L’INPP liquidé, des professionnels de l’hyperbare montent au créneau

Crédit photo : Rudy Bourianne

L’Institut national de plongée professionnel (INPP) a été mis en liquidation judiciaire par le tribunal judiciaire de Marseille, comme attendu après la conférence de presse de son président Frédéric Ronal en fin de semaine dernière. Face à cette situation, un groupement des acteurs de l’hyperbare (GAH) s’est constitué en urgence ce week-end pour défendre notamment les missions régaliennes de l’Institut.

La nouvelle est tombée officiellement aux alentours des 17 heures ce mardi après-midi. L’INPP est bel est bien en liquidation judiciaire. Maître Simon Laure a été mandaté pour être le liquidateur de l’Institut actif depuis près de cinquante ans à Marseille.

Si la nouvelle n’est pas étonnante pour l’ensemble du secteur de l’hyperbarie après les divers rebondissements quasi shakespearien de l’affaire et la mort annoncée de l’INPP, elle soulève néanmoins de nombreuses questions quant à l’avenir de certaines compétences de l’Institut. En effet, dans la foulée de l’annonce de la fin de vie de l’INPP par son président Frédéric Ronal en amont du passage devant le tribunal judicaire ce mardi, un groupement des acteurs de l’hyperbarie, une première, s’est constitué de toute urgence ce week-end. De concert, ils ont publié « La charte du groupement des acteurs économiques du monde de l’hyperbarie » pour sauver ce qui peut encore l’être de l’INPP, notamment la sauvegarde du patrimoine et la gestion de la mission régalienne confiée par l’Etat à l’Institut national de plongée professionnel.

Pour comprendre les enjeux en cours, il faut expliquer quelles sont les missions de l’INPP, situé à la Pointe Rouge, et en quoi sa liquidation met en péril tout un secteur dans lequel la France brille par sa compétence en la matière.

L’hyperbarie est la plongée sous des pressions allant au delà de la pression atmosphérique normale. Un monde technique dans lequel les conditions de plongée sont risquées et soumises à des règles importantes et nécessaires pour la sécurité des plongeurs. Dans ce domaine, l’INPP est un fleuron national et régional depuis près de cinquante ans. De la formation à la certification d’équipements de plongée industriels ou de loisirs notamment, l’Institut est devenu au fil des années une référence mondiale. Avec sa liquidation, 28 personnes se retrouvent aujourd’hui au chômage.

Ses deux axes principaux : la formation et la certification se focalisent autour de deux missions parallèles : l’une commerciale depuis l’ouverture à la concurrence il y a une dizaine d’années des formations de plongeurs professionnels, l’autre régalienne et confiée par l’Etat dont sont administrateurs cinq ministères (Mer, Travail, Armées, Intérieur, Culture): la certification des équipements de plongée et le stockage de données, les diplômes des stagiaires, des données médicales, les certifications d’équipements etc… Pour faire un parallèle simple à comprendre, l’INPP a un rôle similaire dans ce cas-là à celui de l’ANTS dans le monde de la conduite automobile. Il permet d’être un outil de contrôle pour les professionnels quant à la validité des diplômes des personnes postulant chez eux, ou encore de conformité des équipements aux normes de sécurité nécessaires imposées.

Actuellement en France, l’INPP est le seul organisme de formation à pouvoir délivrer le diplôme de plongée à saturation de classe 3 de manière régulière depuis la fermeture de Fort Williams et un des rares dans le monde à le faire.

Des professionnels inquiets

Face à cette situation, une vingtaine d’acteurs majeurs du monde hyperbare se sont ainsi réunis en groupement ce week-end pour alerter face à la situation. Ce mardi matin, le GAH a été reçu par le greffe, dont la directrice en charge du dossier, qui se déplore à signer l’arrêt de mort inévitable de l’INPP pour des raisons de droit social pour les salariés, a été très attentive quant au fait de la propriété intellectuelle et du patrimoine matériel et immatériel en jeu dans la liquidation. Par son entremise, la charte rédigée en urgence par le groupement a été portée à la connaissance du Président du tribunal. Ainsi, le groupement va pouvoir être intimé sur les modalités à venir de cette liquidation.

« L’idée est de dire que si l’INPP certes est mort, faisons en sorte que son héritage ne soit pas mort avec lui. Nous avons alerté le greffe et le tribunal sur le fait que le trou d’air de 18 à 24 mois de la compétence régalienne de la formation et autour des data qui va émaner de cette procédure peut être meurtrier pour la profession. La question est de savoir si le mandataire, va mandater, qui pourra assurer la continuité de ces missions le temps de ce trou d’air ? », nous décryptent Axel Disgand et Pierre-Emmanuel PEYROU tous deux professionnels du secteur et coordinateurs du groupement.

Durant cette période, les professionnels sont face à de nombreux risques relatifs à leur profession. Sur le plan de la gestion des data par exemple, l’INPP qui a formé pendant plus de cinquante ans des plongeurs venus du monde entier, permettait aux employeurs de venir contrôler la validité des diplômes des postulants. Ils ne pourront ainsi plus faire cette vérification et pourraient retrouver face à l’émergence déjà palpable mais encore contrôlable de faux diplômes, qui en cas d’accident fait porter des risques pénaux pour l’employeur.

Du côté des équipements, le laboratoire a pour mission entre autres d’assurer la conformité des équipements de plongée puis de stocker ces documents afin de garantir de la qualité et de la conformité des produits mis sur le marché. Avec l’arrêt de l’INPP et le risque de 18 mois minimum de trou d’air, la commercialisation d’équipements s’arrêtera, les certifications arriveront de l’étranger et non plus de France, avec pour conséquence collatérale, la fin sur le territoire d’innovation dans un domaine dont l’Hexagone est à la pointe. Autre parallèle automobilistique, le laboratoire de l’INPP peut être comparé au laboratoire de crash-test pour la mise sur le marché des véhicules automobiles. Un outil nécessaire dont l’INPP, dans le monde de la plongée, est actuellement le seul à assurer la compétence.

La mort de l’INPP est due à un enchaînement de facteurs différents. Le principal est l’ouverture à la concurrence des formations de plongeurs professionnels. Alors en position de monopole, l’INPP s’est retrouvé à gérer, par délégation de l’Etat, des activités peu ou pas rentables tel que de la surveillance de marché, de la formation, du conseils, de la représentativité, des relations et des établissements d’accords bilatéraux avec les instances internationales telles que l’IMCA (International Marine Contractors Association) par exemple. La formation, qui est alors sa première source de revenu, est entrée en concurrence directe avec des structures privées qui n’avaient à assumer que les frais fixes de gestion des formations. En France, l’Ecole nationale des scaphandriers (ENS) et le Centre Activités Plongée de Trébeurden. De cette décision, en a découlé un enchaînement d’évènements qui a conduit à l’agonie de l’INPP. En particulier, une lutte entre l’INPP et BCS, certificateur attaché au groupe Apave qui donne le droit à l’Institut marseillais de délivrer les formations et au sujet de laquelle le Tribunal Administratif de Marseille avait statué en faveur de l’INPP le 10 juin dernier. Autre coup de massue pour l’INPP, l’assignation par la Métropole pour être expulsé du foyer hôtel où sont logés les stagiaires et en résiliation de convention d’occupation par voie judiciaire du site historique de la Pointe Rouge.

« On va licencier l’ensemble de nos équipes, il y a beaucoup d’inquiétude aujourd’hui dans la profession comme on le voit avec le regroupement des acteurs de la profession. C’est un crève cœur pour moi parce que je me dis que si ces entreprises s’étaient mobilisées avant, on n’en serait pas là. Bien sûr, je ne leur en veux pas mais c’est un crève cœur », nous déclare Frédéric Ronal, surement dernier président de l’histoire de l’INPP.

Interrogé sur cette prise de position, le groupement des acteurs de l’hyperbare déplore que “le Président n’ait pas communiqué avant sur l’état de l’INPP et sur ses relations avec BCS aussi massivement que l’a fait le GAH en 72 heures . D’une part, la situation est connue par ses dirigeants et l’ensemble des membres du conseil d’administration depuis 2018, puisque l’INPP était en situation de redressement. D’autre part, car certains industriels, en se réservant le droit d’apporter un soutien financier, ont incité en leur temps à la réforme de l’INPP. Ils se sont vu essuyer de nombreux refus de la part du Directeur. Mais surtout, contrairement à ce que le Président laisse sous entendre, il n’a pas mobilisé la profession car il n’est pas de la profession, il ne la connaît pas !” Une prise de position ferme de la part du GAH.

« “Le GAH a réussi à faire en 72 heures ce que personne n’a réussi à faire en 15 ans : fédérer la  profession autour de la seule institution légitime à ses yeux, l’INPP! » , déclare Pierre-Emmanuel PEYROU, coordinateur du groupement.

Dans le groupement d’acteurs de l’hyperbarie, STAPEM Offshore est venu ajouter son nom à la liste qui s’étire au fil des heures aux côtés de TotalEnergies, Petrodive, la Banque Populaire Méditerranée, la Sneti (Syndicat national des entrepreneurs) et bien d’autres. Theo Mavrostomos figure emblématique de la plongée à l’INPP est ambassadeur de ce groupement. L’acronyme GAH est en référence direct avec celui de CAH, «Certificat d’Aptitude à l’Hyperbarie », au cœur de cette mort silencieuse en train de s’écrire.

Rudy Bourianne

Rudy Bourianne est journaliste.