Billet OM. 26 mai 1993, sortir de l’illusion…

Crédit photo : Rudy Bourianne

Le 26 mai 1993 est la date clé de tout les supporters de l’OM, l’apothéose de l’histoire du club. Or depuis, l’OM n’a jamais retrouvé le standing qui était le sien. Jusqu’à créer cette situation étrange où le passé est devenu un mirage donnant l’illusion que l’OM est un grand club européen, malgré la chute.

Il y 31 ans, l’Olympique de Marseille remportait la Ligue des Champions à Munich face au Milan AC (1-0). Un souvenir immense, légendaire, qui se racontera à jamais de génération en génération. Du coup de tête de Boli, aux parades de Fabien Barthez, jusqu’à la délivrance et les images de Marseille en liesse.

Or depuis toutes ces années, et d’autant plus que le temps s’écoule, ce passé glorieux est devenu une illusion morbide. Malgré la perte de standing du club olympien, cette victoire sert de mirage et de parure aux directions successives du club et à l’inconscient des supporters pour dire et croire que l’OM est un grand club européen et en calquer les promesses et les attentes. Triste est de constater que depuis, l’OM n’a quasiment plus rien gagné ou presque. Un titre de champion de France et quelques coupe de la Ligue sous Deschamps aux encablures de 2010. Sinon, le vide…

A force de ressasser ce passé et à coup de frustration à répétition, le plus célèbre club de France en est devenu l’archétype d’un personnage de théâtre américain. Celui de Blanche DuBois dans un « Tramaway nommé désir » de Tennessee Williams. Un chef d’oeuvre dans lequel la jeune femme hantée par son passé de femme riche et privilégiée se donne des airs de grande femme du monde, encore plus qu’elle n’était alors, tout en évacuant sa frustration dans la violence quotidienne de la débauche. Incapable de vivre la réalité de sa vie présente, elle finit en hôpital psychiatrique…

L’an dernier pour fêter les 30 ans du sacre, la Mairie et le club avaient organisé des festivités à coup de fumigènes et de retransmission pour faire de cette finale du 26 mai, un jour sans fin. Eric Di Meco, artisan de la victoire n’avait pas hésité a raconter sur RMC sa gêne face à tout le dispositif organisé : « J’ai aussi une pensée pour les gamins qui n’ont pas envie de vivre par procuration. Même si c’est une ville de foot où l’on transmet l’histoire du club à ses enfants, quand l’OM est allé en finale de la Ligue Europa contre l’Atlético, la ville s’était embrasée parce que tous ses gamins ont envie de le vivre eux-mêmes. On est un peu gêné par rapport à ça. Quand c’est trop, ça peut même nous gêner à un moment donné. » Un too-much qui confine au malaise même quand les supporters explosent de joie sur le Vieux-Port au moment du but de Basile Boli. Beaucoup, tellement de bruit pour rien.

Et c’est dire à quoi nous sommes obligés de nous rattacher aujourd’hui à Marseille tant le club ne gagne pas. Au même titre que ce rituel de s’enorgueillir chaque année lorsque le Paris-Saint-Germain échoue dans la plus prestigieuse des compétitions. Certes, le spectacle est agréable, mais qu’il devienne l’un des seuls points positifs de la saison d’un supporters marseillais est gênant.

L’OM ne peut plus continuer à asseoir sa légitimité sur ce seul fait d’arme aussi glorieux soit-il. A se tourner vers le passé pour s’aveugler sur le présent, l’environnement Olympien est devenu exigeant à la limite du pathos. L’accueil d’Igor Tudor, l’impatience face à Marcelino, la tension ressentie dans le Vélodrome quand l’OM ne gagne pas un match ou encore l’empilement de noms pour faire illusions sont les mêmes que si le club jouait chaque saison comme le Real de Madrid. Bien évidement, l’exigence est nécessaire mais celle-ci ne peut se focaliser dans l’état actuel du club sur le souvenir comme point d’ancrage de la victoire en Ligue des Champions en 1993. Et d’autant plus dans une ville populaire comme Marseille où à défaut de résultat, la ville et ses habitants se rattacheront toujours plus à l’âme de l’équipe qu’au simple fait d’avoir gagné…

A l’heure du mercato estival, réfléchir sur cette question pourrait permettre au dirigeant de faire des choix plus en adéquation avec la réalité du club et de la ville. En remportant la coupe Gambardella hier, les minots du centre de formation ont montré qu’ils existaient. A la place d’empiler des noms à demi-rutilant, se tourner enfin vers la formation ne serait-il pas par exemple le premier pas vers l’acceptation que l’OM a dépassé ses illusions ? Quid d’un entraîneur nommé Habib ?

Rudy Bourianne

Rudy Bourianne est journaliste sportif. Passionné par le club phocéen et le sport en général, il suit notamment l’actualité de l’OM, de la Voile et de l’équipe élite water-polo du Cercle des Nageurs de Marseille pour Le Méridional.