C’est dans les Jardins d’Albertas, à Bouc-Bel-Air, que la Fédération des promoteurs immobiliers de Provence (FPI Provence) a fêté le 50è anniversaire de la FPI et la 20è édition des Pyramides d’Argent. L’occasion de faire un point sur le contexte de la profession.
Devant un parterre de quelque six cents professionnels de l’immobilier, de la construction, des élus et des institutionnels, etc. les six présidents qui se sont succédé à la tête de FPI Provence ont remonté le temps. Philippe Roux (2001-2007) a souligné que « être promoteur est un métier de chef d’orchestre qui doit savoir s’entourer de gens de qualités. On ne fait rien, mais on anime tout le monde ». Patrick Alary (2008-2013), a mis l’accent sur « cette année 2008, année d’une grosse crise financière. Le marché France est passé de 125 000
logements en 2007 à 76 000 logements en 2008 », ainsi que sur « les recours de tiers qui enlisaient notre production ». Quant à Stéphane Pérez (2014 – 2019), il entrevoit « un avenir chargé de nuages noirs et d’énormes turbulences. Ça va être compliqué, mais ne lâchez rien ». Des nuages qui n’ont pas échappé à Arnaud Bastide, président depuis le 10 novembre 2021 : « 708, c’est le nombre de réservations de logements enregistrés durant le premier trimestre 2023 sur la métropole, le plus bas depuis dix ans, alors que l’objectif annuel a été fixé Ã
11 000. A ce rythme, nous finirons l’année à 3 000 réservations. Pour Marseille, c’est 296 réservations, chiffre le plus bas depuis dix ans. Pour Aix-en-Provence, seulement 98 réservations. Notre profession fait face à une crise inédite et douloureuse pour les habitants qui ont toujours plus de mal à se loger à des prix raisonnables ». Sa satisfaction ?
« La métropole dispose enfin d’un plan local de l’habitat (PLH) qui donne un cap, une règle du jeu »
Yvan Cordier, secrétaire général de la préfecture des Bouches-du-Rhône, représentant Christophe Mirmand, préfet de région, a mis en avant « l’acte de construire qui est essentiel à notre société. (…). L’approbation du PLH par le conseil métropolitain est une véritable volonté collective. Le chiffre de 11 000 logements par an est ambitieux. Il correspond aux besoins du territoire. L’État, qui consacre 38 milliards d’euros par an au logement, est conscient de la crise du logement. Il est conscient que parfois certaines politiques peuvent être perçues, à tort, comme des injonctions contradictoires. Il est conscient que le nombre de permis de construire n’a jamais été aussi bas. Construire des logements est essentiel. Parfois on l’oppose à d’autres politiques de l’État. Le principe de la zéro artificialisation nette, un terme un peu barbare, est un sujet central parce que lutter contre l’étalement urbain, maîtriser notre volonté d’urbaniser, limiter les coûts collectifs et individuels de l’étalement urbain sont essentiels ».
Remise des Pyramides d’Argent
Après les discours, place à la remise des prix au huit lauréats des Pyramides d’Argent. Ce concours distingue des programmes immobiliers régionaux, toutes catégories confondues, dont le but est de promouvoir la qualité, l’innovation et le savoir-faire, tant dans la construction de logements ou l’immobilier tertiaire, de promoteurs adhérents de la FPI Provence. Si 40 programmes et 18 promoteurs étaient en lice, le programme considéré comme le meilleur projet ou réalisation, est Seconde Nature qui remporte le grand prix régional 2023. Situé dans les quartiers sud de Marseille et implanté sur le site d’une ancienne clinique privée, ce programme est porté par le promoteur Ogic et est signé par l’architecte Renaud Tarrazi, cabinet MAP architecture. Livré fin mars 2023, il compte 397 logements, quatre commerces, une crèche, une conciergerie, un espace de rassemblement, un espace public et des jardins partagés. Il est pensé pour préserver et améliorer le patrimoine naturel, en adéquation avec les objectifs de la loi zéro artificialisation nette. Comme tous les projets régionaux lauréats de la Pyramide d’argent, il briguera la Pyramide d’or lors de la rencontre nationale, à Paris, en fin d’année.
Les sept programmes récompensés sont :
Pyramide de l’innovation industrielle : Elaïs à La Ciotat, promoteur Sogeprom, architecte Atelier Empreinte,
Pyramide de l’immobilier d’entreprise : Mirabeau à Marseille, promoteur Bouygues Immobilier & CMA-CGM, HW architecture,
Pyramide de l’impact sociétale : Domaine de la Véraison à La Crau, promoteur Immalliance et Ekinov, MAP Architecture,
Pyramide de la conduite responsable des opérations : Envy à Marseille, promoteur Pitch Immo, architecte ANMA,
Pyramide du bâtiment bas carbone : résidence Malana à Marseille, promoteur Bouygues Immobilier, atelier SCG2C,
Pyramide rénovation-extension-réhabilitation 2023 : Le Parc des célestins à Avignon, promoteur Cogédim Provence, Match et Hayet architectes associés,
Pyramide du grand public : Jardin Emy à Marseille, promoteur Pitch Immo, Archipole Sud Didier Roche.
La FPI Provence :
Elle couvre les départements 04, 13, 83 ouest et 84. Elle regroupe une quarantaine de promoteurs immobiliers qui représentent plus de 70% de l’ensemble des ventes de logements neufs privés hors maisons individuelles en secteur diffus. Les promoteurs réalisent environ 70% des logements sociaux pour le compte des bailleurs sociaux.
Trois questions à Arnaud Bastide, président FPI ProvenceÂ
Le Méridional : Comment se porte la promotion immobilière ?
Arnaud Bastide : Nous vivons une crise majeure et très profonde qui se caractérise par une crise de l’offre et une crise de la demande. L’offre, car depuis de très nombreuses années, nous n’avons pas assez de permis de construire pour proposer tous types de logements : primo-accédants, en accession, pour les investisseurs, et sociaux. Je rappelle que 70% des logements sociaux de la métropole sont réalisés par les promoteurs immobiliers. La crise de la demande est due aux taux bancaires qui ont explosé en un an. Pour les accédants à la propriété, cela a obéré d’à peu près 25% la capacité d’emprunt. Dans le même temps, on est en train de dégrader fortement l’attractivité des lois de défiscalisation, comme le Pinel. Et un investisseur, qu’il soit privé ou institutionnel, s’il trouve que ce n’est pas rentable, il n’investit pas. Et aujourd’hui, ce n’est plus rentable. Nous assistons donc une fuite de nos investisseurs. Comme les gens ne peuvent plus se loger dignement à des prix normaux, ce que nous craignons, si on n’y fait pas attention, c’est que cette crise majeure puisse conduire à une crise sociale.
Qu’en est-il du marché marseillais ?
Depuis trois ans, il a vécu sur très peu de délivrances de permis de construire. Le point positif est que, lors des états généraux du logement, on a senti que le maire et ses équipes avaient vraiment envie de muscler la politique du logement. On verra ce qu’il se passera. Ce qui est important, ce sont les chiffres. Le maire a affiché des ambitions, très louables, de faire 4 500 logements. Mais nous, sommes un peu comme Saint Thomas, nous prenons l’augure de ce que l’on nous dit et nous attendons de constater les actes.
Quel regard portez-vous sur les cinquante ans de la FPIÂ ?
Ces 50 années nous donnent des droits. A commencer par celui d’être consultés, voire, rêvons un peu, tout simplement d’être écoutés. Les expériences passées des crises : 1994, 2007, notre connaissance du marché, le poids économique de nos structures, l’activité générée par la profession sur l’ensemble de l’écosystème et, tout simplement, l’impact sur nos vies que conditionnent nos réalisations, tout ceci justifie, me semble-t-il, que notre voix porte davantage et que notre analyse, plus souvent réclamée, soit suivie par les pouvoirs publics. Cette ancienneté donne des devoirs, comme accepter de nous remettre en cause, ne jamais considérer la promotion comme une activité figée, refuser de dire que c’était mieux avant et, naturellement, répondre aux nouvelles exigences de notre temps.
Martine Debette