Législatives 2024 : l’extrême droite en pleine ascension, la gauche en résistance

Le premier tour des élections législatives anticipées du 30 juin 2024 ont marqué un tournant majeur en France, avec une avancée spectaculaire du Rassemblement National (RN) et une résistance notable de la gauche unie. Analyse des résultats et des dynamiques électorales dans les Bouches-du-Rhône.

Le 30 juin 2024 restera gravé dans les annales de la politique française. Les élections législatives anticipées ont rebattu les cartes du paysage politique. Le Rassemblement National (RN) a réalisé une percée historique avec 33,2 % des voix au premier tour, tandis que la gauche, unie sous la bannière du Nouveau Front Populaire, a su offrir une résistance tenace avec 28,1 %.

Le RN, mené par un Jordan Bardella galvanisé, s’est offert une progression fulgurante dès le premier tour. Une ascension impressionnante comparée aux 18,68 % de juin 2022, fruit d’une campagne jouant habilement sur les thèmes de la sécurité et de l’immigration. Cette performance place Jordan Bardella en pole position pour briguer le poste de Premier ministre, à condition de transformer l’essai au second tour. Avec entre 204 et 270 sièges projetés, le RN reste en deçà des 289 sièges nécessaires pour contrôler l’Assemblée nationale.

La gauche unie dans l’adversité

Sous la bannière du Nouveau Front Populaire, la gauche a démontré qu’elle pouvait encore se battre. Avec 28,1 % des voix, cette coalition improbable – réunissant socialistes, communistes, insoumis et écologistes – a réussi à dépasser ses querelles intestines pour se poser en rempart contre la montée du RN. « L’union de la gauche est notre réponse à la montée inquiétante de l’extrême droite », a martelé Jean-Luc Mélenchon lors d’un rassemblement parisien, son discours imprégné de cette gravité presque prophétique qui lui est propre.

La Macronie en déroute, la droite classique à l’agonie

L’électorat a infligé un sévère camouflet à la majorité présidentielle, qui ne récolte que 21 % des suffrages. Emmanuel Macron, qui misait sur les divisions de la gauche pour maintenir sa mainmise, a vu sa stratégie s’effondrer face à l’unité retrouvée de ses adversaires et l’ascension du RN. Les Républicains, quant à eux, continuent leur inexorable déclin avec un maigre 10 %, tandis que le parti d’Éric Zemmour, Reconquête, se désagrège avec un insignifiant 0,6 %.

Marseille : Un condensé des luttes nationales

Marseille, toujours passionnée et souvent imprévisible, reflète parfaitement les tensions nationales. Avec une participation de 44,11 %, selon les chiffres définitifs du Ministère de l’Intérieur (66,7 % à l’échelle nationale), la cité phocéenne a surtout profité aux candidats du RN, plusieurs d’entre eux se trouvant en tête pour le second tour, voire victorieux dès le premier tour. C’est le cas de Franck Allisio, secrétaire départemental du RN, réélu dès le premier tour avec 54,07 % des voix dans la 12e circonscription (Vitrolles, Marignane).

Douze des seize circonscriptions des Bouches-du-Rhône sont dominées par le RN et deux par l’union de l’extrême-droite. Dans la deuxième circonscription des Bouches-du-Rhône, qui inclut les 7e et 8e arrondissements de Marseille, on observe une montée significative du vote en faveur du Rassemblement National (RN), atteignant 32,1 %. Ces quartiers, historiquement associés à une population de cadres et de professions libérales, montrent une transformation dans leurs priorités électorales, avec une attention accrue sur les questions de sécurité et d’immigration. C’est ici que la participation est la plus élevée avec 70,64% (57 386 votes).

La troisième circonscription, couvrant les 13e et 14e arrondissements de Marseille, a vu le RN récolter 42,75 % des voix. Ces zones, caractérisées par une forte population ouvrière et immigrée, semblent réagir aux défis de la désindustrialisation et du chômage élevé. Le soutien au RN dans ces quartiers reflète une frustration croissante face aux difficultés économiques et sociales.

Le désistement stratégique des Macronistes

Face à cette déferlante, certains députés sortants de la majorité présidentielle ont préféré se retirer au profit des candidats du Nouveau Front Populaire pour barrer la route au RN. Sabrina Agresti-Roubache, secrétaire d’État à la Ville et à la Citoyenneté et candidate Renaissance, n’a pas hésité à déclarer : « Dans ma circonscription, pas une seule voix pour l’extrême droite ».

Avec un score de 23,61 %, elle a terminé en troisième position dans la première circonscription des Bouches-du-Rhône, derrière Monique Griseti du RN et Pascaline Lécorché de Place Publique. En 2022, Sabrina Agresti-Roubache avait de justesse accédé au second tour, mais cette fois, elle n’a pas réussi à réitérer cet exploit.

Dans la deuxième circonscription, Olivier Rioult (RN) est arrivé en tête avec 32,1 %, suivi de Laurent Lhardit (Union de la gauche) et Claire Pitollat (majorité présidentielle). Cette dernière a annoncé lundi après-midi ne pas déposer sa candidature pour faire barrage au Rassemblement National (RN) et empêcher l’extrême droite d’obtenir une majorité absolue à l’Assemblée nationale.

Dans la sixième circonscription, Lionel Royer-Perreaut (Renaissance) a terminé troisième avec 25,13 % des voix et a choisi de se retirer sans donner de consignes de vote explicites. Olivier Fayssat (RN) a remporté 38,3 % des suffrages, devançant Christine Juste (NFP) avec 28,2 %.

Dans la 11e circonscription d’Aix, Mohamed Laqhila (Renaissance) a choisi de se retirer malgré ses 26,28 % des voix pour éviter une victoire du RN, critiquant Marc Pena (NFP) pour sa volonté de se maintenir avec 27,54 % des voix face à Hervé Fabre-Aubrespy (RN) crédité de 38,87 %. Laqhila a déclaré : « Je ne serai pas celui qui fera élire l’extrême droite sur le Pays d’Aix », tandis que Pena a appelé à un front républicain.

La 14e circonscription verra une triangulaire, Anne-Laurence Petel (Renaissance) ayant décidé de se maintenir malgré sa troisième position. Face à Gérault Verny (LR-RN) et Jean-David Ciot (NFP). Un choix au risque de diviser les votes anti-RN.

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La gauche, notamment représentée par les Insoumis, a réussi à conserver certains de ses bastions dès le premier tour, avec un soutien écrasant d’un électorat diversifié, comprenant à la fois des classes moyennes, des étudiants, et des populations défavorisées en faveur du Nouveau Front Populaire (NFP), avec 67,49 % des suffrages dans la quatrième circonscription. L’Insoumis Manuel Bompard, élu au premier tour du scrutin a déclaré : « Notre victoire montre que l’union et la solidarité peuvent résister aux forces divisantes de l’extrême droite ».

Sébastien Delogu, député sortant, a également triomphé dans la septième circonscription avec 59,7 % des voix, l’une des plus difficiles, où l’abstention atteignait 71,11 % au second tour des législatives de 2022. En 2024, le taux d’abstention a reculé de plus de 20 %. Ce secteur du nord-ouest, qui comprend les 15e et 16e arrondissements, est parmi les plus défavorisés de Marseille, avec un taux de chômage élevé et une forte proportion de ménages vivant sous le seuil de pauvreté. Ce secteur est souvent cité comme étant l’un des plus touchés par les problématiques de précarité.

Dans la troisième circonscription, Amine Kessaci (Union de la gauche) résiste avec 35,68 % des suffrages face à Gisèle Lelouis du RN qui obtient 42,75 %.

Cependant, l’unité de façade de la gauche masque des tensions sous-jacentes. Dans la cinquième circonscription, Hendrik Davi (LFI dissident) a créé des frictions internes en maintenant sa candidature, face à Franck Liquori (RN – 25,8 %) et Allan Popelard (NFP – 23,3 %), ce qui a compliqué la lutte contre l’extrême droite. Allan Popelard, qui s’est retiré en faveur de Hendrik Davi (24,4 %) a critiqué ce dernier pour avoir « placé l’extrême droite en tête ».

Les Républicains en déclin

Dans l’ensemble du département, Les Républicains ont montré des signes de faiblesse. Par exemple, dans la deuxième circonscription, Laure-Agnès Caradec n’a recueilli que 8,68 % des voix, loin derrière Olivier Rioult (RN) et Laurent Lhardit (NFP). Le plus haut a été obtenu dans la quinzième circonscription par Stephane Hermellin avec 10,92 % des voix. Le plus bas enregistré dans la quatrième circonscription par Carime Igo 2,1 % des voix.

Ce faible score illustre la difficulté du parti à mobiliser son électorat traditionnel face à la montée en puissance du RN et de la gauche unie. L’éclatement interne et les divergences stratégiques ont affaibli la capacité du parti à présenter une alternative unie et cohérente. L’alliance d’Éric Ciotti avec le RN a créé des tensions internes, et la direction du parti n’a pas su clairement trancher sur une stratégie électorale unifiée.

Deuxièmement, le contexte local joue également un rôle important. Par exemple, dans la deuxième circonscription, relativement aisée, l’électorat traditionnel LR a pu être attiré par les thèmes de sécurité et d’immigration promus par le RN.

Les taux de participation varient entre 52,36 % et 70,64 %, reflet d’une mobilisation disparate. La première circonscription affiche une participation de 65,91 %, tandis que la septième est à la traîne avec 52,36 %.

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La Rédaction