Le Comité national d’engagement de l’ANRU se réunit ce 17 juillet 2024 pour examiner le controversé projet de renouvellement urbain d’Air-Bel à Marseille. Un projet attendu, maintes fois remanié, et qui suscite une vive opposition des habitants.
Depuis plus de vingt ans, le quartier d’Air-Bel dans le 11e arrondissement de Marseille attend une profonde transformation. En amont de la présentation du projet à l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), ce 17 juillet 2024, les habitants ont publié un communiqué pour exprimer leur opposition aux démolitions massives prévues et dénoncer l’absence de réelle concertation.
« Nous, locataires des bâtiments 21, 22, 25, 26, 52, 71, ainsi que des porches, nous opposons à la démolition de nos logements », clament les résidents soutenus par une pétition signée par plus de 100 locataires. Leur frustration est légitime : des décennies de plans de rénovation successifs n’ont fait qu’aggraver leurs conditions de vie. Infiltrations d’eau, présence de légionelle et hausse des loyers sans amélioration notable : les griefs s’accumulent.
« Un simulacre de consultation »
Le projet de renouvellement urbain d’Air-Bel, financé à hauteur de 180 millions d’euros par l’Anru, dont 71 millions de l’État, a connu plusieurs rebondissements et ajustements ces derniers mois, soulignant la complexité de sa mise en Å“uvre. La réunion publique du 10 juillet, censée rassurer les locataires, a échoué à dissiper les inquiétudes, exacerbant au contraire les tensions.
« Un simulacre de consultation », déplorent les habitants, qui pointent du doigt un manque flagrant d’écoute. Une concertation qui « a essentiellement consisté à nous expliquer que nous ne pouvions rien changer aux plans du projet, décidés par des personnes qui n’ont jamais vécu dans notre quartier et qui ne nous ont jamais écouté. »
Ce mécontentement fait écho à une opposition massive, consécutive aux premières démolitions en 2022, et exprimée lors d’une réunion de concertation le 14 novembre 2023, où la possibilité de repartir d’une « page blanche » avait été évoquée par la maire adjointe, Samia Ghali.
Les pressions des associations locales et du collectif Air-Bel avaient ensuite permis de réduire le nombre de démolitions de 118 à 40 logements en décembre de la même année.
Un projet révisé
En janvier 2024, une réunion marathon du comité de pilotage a permis de réviser certains aspects du projet. L’actuel prévoit la conservation des hautes tours et la création d’un espace vert central de 4 hectares, mais les résidents ne sont pas convaincus.
En plus de ces aménagements, le projet comprend la réhabilitation de 941 logements existants pour améliorer les conditions de vie des habitants. Ces travaux incluent la modernisation des installations et des aménagements intérieurs. Le projet prévoit également la restructuration de 34 logements pour répondre aux besoins spécifiques des résidents.
De plus, 160 nouveaux logements doivent être construits, dont une centaine de logements sociaux et une part réservée à l’accession à la propriété. Ces nouvelles constructions seront principalement situées au nord du quartier.
Le groupe scolaire et les infrastructures pour la petite enfance seront restructurés pour mieux répondre aux besoins des familles. De nouvelles voies de circulation, notamment au nord et d’est en ouest, seront aménagées pour désenclaver le quartier. Le tracé de ces voies a été modifié pour éviter une cinquantaine des démolitions initialement prévues.
Des démolitions contestées
Mais elles restent encore trop nombreuses aux yeux des habitants qui restent fermement opposés : « Pourquoi démolir tant de bâtiments, plutôt que réhabiliter et préserver l’existant ? » questionnent-ils, inquiets face à des transformations jugées excessives et mal planifiées.
Par ailleurs, les préoccupations immédiates telles que l’insalubrité, la sécurité et la mauvaise gestion des loyers et des charges ont dominé les échanges à l’occasion de la réunion de la semaine dernière. Les résidents dénoncent des augmentations de charges sans amélioration des conditions de vie, évoquant des infiltrations d’eau et des travaux bâclés. Ces problèmes chroniques ajoutent à la frustration générale, nourrissant un sentiment d’abandon parmi les habitants.
Les propositions de relogement, jugées inadéquates, n’ont fait qu’accentuer leur malaise. Ils refusent d’être déplacés dans des tours qu’ils considèrent moins favorables, soulignant leur attachement à leurs logements actuels qu’ils ont eux-mêmes rénovés. « Nous y vivons pour la plupart depuis plusieurs décennies. Nous y avons investi de l’argent et de l’énergie pour faire les travaux que les bailleurs ont toujours refusé de faire. »
Face à ces critiques, le préfet délégué pour l’égalité des chances, Baptiste Rolland, a tenté de les rassurer en fournissant des informations sur les relogements des 224 appartements voués à être détruits, promettant des entretiens individuels pour évaluer les besoins et souhaits de chacun. Ces promesses peinent à apaiser les inquiétudes, la méfiance des résidents étant profondément enracinée après des années de négligence perçue.
Les habitants demandent une réévaluation du projet
Devant ces défis, ils exigent une véritable concertation et une réévaluation du projet. Ils mettent en garde contre les conséquences sociales et écologiques des démolitions et appellent à une approche plus respectueuse de leur cadre de vie. « Ces démolitions ne sont pas justifiées. Elles brisent nos vies et nous déracinent », insiste le communiqué.
La présentation du projet à l’Anru ce 17 juillet 2024, reste une étape majeure dans la bataille pour l’avenir d’Air-Bel. Les habitants espèrent que leur voix sera enfin entendue et que les décideurs prendront en compte leurs préoccupations. « Nous ne nous laisserons pas démolir », conclut le communiqué des locataires, déterminés à défendre leur quartier et la vie qu’ils y ont construite.