L’arrivée de Roberto De Zerbi est la nouvelle de l’intersaison. Le coach Italien est considéré comme l’entraîneur le plus prometteur de sa génération. Mais au-delà des qualificatifs, quelle est sa philosophie et son style de jeu ?
Génie, révolutionnaire, visionnaire… Les adjectifs ne manquent pas dès que l’on évoque le nom de Roberto De Zerbi. Le coach Italien fait l’unanimité malgré un palmarès encore vierge ou presque au plus haut niveau. Pour comprendre cet emballement, il faut voir son travail avec Sassuolo et Brighton, équipes avec lesquelles il a commencé à pleinement exprimer son talent et le football qu’il souhaite mettre en place. Mais aussi, lire et écouter ses diverses interviews dans lesquelles il livre sa vision et sa philosophie.
Première pierre à l’édifice De Zerbi, la prise de conscience. Comme il le confie dans une interview à nos confères de So Foot en 2019 alors qu’il est à Sassuolo, c’est le Barça 2010 de Pep Guardiola qui a totalement changé sa vision du football. Il était alors joueur de Cluj en Roumanie. « C’est l’équipe qui m’a véritablement ouvert l’esprit, qui m’a montré une autre façon de voir le football », déclarait-il alors au cours de l’entretien fleuve avec le magazine spécialisé dans le ballon rond.
À cette époque, Pep Guardiola met au sommet l’art du Tiki-taka, un jeu de possession court, direct avec des sorties de balles très basse et une confiscation permanente du ballon à l’adversaire. Cette manière de jouer fait des émules et l’enfant de Brescia fait partie des admirateurs du coach espagnol, qui aujourd’hui encense à son tour le travail du nouveau coach marseillais. Pep Guardiola a notamment été joueur du club de la ville natale de Roberto De Zerbi, tout un symbole entre les deux hommes.
L’entrainement avant tout
S’inspirant du maître à penser des Citizens, Roberto De Zerbi applique aussi des méthodes similaires à celles de Guardiola dans sa préparation des matchs. Tout est minutieusement travaillée afin que le jour J, les joueurs n’aient plus qu’à appliquer ce qu’ils ont vu à l’entrainement. Maxime Lopez expliquait dans le Club des 5 sur Youtube, les méthodes employées. Des séances d’une heure et demi pouvant aller jusqu’à trois heures si Roberto De Zerbi n’était pas satisfait du travail de ses joueurs. Et forcément ça paye.
Lorsqu’on regarde les séquences, notamment sur les sorties de balles défensives sous la pression adverse, on voit se mettre en place des mouvements qui libèrent des zones de passes et de jeu et permettent aux joueurs de venir toucher instinctivement leur partenaire sous la pression le plus rapidement possible. « Pour en arriver là, j’aime quand mon équipe arrive au stade le dimanche et qu’elle sait tout. C’est la phase de préparation, d’ordre essentiel. Il faut avoir étudié. Après, comme je suis un esprit libre, je suis en capacité de décider ce que je veux faire de ma vie. Et j’aime aussi quand ceux qui m’entourent sont comme ça. C’est pour ça que, même si mes joueurs doivent tout savoir en arrivant sur le terrain, je veux que ce soit eux qui prennent la décision le moment venu, » déclarait-il à So Foot.
Offensivement, ensuite, Roberto De Zerbi met en place des phases de relaie et de jeu en triangle pour faire avancer son équipe sur le terrain. Objectif : qu’à chaque fois des solutions viennent s’offrir dans le mouvement au porteur du ballon. Sur chaque phase, des propositions d’appui ou d’appels pour trouver le joueur le plus à même d’être face au jeu.
Cœur de la réflexion offensive du Brescian, le place du numéro 10 dans son équipe. « Je ne pense pas au numéro 10 en terme de positionnement sur le terrain, mais plutôt sur le plan psychologique, sur ses intuitions, » analysait-il chez nos confères de RMC Sport. Pour lui, son équipe doit avoir au moins un numéro 10 comme profil, qu’il soit placé à la manière de Maxime Lopez et Manuel Locatelli lorsqu’ils étaient à Sassuolo bas sur le terrain ou plus haut comme Berardi. Le 10 devient cette pièce maitresse qui sait se servir du ballon et bonifier le jeu par sa technique et sa vision. Au Shaktar, il lui est même arrivé de jouer avec cinq joueurs pouvant être considérés comme des numéro 10…
Spectaculaire, le jeu de De Zerbi a bien évidemment des failles. Il faut que les joueurs aient la qualité technique pour participer à cet effort et gérer la pression lors des sorties de balles adverses où le danger de jouer avec le feu devant la surface peut se révéler parfois cruel en cas de perte de balle. Offensivement, face à des blocs bas, et ça risque d’être souvent le cas en France, la solution peut-être plus difficile à trouver. Le challenge est peut-être ici pour le technicien Italien. S’adapter au jeu de transition français et ses blocs bas.
Autre aspect primordial du nouvel entraîneur de l’OM : sa personnalité
« Je cherche, et ça ne m’est pas difficile de leur faire ressentir ce que je suis. Plus je leur parle de mes défauts, de toutes les choses négatives que je peux avoir en moi, mieux c’est. Car à l’inverse, si tu ne montres que le beau, ils vont découvrir un jour ou l’autre le côté sombre. » Comme il le confiait toujours à So Foot, Roberto De Zerbi veut être entier et entretenir une relation avec ses joueurs profondément humaine. A l’image d’un Carlo Ancelotti, il n’est pas rare qu’il invite chez lui les joueurs à manger pour créer une vraie relation avec eux. Fou de travail, il pense, respire, mange et dort football. Un autre parallèle avec Pep Guardiola.
Pour lui, si la victoire est essentielle, elle née dans l’essence même du sport qui vient du jeu. Dans ce sens, il aime rappeler à ses joueurs les enfants qui jouent au foot mais n’en sont pas moins là pour gagner. Et effectivement, arrêtez-vous cinq minutes devant des minots qui jouent au ballon dans un parc ou une cour de récréation. Vous les verrez totalement dans le jeu, mais si vous faîtes bien attention, vous verrez qu’ils ont aussi dans le regard la volonté totale de gagner. Ceux qui ont jouer au football enfant connaissent pleinement ce sentiment.
C’est cette philosophie que De Zerbi veut inculquer à ses joueurs tout en leur rappelant la chance qu’ils ont d’avoir cette place dans la société. A Sassuolo, son adjoint était Francesco Farioli, l’ancien entraîneur de Nice qui a été étudié la philosophie et la science du sport à l’université de Florence. Une passerelle dans la réflexion De Zerbi. Le coach Italien se nourrit effectivement, comme il le confie, de tout ce qui l’entoure dans le monde, notamment les drames, pour alimenter son discours et faire de ses joueurs plus qu’un simple groupe réunit pour venir faire le job une fois par semaine au stade.
Le rendez-vous avait été manqué une première fois entre l’OM et le coach Italien. « J’étais triste de ne pas être venu ici parce que ce stade, ces fans étaient une grande motivation pour moi, » avait-il lancé lors de la conférence d’avant-match entre Brighton et le club phocéen la saison dernière. Avec ces idées et cette volonté de jouer au ballon, la rencontre finalement actée entre Roberto De Zerbi et Marseille, deux passionnés absolus du ballon rond, peut devenir l’une des histoires les plus excitantes du football français ces dix dernières années.
D’autant que le technicien italien arrive avec dans ses valises, Giovanni Rossi, nouveau directeur sportif du club, pour faire lien entre la cellule de recrutement et Roberto De Zerbi. Un duo qui a révélé quelques joueurs de qualité du côté de Sassuolo. Une recette miracle ?
Rudy Bourianne
Rudy Bourianne est journaliste sportif. Passionné par le club phocéen et le sport en général, il suit notamment l’actualité de l’OM, de la Voile et de l’équipe élite water-polo du Cercle des Nageurs de Marseille pour Le Méridional.