Alain Delon, décédé à l’âge de 88 ans, laisse derrière lui une carrière monumentale, marquée par près de 90 films. De Plein Soleil à Astérix aux Jeux olympiques, retour sur douze œuvres qui ont forgé le mythe et l’immortalité de cette légende du cinéma.
L’acteur Alain Delon, décédé à l’âge de 88 ans, a tracé une route intense et sinueuse dans le monde du cinéma, construisant un empire cinématographique à travers près de 90 films.
Son charisme brut, à la fois éclatant et opaque, l’a fait briller, puis s’éclipser volontairement. Retour sur douze oeuvres de cette odyssée où Alain Delon a incarné la beauté, le mystère, la violence, mais aussi l’ombre.
Le début d’un mythe : « Plein Soleil » (1960)
À 25 ans, Alain Delon sort de l’ombre avec Plein Soleil de René Clément, adaptation du roman de Patricia Highsmith. Il incarne Tom Ripley, personnage trouble, manipulateur, dans une Italie baignée de lumière mais gangrenée par les ténèbres de la jalousie.
Le film révèle l’acteur, qui semble capter cette dualité, entre éclat et obscurité, avec une intensité captivante. Alain Delon devient alors une star.
Fresque familiale et tragédie : « Rocco et ses frères » (1960)
Dans Rocco et ses frères (1960), Alain Delon incarne Rocco Parondi, un jeune homme au cœur pur et sacrificiel. Au sein d’une fratrie déchirée par la violence et les rivalités, Rocco se distingue par sa douceur et sa loyauté inébranlable. Pris entre l’amour fraternel et un destin tragique, il accepte de renoncer à son propre bonheur pour préserver l’unité de sa famille.
Sous la direction de Luchino Visconti, Delon livre une performance bouleversante, incarnant un héros à la fois lumineux et profondément tragique, dont la fragilité et la noblesse d’âme illuminent cette fresque sombre et émotive.
Jeux de voyous : « Mélodie en sous-sol » (1963)
À 28 ans, Alain Delon fait face à Jean Gabin dans ce polar où il joue Francis, un voyou fougueux prêt à tout pour réussir un coup retentissant. Leur tandem détonne. Le jeune Delon, beau et vif, s’oppose au poids lourd qu’est Jean Gabin, dans un ballet parfait de tension intergénérationnelle.
Derrière la caméra, Henri Verneuil, mais aussi un Delon qui commence à flairer le business du cinéma. Déjà un pied dans le monde des affaires, l’acteur ne se laisse pas uniquement guider par la pellicule.
Le prince de Sicile : « Le Guépard » (1963)
Sous la direction de Luchino Visconti, Delon incarne Tancrède, neveu du prince Salina, dans cette fresque historique sicilienne. Élégant, presque princier, il erre dans un monde qui se meurt, entre grandeur et décadence.
À Cannes, la Palme d’or couronne cette épopée où Delon, moustache fine et costumes sur mesure, atteint un sommet de raffinement. Le cinéma français ne l’oubliera jamais.
Le clan des légendes : « Le Clan des Siciliens » (1969)
Le cinéma policier lui colle à la peau. À 34 ans, Alain Delon retrouve Jean Gabin et Lino Ventura dans ce thriller d’Henri Verneuil où il incarne un truand en cavale. Entre ces trois figures mythiques, le film devient une danse de fauves.
Alain Delon est à son apogée, malgré les scandales qui le poursuivent dans la vraie vie, notamment l’affaire Markovic. Ce rôle ne fait que renforcer l’aura de mystère autour de l’acteur.
Silence de plomb : « Le Samouraï » (1967)
Jean-Pierre Melville crée un monde où Alain Delon, sous les traits de Jef Costello, évolue comme un fantôme. Le tueur à gages silencieux, vêtu de son imperméable beige, devient une icône.
Le film noir se purifie, s’épure, et Alain Delon y trouve son terrain de jeu parfait. Peu de mots, mais un regard qui parle des abîmes. En Asie, ce film fera de lui une légende vivante.
Retour à la piscine : « La Piscine » (1968)
La piscine, le soleil, Romy Schneider et la tension. Alain Delon, aux côtés de son ancienne fiancée, offre un spectacle troublant de sensualité et de rivalité masculine avec Maurice Ronet.
Ce huis clos brûlant, tourné sous le soleil de Saint-Tropez, marque les esprits et relance la carrière de Romy. Alain Delon y impose encore une fois son magnétisme.
Deux icônes, un chapeau : « Borsalino » (1970)
Delon et Belmondo. Deux titans du cinéma français réunis à l’écran pour une histoire de truands dans le Marseille des années 1930. Derrière l’écran, pourtant, la guerre des ego fait rage.
Le film devient mythique, autant pour ce qu’il représente que pour les tensions qu’il révèle. L’amitié masculine devient ici un terrain de rivalité, où chaque regard et chaque geste trahissent une lutte silencieuse pour la domination.
Un chef-d’œuvre du film noir : « Le Cercle rouge » (1970)
En 1970, Alain Delon retrouve Jean-Pierre Melville pour un autre grand classique du polar français : Le Cercle rouge. Après Le Samouraï, leur collaboration atteint ici de nouveaux sommets avec cette histoire de braquage où le silence et la tension dominent l’écran.
Alain Delon incarne Corey, un criminel froid et méthodique, qui, à peine sorti de prison, s’associe avec deux autres hommes pour réaliser un braquage audacieux. Sous la direction précise de Melville, le film distille une tension implacable, où chaque geste compte plus que les mots. Delon, en voyou taciturne, magnétise l’écran avec son charisme glacial.
La scène culte du braquage, entièrement silencieuse, est un modèle de suspense et d’élégance. Avec ce rôle, Delon s’impose une nouvelle fois comme une figure incontournable du cinéma noir, confirmant son statut d’icône du genre.
L’enfer sous l’Occupation : « Monsieur Klein » (1976)
Sous la direction de Joseph Losey, Alain Delon incarne Robert Klein, un bourgeois de l’Occupation pris dans une spirale infernale. Le film, sombre et étouffant, révèle un autre Delon, plus introspectif, moins flamboyant.
C’est un film qui marque, sans fioritures, avec un Delon qui se fond dans l’angoisse d’une époque. Ce rôle reste l’un des plus grands de sa carrière.
Réalisation et polar : « Pour la peau d’un flic » (1981)
Alain Delon passe derrière la caméra dans ce polar où il incarne un ex-flic devenu détective privé. Violence, poursuites et amours contrariées peuplent ce film à l’esthétique brutale, dans la droite lignée des polars français de l’époque. Delon prouve qu’il peut tout faire, y compris mener la danse en tant que réalisateur.
L’heure du César : « Notre histoire » (1984)
C’est dans ce film de Bertrand Blier qu’Alain Delon décroche enfin un César. Il incarne un garagiste perdu, dont la vie bascule après une rencontre improbable dans un train.
Le film, désabusé, correspond à un moment charnière de la carrière d’Alain Delon, moins prolifique, mais toujours aussi puissant. Son César est à la fois une reconnaissance et un clin d’œil ironique à l’acteur.
Une chance de plus avec Belmondo : « Une chance sur deux » (1998)
Leur grande réconciliation à l’écran. Delon et Belmondo se disputent la paternité de Vanessa Paradis dans cette comédie d’aventures de Patrice Leconte.
Malgré sa distribution de rêve, ce long-métrage échoue commercialement. Mais les deux géants semblent s’amuser de leurs retrouvailles, dans un dernier éclat de complicité.
L’empereur au crépuscule : « Astérix aux Jeux olympiques » (2008)
Dans un ultime acte d’autodérision, Alain Delon incarne un César mégalomane et se lance dans un monologue truffé de références à ses propres films.
Le vieux lion de 73 ans ne manque pas d’humour et se moque ouvertement de son propre mythe. C’est une sortie de scène amusée, presque détachée, de celui qui aura incarné tant de visages.
Alain Delon aura tout vécu : la gloire, les scandales, la démesure. Son parcours reste un mélange de fureur et de silence, où chaque film semble capturer une part de cette énigme humaine.
Icône, son visage flotte entre les eaux du cinéma classique et les rives du mystère. Immortel.
La Rédaction
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