorisés explosent, avec des écarts parmi les plus élevés en Europe selon les résultats PISA​.

À Marseille, des écoles comme Bonneveine 2 ou La Treille ont choisi une autre voie : la pédagogie Freinet. Ici, pas de classement des élèves en fonction de leur niveau, mais une valorisation de chacun à travers la coopération et l’expression libre. L’objectif est de faire de chaque élève un acteur de son apprentissage, loin des étiquettes réductrices.

Revalorisation du brevet et lycée pro : un vrai upgrade ou un retour à l’élitisme ?

Enfin, parlons du brevet, revu et corrigé, avec une place plus grande aux épreuves finales, et de la réforme des lycées pros qui mise sur le concret. Mais est-ce qu’on ne rate pas quelque chose ?

Selon une étude du CNESCO (2023), l’introduction de ces évaluations finales plus lourdes a conduit à une augmentation de 15% du taux de redoublement en troisième. Ça, c’est le genre de chiffre qui fait grincer des dents, surtout quand on sait que le redoublement est souvent le premier pas vers le décrochage.

Quant aux lycées pros, une étude de l’Institut Montaigne (2022) met en lumière que 30% des élèves diplômés peinent à trouver un emploi dans leur domaine, soulignant que la réforme n’a peut-être pas tout réglé en matière d’adéquation avec le marché du travail​.

Expérimentation « École du futur » à Marseille, feu de paille ou vrai départ ?

Retour à Marseille, où le projet « École du futur » a été lancé en 2021 dans le cadre du plan « Marseille en grand ». Ce dispositif, initialement déployé dans 50 écoles, en concerne aujourd’hui 82, principalement situées en zones d’éducation prioritaire.

Avec des financements spécifiques et l’objectif de transformer l’expérience scolaire à travers des projets pédagogiques innovants, ce projet avait tout d’un fer de lance pour une éducation renouvelée.

Parmi les établissements participants, l’école élémentaire Menpenti a déployé ce projet dès ses débuts. Ce choix symbolique visait à mettre en lumière les potentialités d’une « école du futur » en action. Mais les premiers bilans, comme celui du SNALC en juin 2023, révèlent des ombres au tableau.

Malgré l’enthousiasme initial, de nombreux enseignants oscillent entre espoir et désillusion. Des projets novateurs ont bien vu le jour, mais souvent dans la précipitation, laissant place à un bricolage parfois hasardeux.

L’autonomie promise se heurte aux réalités d’un système encore rigide et sous pression. « On nous a promis monts et merveilles, mais la réalité est bien différente. L’expérimentation ressemble davantage à un coup de com’ qu’à une véritable révolution », déclarait un enseignant marseillais dans une interview avec Le Monde en août 2023.

Le SNALC, lors d’une audition parlementaire le 16 mai 2023, avait d’ailleurs alerté sur les faiblesses structurelles révélées par cette expérimentation. La pénurie d’enseignants est un problème récurrent, rendant difficile la mise en œuvre des nouveaux projets.

Pire encore, malgré les 450 millions d’euros injectés, près de 60% des enseignants impliqués estiment que les objectifs pédagogiques ne sont toujours pas clairement définis, et que les infrastructures restent largement insuffisantes. Le dispositif semble exacerber une « école à deux vitesses », une critique partagée par Virginie Akliouat du syndicat Snuipp : « Cela crée une rupture dans l’égalité des chances qui doit être offerte sur le territoire à tous les élèves, où qu’ils soient scolarisés, et il est plus que temps d’y mettre fin. »

Regardons ailleurs : La Finlande et le Canada, des modèles qui font mouche

Ok, c’est bien joli de jouer les pionniers avec l’École du futur, mais si on jetait un œil à ce qui marche ailleurs ? Pas la peine d’aller bien loin : la Finlande, par exemple.

Là-bas, l’éducation, c’est l’équité avant tout. L’idée est simple : chaque élève, quel que soit son milieu, doit avoir les mêmes chances de réussir. Et ça marche ! Leurs résultats aux tests PISA sont parmi les meilleurs du monde. Pourquoi ? Parce que les élèves finlandais ne sont pas pressés de réussir à tout prix.

Le système met le paquet sur le bien-être, avec un apprentissage par projets qui permet à chacun d’avancer à son rythme, sans stress inutile. Selon les résultats PISA 2019, la Finlande affiche un taux de réussite scolaire de 93% au niveau secondaire, avec un écart de performance minimal entre les élèves de différents milieux socio-économiques. C’est le genre de chiffres qui fait réfléchir​ !

Et puis, il y a le Canada. Là-bas, certaines écoles mixent pleine conscience et apprentissage en plein air, histoire de connecter les mômes à la réalité, pas juste à leurs écrans.

Inspirées par la pédagogie Steiner-Waldorf, ces méthodes favorisent une éducation qui va au-delà des livres. Une étude de l’Université de Toronto (2021) l’a démontré : ces pratiques réduisent le stress des élèves de 25% et augmentent leur engagement scolaire de 18%.

Ça se voit sur le terrain : les gamins sont plus motivés, moins stressés, et surtout, ils apprennent à vivre en communauté, à se soucier des autres et de l’environnement. C’est pas juste du blabla, c’est du concret​.

Réformes ou réinvention ?

Alors, ces réformes, c’est peut-être du costaud, mais suffiront-t-elles pour faire de notre école un vrai lieu d’épanouissement ? On pourrait bien avoir besoin de sortir des cases, de repenser l’éducation de fond en comble.

Les vraies révolutions viennent souvent là où on ne les attend pas : chez Montessori, Freinet ou Steiner-Waldorf, déjà à l’œuvre dans des écoles marseillaises. Peut-être qu’en s’inspirant davantage des modèles internationaux, l’École du futur pourrait enfin être à la hauteur de son nom.

Yara Lestel