80 ans après Dragoon, le souffle de la liberté sur la Provence

Une unité de débarquement chargée de véhicules et de soldats approche d'une plage, à l'est de Toulon © Service historique de la Défense/Vincennes

Le 15 août 1944, les troupes alliées débarquaient sur les plages du Var, libérant peu à peu le sud de la France. Ce jeudi, la région célèbre cet anniversaire, un rappel des sacrifices consentis pour reconquérir la liberté.

Le sable des plages varoises porte encore l’écho des bottes qui ont foulé ce sol pour libérer la Provence. Il y a 80 ans jour pour jour, les troupes alliées lançaient l’Opération Dragoon, l’autre débarquement, celui qui n’a jamais eu la couverture médiatique de son grand frère normand, mais qui, pourtant, a été tout aussi décisif. Ce jeudi, la région commémore cette page d’histoire, teintée de sang, de sueur, mais surtout d’une incroyable soif de liberté.

Le second souffle de la France

Quand on pense « débarquement », la Normandie s’impose, presque par réflexe. Mais réduire la libération de la France à Omaha Beach serait une injustice historique. Le 15 août 1944, la Provence se réveille sous le rugissement des bombardiers alliés, les plages du Var s’apprêtent à accueillir des milliers de soldats américains, britanniques et français libres, déterminés à bouter l’occupant hors du sud. Le plan ? Fracasser les lignes nazies, sécuriser les ports stratégiques de Toulon et Marseille, et foncer vers l’Allemagne.

L’histoire, ici, s’écrit à l’aube, entre les dunes de Cavalaire-sur-Mer, de Saint-Tropez et de Saint-Raphaël. Presque 100 000 hommes prennent pied sur les plages, appuyés par une armada de navires et un ciel lourd de chasseurs. Parmi eux, la 7e armée américaine du général Patch et l’armée B du général de Lattre de Tassigny. Tous savent que l’heure est grave, mais que la victoire est possible.

La guerre, à l’ombre du soleil

Sous le ciel bleu de Provence, la guerre n’en est pas moins brutale. Pourtant, l’armée allemande, déjà entamée par la défaite en Normandie et les actions de la Résistance française, se révèle moins redoutable. Ce n’est pas une promenade de santé, loin de là, mais la progression des forces alliées est fulgurante. La Résistance locale, notamment dans les maquis du Var et des Alpes, multiplie les sabotages et tend des embuscades, désorganisant les forces ennemies.

Toulon et Marseille, deux joyaux stratégiques, tombent en une dizaine de jours seulement. Fin août, les deux villes sont libérées. Le port de Marseille, bien que partiellement détruit, redevient une artère vitale pour le ravitaillement allié. De là, la reconquête du sud de la France s’accélère. L’occupant est en fuite, les villages exultent, et c’est un deuxième souffle qui traverse la France occupée.

Histoires de résistance

Ce débarquement, c’est aussi l’épopée des invisibles, des anonymes de la Résistance. Ces femmes et ces hommes, souvent sans armes mais avec des nerfs d’acier, ont saboté les ponts, bloqué les trains, acheminé les messages. Leur rôle n’est pas secondaire : ils sont le cœur battant de cette libération, eux qui ont tenu sous l’ombre de l’Occupation, dans l’attente du moment où tout basculerait.

Prenons le maquis du Vercors ou celui des Glières. Ces bastions de la résistance ont payé un prix fort, mais leur courage a inspiré et galvanisé. Les résistants, en étroite collaboration avec les Alliés, ont été l’étincelle qui a permis à la Provence de brûler d’un feu libérateur.


Soldats américains sur Omaha Beach, Saint-Laurent-sur-Mer, le 6 juin 1944 © US National Archives

Une mémoire vivante, 80 ans plus tard

80 ans après, la Provence n’oublie pas. Sur les plages aujourd’hui paisibles, les cérémonies de commémoration se succèdent. À Saint-Raphaël, les vétérans — ceux qui restent — se tiennent droits, aussi droits que possible, en hommage à leurs camarades disparus.

Les drapeaux flottent, mais au-delà des discours officiels, c’est un devoir de mémoire partagé par tous. Des descendants des résistants, des enfants de la guerre, des anonymes venus dire merci.

La Provence célèbre, mais elle se souvient surtout. Des noms gravés dans la pierre rappellent que cette liberté a coûté cher. Les célébrations se veulent sobres, empreintes d’émotion, et rappellent que cette histoire-là n’est pas si lointaine. Le fantôme des batailles et des souffrances est encore présent, niché dans le murmure des vagues.

La force de Dragoon

Dragoon n’a jamais eu la gloire de l’Overlord. Mais, sans Dragoon, la guerre aurait traîné en longueur. L’Europe aurait sans doute saigné plus encore. Ce débarquement dans le sud de la France a complété celui de Normandie, piégeant les forces allemandes dans une étau inévitable. Il a permis de relancer l’offensive générale vers l’Allemagne, en coordination avec les troupes venant du nord. En quelques mois, la France entière était libre, et l’Allemagne nazie acculée.

Aujourd’hui, ce 15 août, on ne commémore pas seulement une victoire militaire. On honore aussi une renaissance, celle d’un pays brisé, meurtri, mais jamais vaincu. À l’heure où l’histoire tend parfois à s’effacer sous le poids du temps, il est plus important que jamais de se rappeler que chaque grain de sable de la côte varoise porte encore le poids du passé.

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