Société – Les sapeurs-pompiers inquiets pour l’avenir de la Sécurité civile

C’est à Gardanne que s’est déroulée la 68è édition du congrès départemental des sapeurs-pompiers des Bouches-du-Rhône. Au-delà des animations grand public, l’avenir de la profession a été largement évoqué lors de l’assemblée générale.

« L’État doit s’engager pour que perdure la Sécurité civile française, et donc les sapeurs-pompiers. »

capitaine Bernard Schifano

A la tribune, de nombreux élus et représentants des sapeurs-pompiers étaient présents. L’occasion pour le capitaine Bernard Schifano, président de l’Union Pompiers 13, de faire passer quelques messages. Il a mentionné la loi Matras, du 25 novembre 2021, qui vise à consolider le modèle de sécurité civile tout en valorisant le volontariat des sapeurs-pompiers, ainsi que le livre blanc des 75 propositions en faveur du volontariat, en précisant que « sans les sapeurs-pompiers volontaires (qui représentent 80% des effectifs), il n’y aurait pas de sapeurs-pompiers professionnels. Les uns et les autres, nous sommes liés pour sauver la population ». S’adressant à Christophe Mirmand, préfet de région, il a mis l’accent sur les difficultés rencontrées par les sapeurs-pompiers : « L’État doit s’engager pour que perdure la Sécurité civile française, et donc les sapeurs-pompiers. Les sapeurs-pompiers sont au bout du chemin et les remercier une fois par an après des interventions de feux de forêt ou autres, ça ne suffit pas. Cet engagement, ce n’est pas pour acheter des camions car, si nous n’avons pas le personnel à mettre à bord, si nous n’avons pas des conducteurs de poids lourds, des chefs d’agrès, etc., ça ne sert à rien ».

L’État apporte ses financements

La réponse du préfet ne s’est pas fait attendre : « En vous entendant (évoquer le soutien financier de l’État, ndlr), je me suis demandé si, dans votre propos, vous ne prôniez pas pour une renationalisation* des services d’incendie et de secours (Sdis). Ce qui eut été un scoop ! ». Il a poursuivi en rappelant que, pour chaque euro investi, l’État apporte 7,4 centimes de subvention, sachant que les Sdis sont financés à 59% par les conseils départementaux et à 41% par les communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). A cela, s’ajoute les financements et la dotation globale de financement des collectivités pour permettre à celles-ci d’assumer une part importante de leurs responsabilités, parmi lesquelles le fonctionnement des sdis. Il a rappelé que les moyens aériens de la sécurité civile ont été accru en 2023 avec de nouveaux hélicoptères lourds, de nouveaux Canadair, des Air Tractor, etc. « Dans notre zone Sud de défense de sécurité civile, tous les ans l’État mobilise des moyens pour appuyer à la fois le travail que réalisent les ONF qui veillent aux obligations légales de débroussaillement, ainsi que pour accompagner les Sdis et dans leur politique d’équipement. Ce sont tous les ans 25 millions d’euros qui sont mobilisés dans cette perspective ».

« La force de notre nation réside en partie dans le dévouement de ceux qui choisissent de servir les autres.« 

Des gestes forts !

« Aujourd’hui, nous avons besoin de gestes forts. Avec la loi Matras, on devait créer un centre de traitement de l’alerte. Dans nos missions, nous nous déplaçons souvent pour rien. Si ce centre se créait, on gagnerait en temps et on économiserait de l’argent », a expliqué Bernard Schifano. Là encore, le préfet a répondu sur les moyens dus « pour réaliser les réseaux radio du futur qui seront progressivement déployés, en commençant par les Bouches-du-Rhône, et mis à disposition de l’ensemble des services qui contribuent à la mise en œuvre de la défense régalienne de secours des populations. Il y a aussi le dispositif NexSIS, pour le traitement de l’alerte, qui sera progressivement déployé au niveau national ». Des propos positifs et prometteurs qui seront suivis de près par les sapeurs-pompiers, notamment les volontaires.

Une situation alarmante

Le lieutenant-colonel Michel Santamaria, représentant le président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF), a dressé le constat du contexte actuel : « L’accessibilité aux soins est un baromètre essentiel de la santé publique d’un pays. L’offre de soins est aujourd’hui à bout de souffle, avec des médecins de plus en plus inaccessibles, des fermetures de Smur en augmentation et une saturation des urgences. Cette situation alarmante touche désormais la totalité de nos territoires. Le résultat ? Des temps d’attente et de transport accrus pour nos sapeurs-pompiers. Pourtant, il est réconfortant de constater que les solutions mises en Å“uvre par les Sdis depuis un quart de siècle – notamment le déploiement de véhicules légers infirmiers et de protocoles infirmiers de soins d’urgence – trouvent enfin écho auprès du ministère de la Santé ». Évoquant le volontariat, il a insisté : « La force de notre nation réside en partie dans le dévouement de ceux qui choisissent de servir les autres. La priorité de notre action est l’accroissement des effectifs de sapeurs-pompiers volontaires, indispensables pour relever les défis de l’accès aux soins et du climat. (…). La disponibilité des sapeurs-pompiers volontaires est au cÅ“ur de notre efficacité opérationnelle. Dans un monde où les besoins en matière de sécurité civile n’ont jamais été aussi élevés, nous devons repenser notre approche pour maximiser la présence de nos forces vives ».

*La départementalisation des services d’incendies et de secours date de 1996.

Une mobilisation qui paye

Durant l’été 2023, il y a eu « seulement Â» 230 hectares brûlés dans le département des Bouches-du-Rhône, alors que près de 2 000 départs de feux de forêt ont été recensés. 95% des feux sont éteints avant qu’ils n’aient détruit cinq hectares.

Martine Debette

Photos M.Debette