Société – Dans les coulisses de la sécurité du Pape, entretien avec Georges Gaspérini

Après la venue historique du Pape François à Marseille, Le Méridional s’est entretenu avec Georges Gaspérini. Hier, commissaire central de Marseille, aujourd’hui commissaire divisionnaire honoraire. Dans la visite du souverain pontife, il faisait partie du réseau qui avait en charge les relations entre les services de police et les services de sécurité. Il nous livre les secrets de la sécurité mise en place pour cette venue exceptionnelle.

Georges Gasperini commissaire divisionnaire honoraire, à gauche du Cardinal Jean-Marc Aveline de Marseille au centre de la photo

Le Méridional – pouvez-vous détailler ce dispositif qui a été mis en place ?

Georges Gaspérini : C’est relativement simple, tout commence il y a 3 ou 4 mois lorsque la visite du pape François a été officialisée. Au niveau de l’archevêché, on a d’abord demandé aux bénévoles de s’inscrire pour aider a gérer cet évènement. On a eu 2 400 bénévoles qui l’ont fait. Il y a eu 2 pôles l’un dirigé par l’amiral Garnier qui était commandant des marins-pompiers de Marseille. Il avait pour objectif de préparer la visite du Pape, surtout dans les aspects logistiques. Sous l’autorité du général Marc Leveque, qui a été général du groupement de gendarmerie, et était assisté de commissaires de police, dont j’étais moi-même ainsi que mon collègue Bernard Reymond-Guyamier, il y a avait le pôle dont l’objectif était de faire la liaison entre la préfecture et les services de sécurité. De manière à ce que les deux services (sécurité et archevêché), soient en phase sur le programme du Pape, et surtout quant à la sécurisation de la visite du Pape dans la cité phocéenne.

Le Méridional – lorsque l’on parle de sécurisation d’un tel évènement, parle-t-on uniquement de la personne du Pape ou y a-t-il d’autres paramètres à prendre en compte ?

Georges Gaspérini : D’abord concernant le Pape, il y a toujours des possibilités d’attentats ou des manifestations. Ensuite, il faut prendre en compte toutes les personnes autour. Et toutes les manifestations durant cet évènement, particulièrement la messe au stade Vélodrome parce que c’est là qu’il y a eu le maximum de personnes présentes. Il y a aussi eu des questions de transports à savoir : où le Pape se déplacerait ? de quelle façon ? sur quel itinéraire ? Il y a eu des questions de circulations, pour savoir où couper la circulation, quel moment à quel moment… Tout cela devait être discuté entre l’archevêché, et les services de police. Nous nous devions être l’interface entre les deux organisations, pour annoncer à la police ce que voulait faire le diocèse et ce que pouvait faire la police pour que la visite du pape se passe le mieux possible.

Le Méridional – Y a-t-il eu des choses qui ont été refusées par les services de sécurité ? Ou inversement ?

Georges Gaspérini : Disons que souvent des choses ont été acceptées par les services de police parce qu’au départ la visite du pape était limitée à une journée, même plus que ça, à une matinée. Il devait arriver tôt le samedi matin, il devait clôturer, les rencontres Méditerranéennes , avec les évêques et les jeunes de l’arc méditerranéen qui étaient au palais du Pharo. Une fois fait, il devait repartir pour Rome.

C’est à la demande du cardinal Aveline que le Pape a accepté de faire une messe dans l’après-midi, rendant donc la visite autrement plus compliquée. Comme la journée était courte, il a été accepté que le Pape puisse arriver le vendredi en fin d’après-midi, pour intégrer la cérémonie pour les migrants et celle du samedi matin pour les gens les plus démunis dans le quartier de Saint Mauront.

Si vous voulez, tout cela a été proposé par le cardinal de Marseille, accepté par le Vatican, après la question était de savoir ce qu’allaient répondre les pouvoirs publics. Et à cela s’est rajoutée la venue du Président Macron…

Le Méridional – Ce qui a complexifié le dispositif, j’imagine ?

Georges Gaspérini : Bien entendu ! Parce que vous aviez imaginé qu’il y avait un dispositif dans lequel il y avait d’un côté le diocèse, représenté par l’archevêque et tous les bénévoles et ses deux pôles : logistique et rapports avec les services de police.

De l’autre côté, il y a eu les services de police de Marseille avec la préfète de police. Il y a eu les services de l’Élysée pour la protection du Président de la République, et les services du Vatican, pour la protection du Pape François. Vous imaginez le nombre de réunions en amont de l’évènement, le nombre préparatif, et tout cela a été modifié jusqu’au dernier moment, comme toujours dans ce type de visite.

Le Méridional – qu’est-ce que font concrètement les bénévoles dans ce type de dispositif ?

Georges Gaspérini : Ils aident énormément, au niveau de l’accueil dans les trois phases : La visite du Pape à la Vierge de la Garde. La visite au palais du Pharo, enfin la messe au stade Vélodrome. Dans toutes ces phases, il faut accueillir les personnes qui se présentent à ces évènements.

Bon à la Vierge de la Garde c’était plus simple parce qu’il y avait que le clergé de Marseille, comme le grand Rabbin, des imams, mais il fallait vérifier l’identité des personnes qui les accompagnaient. C’est à ce moment que les bénévoles interviennent. C’est la même logique pour le Palais du Pharo, et pour le stade Vélodrome.

« Au total, de l’arrivée à Marignane jusqu’au Vélodrome, on parle de 5 000 fonctionnaires. Et 2 400 volontaires. »

Le Méridional – Pour les différents services de sécurité, j’imagine qu’il y a eu aussi des attributions spécifiques ?

Georges Gaspérini : Tout à fait. Pour les services de Police, il y a eu la sécurité du Pape et du Président de la République, le RAID était positionné, aussi bien à la Vierge de la Garde, qu’au Palais du Pharo, de façon à protéger, en cas d’attentat ou de risque terroristes. La police nationale et municipale ont été déployées pour la circulation, c’est un rôle crucial, car il fallait que les convois arrivent sans encombre d’un point A à un point B. Ces services étaient présents à l’extérieur du stade Vélodrome, et à l’intérieur c’est la société « Onet » qui assurait la sécurité.

Le Méridional – Vous estimez à combien le nombre de personnes dédié à la sécurisation de cet évènement ?

Georges Gaspérini : Au total, de l’arrivée à Marignane jusqu’au Vélodrome, on parle de 5 000 fonctionnaires. Et 2 400 volontaires.

Le Méridional – Ce qui est beaucoup selon vous ?

Georges Gaspérini : Ce qui est beaucoup et en même temps indispensable pour un évènement qui était à tous les points de vue historiques et qui s’est remarquablement bien passé.

Le Méridional – C’est ce que j’allais vous demander, est-ce qu’il y a eu des incidents durant cette visite du Pape ?

Georges Gaspérini : Véritablement, non. Le seul « micro-incident » ça a été une personne dans le stade Vélodrome qui durant le tour du souverain pontife a lancé un propos offensif vis-à-vis du Pape, et qui a été interpellé par les hommes du Vatican. C’est le seul problème qu’il y a eu en 24h. En somme il n’y a rien eu en négatif. Grâce à un gros travail en amont, des services de l’archevêché et des services de Police nationale.

Le Méridional – Pour vous, y a-t-il des moments de tensions ?

Georges Gaspérini : Effectivement il y a eu en amont, beaucoup de travail pour savoir qu’il fallait faire de plus ou de moins. Durant tout cet évènement, il y a eu que des volontés pour que les choses se passent au mieux. C’est ce qui est arrivé, donc ça a beaucoup atténué les tensions.

Propos recueillis par Léopold Aubin