Né à l’Estaque, Jean Anthony Moreno, arbitre international de taekwondo, a officié aux Jeux Olympiques de Paris 2024. Dès jeudi, il enchaîne avec les Jeux Paralympiques, portant haut les couleurs de son quartier et de son sport. Un parcours atypique forgé à Marseille, entre passion pour les arts martiaux et engagement social.
Jean Anthony Moreno, c’est un gosse de l’Estaque, ce quartier populaire de Marseille où l’air marin se mêle au béton des cités. Là où d’autres rêvent de ballon rond, lui, a préféré les tatamis dès son plus jeune âge.
Dans sa famille, le sport de combat n’est pas une simple discipline, c’est une tradition. « Mon oncle était champion de France de judo. Il nous a tous poussés là-dedans, » raconte-t-il.
Mais le judo, ce n’était pas vraiment son truc. Ni même le karaté. C’est à quinze ans, presque par hasard, qu’il découvre le taekwondo. « Un ami m’a proposé d’essayer. C’était rapide, technique. J’ai tout de suite accroché. »
South Winners Taekwondo, là où tout commence
C’est au South Winners Taekwondo que Jean Anthony trouve sa voie. Plus qu’un club, c’est une deuxième famille. Sous l’œil bienveillant de Karim Aoudja, figure marseillaise du taekwondo et ancien international, il s’entraîne dur.
Mais très vite, il réalise que la compétition n’est pas ce qui le fait vibrer. « Je voyais les autres se battre pour les médailles, mais ce n’était pas ce qui m’attirait. Moi, ce que j’aimais, c’était les règles, le respect du tatami, » confie-t-il.
Karim, à la tête du South Winners Taekwondo, repère ce talent particulier chez Jean Anthony. Aujourd’hui directeur technique et coach renommé, voit en lui un potentiel différent. « Il avait ce regard, cette rigueur. Je lui ai dit : ‘Pourquoi tu ne tentes pas l’arbitrage ?’«
La graine est semée. Jean se lance dans la formation et gravit les échelons. De compétitions locales en championnats nationaux, il finit par décrocher son diplôme d’arbitre international.
Paris 2024, l’apothéose d’une jeune carrière
Puis vient l’appel. Celui que tout arbitre espère sans jamais vraiment y croire. « Le comité d’organisation m’a contacté pour Paris 2024. Je n’y croyais pas. C’était la reconnaissance de toutes ces années de travail, » se souvient-il, encore ému, les yeux qui pétillent.
Pendant les Jeux, il officie sur 140 matchs. Son rôle ? Plus technique, en retrait des projecteurs, mais essentiel : surveiller les capteurs électroniques sur les plastrons des athlètes, s’assurer que chaque coup porté est justement enregistré. « L’électronique a changé le taekwondo. Mon boulot, c’est de m’assurer que tout fonctionne, que chaque point soit validé comme il se doit. »
Il décrit cette expérience comme « magique », une immersion dans une enceinte survoltée, où la fierté se mêlait à la responsabilité. Particulièrement lors des matchs impliquant des athlètes français, où il devait maintenir une concentration absolue malgré l’intensité du moment, brûlant d’envie de devenir fervent supporter. « C’était frustrant, mais l’arbitrage prime », sourit-il, avec la sérénité du devoir accompli.
En lice pour les Jeux Paralympiques de Paris 2024
Dès ce jeudi, Jean Anthony enchaîne avec les Jeux Paralympiques, où il continue de mettre en pratique cette rigueur qui le caractérise tant. Les règles changent légèrement pour les athlètes paralympiques, mais l’exigence reste la même. « C’est différent, mais le cœur du taekwondo est le même. Il faut être juste, précis, » explique-t-il.
Son rôle consiste à garantir que les capteurs électroniques utilisés dans les compétitions paralympiques fonctionnent parfaitement, que chaque point soit attribué avec précision. Mais au-delà de la technique, c’est le respect et la passion pour le sport qui guident ses décisions sur le tatami.
Marseille, toujours dans le cœur
Malgré ses envolées internationales, Jean Anthony reste un pur produit marseillais, solidement ancré à ses racines. Pour lui, l’arbitrage, ce n’est pas juste un job ou une passion, c’est une façon de rendre hommage à ce que le taekwondo lui a offert. « Le taekwondo, c’est plus qu’un sport, c’est une école de vie. J’étais un gamin timide, renfermé, ça m’a donné la confiance que je transmets maintenant aux plus jeunes. »
Le South Winners Taekwondo a été fondé 2012 par Karim Aoudja et Rachid Zeroual, leader des Winners de l’OM. Il a d’ailleurs pour parrain Pascal Gentil, légende du taekwondo français. Il marqué l’histoire en remportant deux médailles de bronze aux Jeux Olympiques de Sydney en 2000 et d’Athènes en 2004. Connu pour sa puissance et son fair-play, il reste une figure emblématique du sport, inspirant de nombreuses générations d’athlètes.
Au South Winners Taekwondo, on ne se contente pas de faire des champions. On forge des caractères. Avec ses 150 jeunes inscrits, souvent issus de quartiers difficiles, le club est une bouée de sauvetage. « Les familles galèrent souvent à payer les cotisations ou les licences, lâche Karim. Alors on fait au mieux, on garde les coûts au minimum, mais sans sponsors, on ne pourrait jamais les emmener en compétition. Et c’est là que tout se joue pour certains. »
Mais le South Winners, ce n’est pas juste de l’entraînement. C’est aussi des échappées belles : des virées en voile, des colonies de vacances, des moments qui soudent et qui offrent un bol d’air aux gamins des cités. « On veut leur montrer autre chose que les murs de leur quartier, » explique Jean Anthony.
Et ça marche. Parce que le club, c’est aussi une rampe de lancement, avec des partenariats comme celui avec avec les South Winners de l’OM, où les mômes se retrouvent à vivre des moments inoubliables dans un stade Vélodrome survolté. Pour la petite histoire, les jeunes ont débuté les premiers entrainements dans le QG des South Winners, avant d’avoir leur propre local à La Castellane et dès cette nouvelle rentrée un autre lieu ouvrir ses portes à La Viste.
C’est un peu plus qu’un club. C’est une école de la vie où chaque gamin peut grandir, loin des tentations de la rue. « On leur donne les outils pour rêver, pour se construire, » confie Karim.
Jean Anthony et lui se battent pour former non seulement des athlètes, mais aussi la prochaine génération d’arbitres, de coachs, de leaders. « Je veux leur montrer que peu importe d’où tu viens, tu peux te hisser au sommet. Il suffit d’y croire et de bosser dur, » martèle Jean Anthony, avec l’énergie de ceux qui sont partis de rien pour toucher les étoiles. Et c’est bien là tout l’enjeu de son engagement : ouvrir des portes, montrer la voie, et prouver que, même en partant de l’Estaque, on peut se hisser jusqu’au sommet de l’Olympe.
Les règles des Jeux : Décryptage du taekwondo aux Olympiques et Paralympiques
Un combat sous haute technologie. Le taekwondo moderne aux Jeux Olympiques n’est pas seulement une affaire de coups précis, mais aussi de technologie avancée. Les athlètes portent des plastrons électroniques sophistiqués qui enregistrent les impacts avec une précision chirurgicale. Pour qu’un coup soit comptabilisé, il doit être à la fois précis et suffisamment puissant pour déclencher le signal électronique.
Les Points qui comptent. Le scoring est rigide et précis. Un coup direct au plastron rapporte deux points, tandis qu’un coup retourné en vaut trois. Les coups retournés à la tête, plus audacieux, rapportent jusqu’à cinq points. Cette précision fait la différence entre un combattant et un champion olympique.
Le taekwondo paralympique. Aux Jeux paralympiques, le taekwondo adapte ses règles. Les coups de poing et les coups à la tête sont exclus, et les combats se déroulent en un seul round de cinq minutes. Les coups retournés restent avec trois points pour un retourné classique et quatre pour un retourné sauté.
Des catégories de combattants. Les athlètes paralympiques sont classés selon leur handicap. Les K44, par exemple, ont une amputation ou une déficience au niveau du poignet, tandis que les K43 présentent une déficience avant le coude. Ces catégories assurent des combats justes, permettant à chaque combattant de maximiser son potentiel.