Tandis qu’Emmanuel Macron consulte à tout-va pour tenter de dénouer l’impasse politique, la réalité est plus crue : ni la gauche ni la droite ne semblent prêtes à renoncer à leurs postures idéologiques. Les consultations de l’Élysée apparaissent comme une manœuvre de façade, masquant un immobilisme dangereux pour la nation.
Emmanuel Macron est un homme de théâtre, ça, on le sait. Il excelle dans l’art des mises en scène politiques, dans ces consultations de salon où il invite tout le monde à discuter d’un « nouveau départ » pour le pays.
C’est ce qu’il a fait ce vendredi en recevant tour à tour Lucie Castets et son Nouveau Front Populaire (NFP), puis les Républicains et autres centristes, à l’Élysée.
L’air de rien, il donne l’impression d’un arbitre, au-dessus de la mêlée, prêt à trouver la solution qui ramènera l’équilibre institutionnel et la paix dans les foyers français. Mais ce serait oublier que l’échiquier est verrouillé depuis des semaines.
Une gauche divisée, mais unie dans ses contradictions
Commençons par Lucie Castets, qui s’est pointée à l’Élysée avec son cortège de camarades, presque triomphante. « Nous sommes extrêmement satisfaits d’avoir été reçus par le président de la République, tous ensemble et unis » », a-t-elle déclaré, avant de préciser que son projet incluait des ministres insoumis.
Un coup de pied dans la fourmilière à droite, mais aussi au sein de son propre camp, où les lignes de fracture sont plus nombreuses qu’il n’y paraît. Le NFP se veut un bloc, mais ses ambitions sont minées par les tiraillements internes. LFI continue de jouer les trouble-fêtes, tandis que les socialistes et écologistes tentent tant bien que mal de masquer leur malaise.
Olivier Faure a beau tenter de convaincre que tout est sous contrôle, la réalité est bien plus complexe. Et l’on voit mal comment un tel attelage pourrait offrir à Macron la « stabilité » qu’il recherche.
La droite en embuscade, mais pas prête à gouverner
De l’autre côté, les Républicains se tiennent prêts à dégainer leur motion de censure à la moindre nomination « insoumise ». Laurent Wauquiez, encore marqué par ses défaites passées, n’a aucune intention de se laisser embrigader dans un gouvernement macroniste. « Nous n’avons pas l’intention d’être des opposants systématiques », a-t-il déclaré avec un sens du calcul politique qui n’échappe à personne.
La droite, forte de sa résistance, propose un « pacte législatif » qui leur permettrait de voter certains textes sans se compromettre dans un gouvernement. Une manœuvre habile, mais hypocrite, visant à se présenter comme responsables sans prendre le risque d’endosser le pouvoir.
La réalité, c’est que la droite ne veut pas gouverner avec Macron, mais elle sait qu’elle ne peut pas rester passive non plus. Bruno Retailleau et Laurent Marcangeli prônent une coopération tactique, sans jamais perdre de vue l’objectif : préserver la pureté idéologique de la droite républicaine tout en empêchant le pays de sombrer.
C’est tout un art, et Emmanuel Macron, qui a un sens inné des rapports de force, joue avec leurs nerfs.
Le RN à l’affût
Tandis que la gauche peine à maintenir son unité et que la droite rechigne à s’engager pleinement, le Rassemblement National (RN) observe la situation avec une vigilance stratégique. Ses dirigeants Marine Le Pen et Jordan Bardella, seront reçus par Emmanuel Macron le lundi 26 août.
Ils seront suivis de près par Éric Ciotti, le patron des Républicains, qui, après s’être allié au RN pour les législatives, se retrouve désormais en rupture avec son propre parti. Eric Ciotti, avec son micro-parti « Les Républicains à droite », dirige un groupe de 17 élus à l’Assemblée, et pourrait jouer un rôle déterminant dans les futures motions de censure. Il a déjà averti qu’il voterait contre tout gouvernement incluant des ministres issus de La France Insoumise.
Dans un climat politique tendu, où l’instabilité devient la norme, le RN et Ciotti espèrent tirer profit de ce blocage pour se positionner comme une alternative crédible à la droite traditionnelle tout en s’opposant à la France Insoumise.
Macron, le funambule du pouvoir
Et pendant ce temps, le chef de l’Etat continue son numéro d’équilibriste. Il sait que sa présidence repose sur un fil, tendu entre les réformes qu’il souhaite mener et le chaos d’une nouvelle dissolution ou d’un blocage institutionnel.
Son objectif, quoi qu’il en dise, n’est pas de construire une grande coalition à l’allemande, mais plutôt de dégager un consensus minimal pour éviter la catastrophe politique.
Le problème, c’est qu’il se heurte à des camps de plus en plus rigides. À gauche, Lucie Castets peine à dissimuler les failles de son mouvement, pendant que la droite réaffirme son refus catégorique de jouer les faire-valoir d’un président affaibli.
Le chef de l’État a beau se présenter en garant des institutions, il est aujourd’hui confronté à une équation presque insoluble. Tous les partis veulent jouer leur propre partition, mais aucun ne souhaite porter la responsabilité du chaos qui s’annonce si les discussions échouent.
Trompe-l’Å“il
Les consultations de l’Élysée relèvent du théâtre plus que de la réelle politique. Derrière les sourires et les poignées de mains, la réalité est que Macron n’a guère plus d’options qu’au début de l’été. La droite refuse de s’engager pleinement, la gauche se mord la queue, et le président se retrouve isolé, espérant sans doute qu’un miracle viendra le sortir de ce bourbier.
La vérité est que, sous ses airs de conciliateur, Macron est seul face à une scène politique morcelée, où chacun campe sur ses positions. Le spectacle continue, mais la fin du feuilleton risque d’être amère pour beaucoup.
Yara Lestel
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