La tenue scolaire unique fait sa rentrée dans les Bouches-du-Rhône

Martine Vassal a dévoilé les uniformes scolaires qui seront expérimentés dès la rentrée 2024 dans les collèges Château-Forbin (11e) et Mont-Sauvy (Orgon). Cette initiative a pour but de favoriser l’égalité sociale et de renforcer la cohésion entre les élèves.

Ce mardi 26 août 2024, Martine Vassal, présidente du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône, a présenté officiellement les nouvelles tenues vestimentaires communes qui seront expérimentées dans deux collèges du département : le collège Château-Forbin à Marseille (11e) et le collège Mont-Sauvy à Orgon.

Cette initiative s’inscrit dans un projet expérimental visant à « atténuer les inégalités sociales à l’école et à renforcer le sentiment d’appartenance des élèves à leur établissement », a souligné Martine Vassal, à l’occasion de la conférence de presse.

Des tenues modernes et inclusives

Contrairement à l’idée d’un uniforme traditionnel, souvent perçu comme trop « militaire », les tenues proposées sont modernes et adaptées à la vie quotidienne des jeunes, « pour rester dans l’ère du temps ».

L’objectif est de créer un environnement plus inclusif, en éliminant les distinctions de marque et en favorisant le bien-être des élèves.

Les 1 000 collégiens concernés se verront remettre gratuitement un kit vestimentaire composé de 12 pièces : 3 t-shirts, 3 polos à manches courtes, 3 polos à manches longues, et 3 sweats.

En ce qui concerne les bas, les élèves devront porter des jeans ou des pantalons foncés, tandis que les chaussures resteront à leur libre choix. Une volonté pour des raisons à la fois budgétaires et pratiques.

Lutter contre les discriminations vestimentaires

L’une des motivations principales de ce projet est de lutter contre les discriminations et le harcèlement liés à l’apparence vestimentaire. « Nous espérons que cette initiative permettra de créer un environnement scolaire plus serein et propice au travail des enseignants », a expliqué Martine Vassal.

Lily Arnaud, future élève de 4e au collège Forbin, illustre bien les enjeux de cette mesure. Victime de moqueries en raison de son style vestimentaire distinctif, elle explique que les vêtements de marque imposent souvent une pression sociale.

« Si tu n’as pas telles ou telles marques, tu es exclue », témoigne la jeune fille dont la moyenne générale tutoie les 20/20. « C’était comme un défilé de mode à l’école, alors qu’on est là pour apprendre. J’espère qu’avec cette nouvelle tenue, on pourra se concentrer sur le travail », poursuit-elle, le polo de son établissement sur le dos.

Un levier contre le harcèlement scolaire

« Le problème du harcèlement scolaire est un vrai fléau », abonde Nourdine Hocine, principal du collège Château-Forbin. « 70% des situations prennent naissance à l’extérieur de l’établissement, amplifiées par les réseaux sociaux. Nous sommes l’un des derniers collèges avec beaucoup de mixité sociale et donc avec beaucoup de différenciations. Je cherchais donc un levier pour lutter contre une forme de harcèlement et améliorer la qualité de vie des élèves. »

À Forbin, 70% des élèves ont consenti à l’expérimentation, les plus favorables étant en 6e, tandis que l’enthousiasme diminue en 4e et les élèves de 3e étant plus partagés.

Un peu plus des deux tiers du corps enseignant ont adopté cette nouvelle démarche. Les élèves se sont appropriés cette expérimentation en choisissant la couleur qu’ils porteront (bleu marine, bleu roy, beige, gris). En outre, le logo de l’établissement, arboré sur les vêtements, a été dessiné par une élève en décrochage scolaire. Une manière d’impliquer davantage les jeunes dans le projet.

Notre jeune artiste a sans doute puisé son inspiration dans une célèbre école de sorciers, tant les armures rappellent celles de Poudlard, dans la saga Harry Potter.

Un soutien majoritaire au collège Mont-Sauvy

Au collège Mont-Sauvy, situé en zone d’éducation prioritaire, l’initiative a reçu un soutien encore plus large, avec 80% de la communauté éducative favorable à cette expérimentation. Le principal, Bernard Nahon, voit dans cette mesure un moyen d’améliorer le climat scolaire : « Comme un maillot d’association sportive, cette nouvelle tenue peut renforcer le sentiment d’appartenance des élèves à leur établissement. »

C’est d’ailleurs ainsi qu’il a défendu la mise en œuvre de l’expérimentation auprès du conseil d’administration.

Soutien financier et engagement local

Plus de 20 500 pièces ont été commandées, confectionnées au sein de l’atelier marseillais Fil Rouge. Afin que la tenue ne représente pas un fardeau financier pour les familles, elle est financé à hauteur de 127 euros part le Département, dont 50% pris en charge par l’État.

D’une durée de deux ans, l’expérimentation est inscrite dans le règlement intérieur des collèges. Pour autant, les chefs d’établissement privilégieront le dialogue dans un esprit de persuasion plutôt que de coercition. « Il va falloir qu’on soit bons pour convaincre, faire de la pédagogie », ajoute Bernard Nahon.

Suivi et évaluation de l’expérimentation

Côté suivi, le corps enseignant analysera des indicateurs tels que la baisse des incivilités et du harcèlement, ainsi que l’amélioration du climat scolaire. Le Département s’assurera du bon déroulement opérationnel et logistique, tandis que l’État supervisera l’évaluation via son Fonds d’innovation pédagogique.

Dans le cadre d’un appel à projet, le laboratoire de sociologie d’Aix-Marseille Université a d’ailleurs manifesté son intérêt pour étudier scientifiquement les effets de cette mesure sur la cohésion sociale dans les collèges concernés.

Réactions et critiques

Il y a quelques mois, dans l’hémicycle du Conseil départemental, la délibération adoptant l’expérimentation n’a suscité que peu de débats, mais certains élus du PCF, ont exprimé leurs réserves. Ils estiment que cette mesure est inadaptée aux véritables besoins des établissements et regrettent le manque de concertation avec les communautés éducatives et les professionnels du secteur.

Selon eux, d’autres priorités, telles que la lutte contre la pauvreté et le soutien à la réussite éducative, auraient dû être mieux abordées.

Les syndicats enseignants, comme le Snes-FSU, pointent également le coût élevé de cette expérimentation. Ils estiment que les fonds auraient pu être mieux utilisés pour des projets plus directement liés à la réduction des inégalités, comme la gratuité des repas scolaires ou le renforcement des fonds sociaux des établissements.

Vers une généralisation de l’initiative ?

Quoi qu’il en soit, cette initiative s’inscrit dans une réflexion nationale lancée par Gabriel Attal, alors ministre de l’Éducation nationale, qui encourageait les collectivités à expérimenter le port de l’uniforme scolaire pour renforcer la cohésion sociale et le respect de la laïcité.

Le Département des Bouches-du-Rhône, sous l’impulsion de Martine Vassal, est l’un des premiers à avoir répondu à cet appel.

Si les résultats s’avèrent positifs, la mesure pourrait être étendue à d’autres établissements du département. À l’échelle nationale, 100 écoles et établissements volontaires vont expérimenter dès 2024 la tenue commune à l’école, au collège et au lycée.

Cette initiative débute dans un contexte politique incertain. Avec la démission récente du gouvernement, certains craignent que ce projet ne soit mis en péril. Toutefois, Martine Vassal reste confiante, soulignant l’importance de la « continuité républicaine » pour garantir la pérennité de cette expérimentation et éviter tout risque d’abandon de la démarche.