Des jeunes Marseillais à la découverte de la voile et des métiers de la mer

Hisser, border, parez ! Entre découverte de la voile et apprentissage des métiers de la mer, les premières Olympiades Nautiques se déroulent jusqu’au 9 août.

Monter sur un voilier, prendre le large et hisser les voiles… Une expérience familière pour certains, rares dans une vie, voir unique pour d’autres.

En plein coeur des Jeux olympiques en rade sud de Marseille, les premières Olympiades Nautiques portées par la Métropole Aix-Marseille-Provence en partenariat avec d’autres associations et entreprises*, va permettre à 500 jeunes de 15 à 25 ans de découvrir les joies de la navigation et les métiers de la mer jusqu’au 9 août.

En faisant naviguer un public éloigné de ce type d’activité, cet événement remet la pratique du nautisme méditerranéen au centre de l’interêt commun.

« On pensait que la côte entre Nice et Collioure était davantage destinée à une activité balnéaire qu’à une activité nautique ou sportive, explique d’ailleurs Claude Le Bacquer, président de la Ligue Sud de voile. Or, on se rend compte que ce ne sont plus les plages qui attirent, mais les activités que l’on peut pratiquer en mer ou en bord de mer qui attirent de nouveaux touristes ».

Un « petit complexe » méditerranéen

Pour lui, cette perception est l’une des principales raisons du manque de « maritimité » dans la région, ajoutant qu’il existe un « petit complexe » méditerranéen par rapport à d’autres régions comme la Bretagne, « qui avaient une espèce d’empire sur la mer et sur la voile. »

Voir cette grande voile prendre le vent et entendre le silence apaisant de la mer une fois le moteur coupé pour quitter le port sont des sensations uniques. Ces moments, aussi légers qu’un filet d’eau mais aussi puissants qu’une vague, ont touché au cÅ“ur tous ceux qui ont participé aux Olympiades Nautiques de la Métropole.

« L’objectif pour nous était de dire : venez au Frioul, vous êtes les bienvenus, et de faire naviguer un maximum de monde tout en partageant notre passion, » souligne Julien Boisson, fondateur d’Ishua et skipper professionnel.

Les jeunes du centre social de Saint-Mauront au départ du Vieux-Port pour le Frioul vont faire de la voile pour la première fois ©Rudy Bourianne

(Re)découvrir la mer

Sur le bateau qui mène au Frioul pour rejoindre les dix voiliers mis à disposition par Ishua, qui forme au BPJEPS et s’implique dans des projets sociaux et éducatifs, l’ambiance oscille entre sourires et fatigue due au réveil matinal.

Recroquevillé sur lui-même, Andjum, 15 ans, ne s’éveille véritablement qu’à l’arrivée des pains au chocolat, sous le regard complice de ses « collègues » du centre social de Saint-Mauront, dans le 3e arrondissement. « Se lever à 7 heures du matin pour faire de la voile, c’est dur. C’est mon animateur qui m’a proposé de venir faire du bateau, j’ai dit oui, tout de suite, » raconte l’adolescent, vêtu d’un ensemble bleu, une paire de TN usée lacée à la marseillaise. C’est sa première expérience de la voile.

Une fois arrivés au Frioul, après avoir pris le ravitaillement matinal, les visages se détendent et la répartition entre les voiliers pour la journée se fait. Chaque association prend place à bord de son voilier, accompagnée d’un skipper. Nous embarquons avec Nicolas sur le Transistor -les noms des voiliers sont inspirés des jurons du capitaine Haddock – et les jeunes de l’association socio-culturelle et artistique Because U Art, pour une traversée jusqu’à la calanque de Morgiret.

Sous les ordres du skipper, chacun s’active pour mener le voilier à bon port. « Ce matin, j’étais fatigué, un peu en retard, mais je suis venu. Je n’ai jamais fait de voile, j’ai même peur de la mer, mais pour moi, ça représente la liberté. Je pourrais même le mettre sur mon CV, » raconte, grand sourire aux lèvres, Mohammed Smasri, 18 ans, jeune bachelier.

Lier les mondes

Le jeune homme a hissé et bordé les voiles, fait des nÅ“uds marins et a même eu le courage de se baigner pendant la pause. « Lacer mes chaussures est déjà difficile, alors faire un nÅ“ud qui ressemble à une chaise, c’est encore plus étrange, » plaisante-t-il avec Rachid Ezzine, étudiant et membre du conseil municipal des jeunes de Marseille en 2022, et Thomas, animateur de l’association Because U Art, tous deux en casse-tête du noeud chaise.

Basée à Noailles, cette association travaille auprès de jeunes de 8 à 11 ans autour de projets artistiques, avec des adolescents de 12 à 16 ans via la web TV Marsworld et de jeunes adultes autour d’un projet d’activisme européen.

« C’est intéressant d’avoir des personnes qui nous rappellent ces premiers pas que nous avons faits nous-mêmes il y a quelques années. Leur faire découvrir ce monde qui nous est familier, mais qui leur est encore inconnu, est fascinant. C’est hyper intéressant de voir ces premiers sourires et c’est premières sensations, » confie Nicolas sur ce moment d’échange partagé avec les jeunes lors des Olympiades.

Un secteur qui recrute

Rares aujourd’hui sont les jeunes Marseillais qui rêvent, comme Marius, d’embarquer sur un trois-mâts franc pour partir vers les ÃŽles-Sous-le-Vent. Même s’ils le souhaitaient, combien d’entre eux ont eu accès au nautisme et à la pratique de la voile, pourtant bien implantés dans certains quartiers de la ville ? Depuis près de 40 ans, Marseille s’est fragmentée, laissant certains de ses enfants éloignés de la mer.

« Marseille est une ville maritimement très active, mais les Marseillais naviguent souvent entre eux. Si tu viens d’un certain quartier, tu as moins de chances d’accéder aux pontons. Les pontons et les pannes sont souvent fermés, » reprend Julien Boisson, qui a repris la société Ishua il y a deux ans et créé le premier BPJEPS pour devenir skipper à Marseille.

D’autant plus que c’est un secteur qui recrute dans la région de Marseille, dans divers domaines allant des skippers à la manutention, en passant par les métiers de la marine marchande ou de marin-pompier. « Nous manquons de personnel en mer. Pour nous, l’objectif avec ces jeunes, c’est de leur ouvrir les yeux sur ce monde, sur Marseille et sa magnifique rade. Il s’agit aussi de les accompagner vers un emploi dans le secteur maritime, » ajoute-t-il, soulignant les ambitions à long terme de ces premières Olympiades Nautiques.

 18 ans, Mohammed découvre les premières bases de la navigation. ©Rudy Bourianne

Un événement en héritage

« Nous avons constaté depuis longtemps que le monde du travail tourne énormément autour du nautisme, à condition de s’y intéresser, » précise Claude Le Bacquer. La ligue compte plus de 150 clubs de voile répartis sur l’ensemble du territoire régional. « Ce sont des débouchés pratiques qui peuvent être bien plus attractifs une fois que l’on en connaît les tenants et aboutissants. Nous essayons de susciter des vocations. »

Le deuxième temps des Olympiades Nautiques sera l’organisation d’un Forum des métiers à la rentrée. Bien que cet événement ne soit pas directement lié au plan héritage des Jeux olympiques, Julien Boisson espère pérenniser l’événement et relancer ces Olympiades dès l’année prochaine, voire dès la rentrée, afin de permettre à de nouveaux jeunes de découvrir ou redécouvrir la mer et ses métiers.

Pour cette première édition, financée par la Métropole à hauteur de 60 000 euros et labellisée Grande Cause Nationale, toutes les places disponibles ont été réservées avant même la campagne de médiatisation prévue pour promouvoir ces Olympiades.


  • Les partenaires des Olympiades Nautiques de la Métropole Aix-Marseille Provence : le Ministère des sports, les associations Women for Sea, et Marseille, Capitale de la mer, l’UCPA, Ishua, la Banque Populaire Méditerranée,

Rudy Bourianne