Il y a 34 ans jour pour jour, l’OM va au Benfica pour le match retour de la Coupe des Clubs Champions. L’histoire est connue. Vata, de la main, brise les rêves marseillais d’une finale européenne. Mais cette injustice au cœur de la nuit Lisboète n’est-elle pas aussi le moment charnière qui fait de l’OM un grand d’Europe jusqu’au graal de 1993 ?
Lisbonne 18 avril 1990. Stade de la Luz. 120 000 spectateurs. Benfica 1 – 0 OM.
Alors que l’OM l’emporte au match aller au Vélodrome sans réussir à creuser l’écart, 2-1, les hommes de Gérard Gili se font surprendre au retour, à la 83e minute d’un match maitrisé, par un fait de jeu devenu légendaire dans l’histoire de la Coupe des Clubs Champions. Vata reprend un centre venu de la gauche dans le sens du jeu des Portugais et pousse le ballon de la main. Un geste qu’il réfute toujours aujourd’hui mais qui paraît pourtant évident au regard des images. Sur cette injustice oubliée par monsieur Van Langenhove et ses deux arbitres assistants, les Olympiens sont éliminés et voient la finale de la plus prestigieuses des compétions s’envolaient devant leurs yeux. Mais un homme en tire une leçon et assurera à qui veut l’entendre que c’est la dernière fois que l’OM encaissera un but de la main.
« J’ai réagi contre les journalistes qui nous traitaient de « petit club » .Eh bien, ce soir, j’ai compris pourquoi l’OM était un petit club, nous n’avons pas sur faire la différence, parce que au manque de réussite sont venues s’ajouter les décisions d’arbitres pas toujours en notre faveur à l’aller, franchement contre nous au retour. Mais j’apprends vite. La saison prochaine, croyez-moi, cela ne nous arrivera pas. Jamais plus nous n’encaisserons un but de la main. » Bernard Tapie, qui a racheté le club depuis 1986, fulmine à la fin du match. Mais il a compris qu’en plus du terrain, il fallait faire de l’OM plus qu’une équipe de football qui brille sur le terrain.
« C’était un match de très haut niveau puisqu’il y avait la finale de la coupe des Clubs Champions qui se profilait. Ca a été pour Bernard Tapie, une façon de voir que la coupe des Clubs Champions, aujourd’hui la Ligue des Champions se jouer sur le terrain mais se jouer aussi hors du terrain par l’histoire même du club, par la notoriété du club. Il est évident qu’il y avait des clubs qui étaient très forts, qui avaient une histoire très fortes en Coupe des Clubs Champions et qu’involontairement ou volontairement ça jouait sur l’environnement même d’un match », nous raconte Gerard Gili, l’entraîneur de l’OM de 1988 à 1990 puis de 1995 à 1997. Il garde aujourd’hui encore des regrets de cette demi-finale tant l’OM avait dominé au match aller. « Nous aurions pu inscrire un ou buts de plus dans la rencontre ». Au match aller, l’OM est au-dessus du Benfica, porté par un Enzo Franscescoli au sommet de son art. Et le Benfica d’en face est tout sauf une équipe moyenne. Déjà deux fois vainqueur de la coupe d’Europe (1961, 1962), finaliste en 1988, le club Portugais est un nom important sur la scène européenne.
Eric Di Meco est revenu à de nombreuses reprises sur cette confrontation. C’est lui qui était au marquage de Vata. Pour l’ancien défenseur marseillais, cette défaite est une pierre centrale à l’édifice de 1993. « J’ai l’habitude de dire qu’il fallait en passer par la main de Vata, par les penaltys de Bari pour connaître ce qu’on a vécu en 1993… Pour gagner cette compétition, il faut souffrir, et c’est vrai que ce soir-là, on avait souffert. Et je vais aller plus loin en disant que si on se qualifie en finale cette année-là, on ne gagne sûrement pas contre le Milan, et peut-être que trois ans après, on n’est même pas en finale« , a t-il déclaré chez nos confrères du magazine So Foot en marge du 1/4 de finale aller face au Benfica.
Correspondant pour RTL à cette époque, Jean-Louis Pacull, a suivi une grande partie de sa carrière de journaliste à Marseille le club phocéen. Contacté sur le sujet, il décrypte la prise de conscience du boss de l’OM après cette défaite. « Ce jour là, il a compris qu’en plus de « la loi du terrain », il y a avait tout un environnement en dehors, l’UEFA, les arbitres, un landerneau avec lequel il fallait se positionner. Tapie l’a vite compris. Le club doit être représenté par des gens qui en imposent dans le monde du football et faire partie le plus souvent du dernier carré de la compétition ».
Frantz Beckenbauer, une légende à l’OM
C’est ainsi que Bernard Tapie décide de frapper un grand coup dans le monde du football. Le président de l’OM fait venir Frantz Beckenbauer la saison qui suit. L’Allemand rayonne par son charisme et sa carrière. Il vient d’être champion du Monde à la tête de la Mannschaft (Coupe du monde 1990 en Italie) et fait figure de légende du football mondial avec deux ballons d’or à son actif (1972, 1976). Avec lui et même s’il reste peu à l’OM, le club prend définitivement une autre dimension. L’année suivante, l’OM est en finale de la compétition avant de la remporter en 1993.
« Il y a deux raisons à sa venue. La première est que Bernard Tapie vient d’acquérir Adidas et Beckenbauer est l’égérie d’Adidas. Deuxièmement, la coïncidence fait qu’il y a cet évènement et que tout simplement, il comprend qu’avec quelqu’un qui a une notoriété internationale, le club gagne immédiatement une dimension supplémentaire.
J’ai compris qu’il s’était acheté un morceau d’histoire supplémentaire. Il a fait un transfert qui fait que la notoriété de l’OM a immédiatement gravi des échelons. Beckenbauer avait gagné la Coupe du Monde, il était reconnu parce qu’il avait fait une grande carrière de joueur. Il était au même titre à l’époque qu’un Maradona, qu’un Pelé qu’un Cruyff. Donc à partir d’un moment qu’il venait sur Marseille il y avait forcément un coup de projecteur sur l’OM qui s’effectuait« , dissèque Gérard Gili sur la venue du « Kaiser » sur la Canebière.
Avec l’arrivée de la légende allemande, l’OM vient s’asseoir à la table des grands, aux côté du Milan, du Real Madrid et de tout ces noms qui font rêver quand on pense football et étoiles européennes. Et comme nous l’explique Gérard Gili, des noms qui ne laissent pas insensibles et qui pèsent sur les détails d’une rencontre. Que ce soit dans la tête des adversaires pour une « remontada » ou des arbitres au moment de prendre une décision : « Le petit détail est peut-être tout simplement que l’arbitre a tout simplement été toujours fou amoureux du Real Madrid. Quand il arbitre le Real de Madrid, il n’arbitre pas le Real de Madrid de la même façon qu’un autre club. C’est une influence humaine. Chacun a des idoles, chacun a des clubs favoris et quand il s’agit de les arbitrer, on a pas forcément les mêmes yeux que lorsqu’on arbitre un autre club. »
Face au Benfica, dans cette nuit terrible de 1990, l’arbitre n’était peut-être pas fan du Benfica, mais l’OM n’était pas encore assez grand pour peser sur tout les détails. Après ça, Tapie fera tout pour que son OM ne revive plus d’injustice. Tout et même un peu trop peut-être…
Rudy Bourianne
Rudy Bourianne est journaliste sportif. Passionné par le club phocéen et le sport en général, il suit notamment l’actualité de l’OM, de la Voile et de l’équipe élite water-polo du Cercle des Nageurs de Marseille pour Le Méridional.