Les incontournables des Rencontres de la photographie d’Arles

Feminist Demonstration, USA 1970. © Mary Ellen Mark

Jusqu’au 29 septembre, la 55ème édition des Rencontres d’Arles célèbre la diversité et l’innovation en photographie, rassemblant artistes émergents et confirmés. Focus sur dix expositions coup de cœur.

Arles, ville d’histoire et de patrimoine, devient chaque été la capitale mondiale de la photographie. Depuis son lancement en 1970 par l’initiative conjointe du photographe Lucien Clergue, de l’écrivain Michel Tournier et de l’historien Jean-Maurice Rouquette, les Rencontres d’Arles ont su animer les étés de cette petite ville provençale.

Chaque année, environ 100 000 visiteurs affluent pour découvrir le monde fascinant de la photographie dans une atmosphère festive. Pour cette 55ème édition, les Rencontres d’Arles sont encore plus captivantes, avec une programmation qui célèbre la diversité des regards et des talents.

Depuis le 1er juillet et jusqu’au 29 septembre, les visiteurs peuvent découvrir une quarantaine d’expositions, d’installations et d’événements dans toute la ville, qui interrogent notre rapport au monde à travers l’objectif des artistes.

Christoph Wiesner, directeur des Rencontres d’Arles, évoque cette dynamique de création en ces termes : « Remous, esprits, traces, lectures parallèles et relectures sont autant de nouvelles perspectives qui sous-tendent l’édition 2024 des Rencontres d’Arles. Photographes, artistes et commissaires dévoilent leurs visions, leurs histoires, telle que celle de notre humanité, tour à tour contrariée, en perpétuelle redéfinition, résiliente, mais aussi visionnaire. »

Première rétrospective mondiale de la portraitiste américaine Mary Ellen Mark

L’exposition « Rencontres » propose la première rétrospective mondiale de la photographe américaine Mary Ellen Mark. Connue pour ses portraits, Mary Ellen Mark a capturé des individus de divers horizons, allant des marginaux et laissés-pour-compte aux célébrités.

L’exposition présente des images de familles de cirques itinérants en Inde, de travailleurs du sexe à Mumbai et de femmes en institution à l’Oregon State Hospital.

Les visiteurs pourront également découvrir des archives rares telles que des planches-contacts, des notes personnelles et de la correspondance officielle de la photographe. L’exposition se tient au rez-de-chaussée de l’Espace Van Gogh.

Mary Ellen Mark. Rekha avec des perles dans la bouche, Falkland Road, Mumbai, Inde, 1978. Avec l’aimable autorisation de The Mary Ellen Mark Foundation / Howard Greenberg Gallery

« Finir en beauté » de Sophie Calle

Parmi les lieux emblématiques qui accueillent les expositions cette année, les cryptoportiques d’Arles se distinguent. Sophie Calle y présente « Finir en beauté », une exposition qui promet de bouleverser par son approche unique de la mémoire, de la perte et la décomposition, tout en offrant une réflexion poignante sur la mortalité et l’art.

Peu avant l’inauguration de son exposition « À toi de faire, ma mignonne » au musée Picasso à Paris, un orage avait endommagé sa réserve, infiltrant des spores de moisissure dans sa série « Les Aveugles ». Plutôt que de détruire ces œuvres comme recommandé, elle a décidé de mettre en scène leur absence. « J’ai, dans l’urgence, pris le parti de mettre en scène leur absence »n explique-t-elle. Pour une exposition liée à la mort de Picasso et à sa propre fin, cette décomposition faisait sens.

Cette artiste renommée nous invite à plonger dans une réflexion intime et universelle sur le deuil, à travers des œuvres qui se décomposent et se recomposent sous nos yeux. « Les cryptoportiques d’Arles se prêtent à une telle cérémonie », explique-t-elle, soulignant la charge émotionnelle et historique de ces lieux.

L’exposition « Finir en beauté » de Sophie Calle dans les cryptoportiques d’Arles. ©Rudy Bourianne

Pour les Rencontres, elle a choisi d’enterrer ses œuvres endommagées dans les cryptoportiques d’Arles, un lieu déjà marqué par l’humidité destructrice. « Ce lieu, censé les protéger, avait paradoxalement agi comme un outil de destruction » observe-t-elle.

« Les Rencontres d’Arles ont fait de l’accueil des publics l’un de leurs principaux engagements, en ayant à cœur de transmettre à toutes et tous l’intention artistique des photographes invités. Se faire une opinion sur les images qui nous entourent au quotidien et développer un esprit critique nous semble capital à l’heure de l’essor des outils d’intelligence artificielle et de l’usage massif des moyens de désinformation », plaide Hubert Védrine, président des Rencontres d’Arles, souligne l’importance de ce lieu historique.

Exploration artistique avec « Heaven and Hell« 

Ainsi, le festival n’est pas seulement un lieu de mémoire, mais aussi un incubateur d’innovations artistiques. L’exposition « Heaven and Hell » de Vimala Pons et Nhu Xuan Hua mêle performance, art de la scène et photographie, créant un espace hybride où les frontières entre les disciplines s’estompent.

Les deux artistes explorent les interactions entre le corps et l’image, offrant une expérience immersive et sensorielle. Cette fusion entre arts vivants et visuels est un exemple éclatant de la capacité du festival à innover et à surprendre. L’exposition se tient à l’Église Saint-Blaise, offrant un cadre unique pour cette exploration artistique.

« Sur le qui-vive »

Les Rencontres d’Arles jouent également un rôle essentiel dans la découverte de nouveaux talents. Le Prix Découverte, soutenu par la Fondation Louis Roederer, présente cette année des œuvres innovantes qui questionnent les limites de la photographie contemporaine. L’exposition « Sur le qui-vive » met en lumière le thème de l’intranquillité à travers les œuvres de sept artistes sélectionnés pour la quatrième édition du Prix.

François Bellabas et Tshepiso Mazibuko se distinguent parmi les sept artistes présentés : François Bellabas a reçu le Prix du Jury, doté de 15 000 euros, pour son projet innovant « An Electronic Legacy », qui explore l’évolution de l’intelligence artificielle à travers différentes générations d’outils.

En 2016, l’artiste photographie les incendies en Californie et, deux ans plus tard, utilise ces images pour alimenter une IA. En 2022, avec l’émergence de ChatGPT et MidJourney, il crée une installation immersive où les visiteurs découvrent un paysage apocalyptique généré par l’IA.

« An Electronic Legacy » explore l’évolution de l’intelligence artificielle à travers différentes générations d’outils.

Tshepiso Mazibuko, née en 1995 dans le township de Thokoza près de Johannesburg, a remporté le Prix du Public, doté de 5 000 euros, pour son projet « Ho tshepa ntshepedi ya bontshepe » (« Croire en quelque chose qui ne viendra jamais »). Son travail met en lumière la génération « born free », née après la fin de l’Apartheid. À travers des portraits intimes de ses amis et proches, elle exprime la désillusion et les espoirs frustrés de cette communauté.

Les œuvres des sept artistes finalistes sont à découvrir jusqu’au 29 septembre à l’Espace Monoprix à Arles.

Teshepiso Mazibuko a remporté le Prix du Public, pour son projet « Ho tshepa ntshepedi ya bontshepe ». © Franck Marshall

La rue comme scène artistique

« Au nom du nom » met en lumière l’art du graffiti, ces œuvres éphémères qui habillent nos villes. Cette exposition explore l’art urbain à travers ceux qui ont marqué les murs depuis les années 1970 jusqu’à aujourd’hui.

Environ quarante artistes du monde entier illustrent ce chaos et cette imagerie de l’inquiétude. L’exposition dévoile les multiples facettes du graffiti à travers divers types de photographies : documentaires, d’ambiance, d’action, archives intimes, souvenirs brûlés ou oubliés, photographies picturales et policières. Elle se tient à l’Église Saint-Anne.

Le commissaire Hugo Vitrani souligne à ce titre l’importance de ces manifestations visuelles dans notre compréhension de l’espace public et de l’histoire sociale. L’innovation réside ici dans la capture et la préservation d’un art qui, par essence, est destiné à disparaître.

« Au nom du nom » met en lumière l’art du graffiti, ces œuvres éphémères qui habillent nos villes.

Une célébration internationale

Les Rencontres d’Arles ne seraient pas complètes sans la participation internationale. Cette année, le festival accueille des artistes du monde entier, de l’Inde à la Colombie, en passant par le Japon.

Des expositions comme « Belongings » d’Ishiuchi Miyako, lauréate du Prix Women In Motion, révèlent les histoires personnelles et les identités culturelles à travers des œuvres poignantes et introspectives. La mémoire est au cœur de cette exposition, où chaque objet photographié raconte une histoire, une vie. L’exposition se tient à la salle Henri‑Comte.

L’exposition « Quelle joie de vous voir », produite par l’institution artistique Aperture, met en avant l’impact des photographes japonaises depuis les années 1950 jusqu’à nos jours. En présentant les œuvres de 26 artistes, cette exposition ambitionne de réviser les récits et canons établis de l’histoire de la photographie japonaise.

Elle défie également les conventions de genre dans un domaine traditionnellement dominé par les hommes, en mettant en lumière des perspectives féminines essentielles. Trois thèmes majeurs structurent cette exposition : l’observation du quotidien, les critiques sociales de la société japonaise, et les innovations dans la forme photographique. À découvrir au Palais de l’Archevêché.

Partir pour un « Voyage au centre » avec Cristina De Middel

L’exposition de Cristina De Middel, « Voyage au centre » s’inspire du célèbre roman d’aventures « Voyage au centre de la Terre » de Jules Verne (1864). L’artiste espagnole Cristina De Middel y présente son propre périple, retraçant l’histoire d’une migration entre le sud du Mexique et Felicity, une petite ville de Californie.

Résidente d’Uruapan au Mexique, la photographe cherche à révéler la complexité de cette région, souvent simplifiée par les médias. Mélangeant réalité et fiction, son travail transforme cette traversée des continents en une épopée héroïque pour des individus en quête d’espoir. Cristina De Middel signe également l’affiche du festival avec un portrait magique réalisé lors d’une rencontre matinale. L’exposition se tient à l’Église des Frères Prêcheurs.

> Les expositions des Rencontres d’Arles 2024 auront lieu tous les jours de 10h à 19h30 (y compris les jours fériés), jusqu’au 29 septembre inclus. Retrouvez toute la programmation sur les Rencontres photographiques d’Arles