A la veille de la 7e édition du festival, dans un entretien exclusif pour Le Méridional, Nicolas Nal, co-fondateur de l’événement « Du Son au Balcon », retrace l’histoire et l’évolution de cette soirée électro qui a vu le jour à Salon-de-Provence. De ses débuts modestes en 2015 à sa montée en puissance, il évoque les défis, les collaborations et l’impact économique de l’événement sur la ville. Une plongée dans les coulisses d’un festival qui a su conquérir tout le pays Salonais.
Le Méridional – Il s’agit de la 7e édition de l’événement, Du Son au Balcon, comment s’est construite cette soirée ?
Nicolas Nal : C’est une longue histoire, enfin plutôt une longue réflexion. En 2015, nous étions 3 à avoir fondé l’association. 3 jeunes de Salon-de-Provence, on a grandi, étudié là-bas, et on s’est toujours dit qu’il manquait quelque chose… En 2014, il y a l’élection d’un nouveau maire, David Isnard. Il avait la volonté de dynamiser la ville, notamment autour de la jeunesse et quand on a vu ça, on a voulu organiser une soirée électro. Après le maire avait l’ambition de faire un gros évènement pour clôturer l’été, juste avant la rentrée. Du coup on s’est rencontré, et l’idée au mois de Mars 2015 est sortie. En juin de la même année on crée l’association, et la première édition s’est faite en août 2015. C’est pour cela que je vous disais qu’il s’agissait d’une longue réflexion, mais dans la mise en œuvre ça a été plutôt très rapide.
La première année, s’est posé la question du lieu. On savait qu’on voulait des DJ, et de la musique électro, donc c’est du matériel trouvable facilement, mais la question qui suivait, c’était le lieu. A partir de ce moment, on s’est interrogés sur des lieux plus classiques comme la place Morgan, ou un stade de football, mais on a préféré casser les codes en trouvant un lieu atypique. Au fil des discussions, la mairie a été évoquée, puisque le maire voulait réveiller la ville, et nous qui voulions faire un évènement inhabituel, la cour du château de l’Empéri est trop petite, on s’est demandé pourquoi pas la mairie.
Le Méridional – Ça a été d’un commun accord ?
Nicolas Nal : Au début on a dit qu’on était fou, que ça ne marcherait jamais, jamais il y aurait des DJ qui mixeraient au balcon, on nous a trouvé toutes les excuses de la terre : un coup c’est trop petit, un coup c’est pas fait pour… On a tous les problèmes que vous pouvez imaginer, jusqu’à qu’on nous dise qu’on pourrait le faire.
La première année on n’avait pas grand chose en terme de budget. On avait des vidéoprojecteurs avec toiles tendues sur le côté de la mairie, on avait une toute petite scène devant… Quand on voit les photos sur les réseaux sociaux ou dans la presse c’était… un tout petit évènement.
Le Méridional – Et aujourd’hui l’événement a pris beaucoup plus d’ampleur comment avez-vous construit la réputation Du Son au Balcon ?
Nicolas Nal : La première année c’était compliqué… En plus nous ne venons pas de l’événementiel, on a tous des métiers à part, on est tous bénévoles dans l’association et nous n’en vivons pas. Pour respecter l’esprit il fallait que nous respections que nous soyons salariés de l’association. N’étant pas de ce monde, il a fallu que nous trouvions quelqu’un qui est du métier afin qu’il puisse nous aider, et qu’il puisse nous donner les codes. C’est comme ça qu’on a tissé un lien assez étroit avec une société de booking qui est spécialisée dans la mise en relation entre les artistes et les sociétés qui veulent faire des événements.
On s’est rapproché d’un booker qui est du pays Salonais, un vieux routier si je puis dire de ce genre d’évènement, et il a accompagné pour avoir les bons codes de la profession, parce que c’est véritablement un monde à part. Comme la première année on n’avait pas d’argent, bah il nous fallait des idées. On s’est dit que si on voulait que ça marche et que les gens viennent, il faut une tête d’affiche, parce que Du Son au Balcon en 2015 personne ne connait. Le booker, nous a indiqué que la meilleure solution c’est d’être à l’affut des jeunes qui montent. Il faut faire un pari sur un artiste qui n’est pas connu au moment où on le book, au mois de février-mars du coup, qui n’est pas connu du public donc qui a un prix abordable, mais qui va percer au mois de juin-juillet, donc ça tombe bien pour la ville de Nostradamus *rire*.
C’est là que le booker a été d’une très grande importance parce que lui est à l’affût véritablement de tous les signaux faibles. Alors que nous, en tant que profanes du métier on a pas tous ces signaux faibles. C’est de cette manière que sur les deux premières années on a eu : Feder en 2015 et Kungs en 2016 à une approche tarifaire intéressante pour nous. L’artiste est content de venir parce que ça lui fait une date sur un évènement et nous, on était content parce que c’était un tarif abordable, ce qui n’est pas négligeable. Typiquement pour Kungs, le tarif entre le moment où on l’a booké et l’évènement a été multiplié par 4 ou 5 je crois, et pareil pour Feder. C’est de cette manière qu’on a construit un public. Puis ça a fait, effet boule de neige. La troisième année il n’y avait plus besoin d’expliquer ce qu’était l’évènement.
Le Méridional – Qui sont les personnes que vous attirez au Son au Balcon ?
Nicolas Nal : C’est une bonne question parce que on s’est penché dessus il y a quelques semaines, en lisant les statistiques des réseaux sociaux. Le portrait du festivalier type c’est : une femme qui a entre 25 et 35 ans, et qui habite le pays Salonais, donc 15 kilomètres autour de Salon, mais pas forcément Salon. Ensuite les 20% qui ne sont pas de Salon ou du pays Salonais viennent en général de 50 à 100 kilomètres autour de la ville, mais ce public vient plus chercher l’artiste.
Le Méridional – En terme de dimension est-ce qu’il y a une progression constante ou cela stagne à cause du lieu ?
Nicolas Nal : Nous on ne court pas après les chiffres. On veut un concert de qualité, donc on ne veut pas qu’il est trop de monde non-plus. Sinon on a trop de public l’expérience du festivalier est dégradée, y a un rien de plus insupportable que ne pas pouvoir naviguer dans les rues. Du coup on régule le nombre par une chose assez simple, par les artistes. Forcément si vous faites venir David Guetta ça va être l’émeute. Donc on va avoir des artistes de qualité nationale voir internationale, mais qui n’ont pas une réputation mondiale, comme un DJ Snake ou Tiësto par exemple…
Le Méridional – Pourtant vous avez eu Vladimir Cauchemar ?
Nicolas Nal : Oui avez raison c’est une pointure, mais ça reste pour un public d’initié. Je pense que si vous demandez à un public qui a 40 ans qui n’est pas familier de la scène électro, ça ne va pas trop lui parler. En revanche un quarantenaire il saura qui est David Guetta.
Le Méridional – Connaissez-vous le nombre de festivaliers qui viennent assister au concert ?
Nicolas Nal : Nous on a une jauge max qui est entre 20 et 25 000 personnes sur l’ensemble du périmètre et depuis 2 ans on essaie de s’y tenir. L’année dernière au pic on était à 20 000 personnes et cette année on devrait être dans les mêmes proportions. D’ailleurs le périmètre est assez large puisqu’il regroupe, la scène sur la quelle on fait rentrer du monde, et l’enceinte du festival où il y a des endroits pour se restaurer, des bars, des restaurants. Dans l’enceinte on rentre 20 000 personnes, et sur la scène en statique on est environs à 10 000 personnes. Puis, la police connaît le nombre avec le nombre de mètres carrés, c’est 3 festivaliers par mètres carrés et comme la place devant la mairie fait 4 000 mètres carrés… donc sans le mobilier on tombe à cette jauge.
Le Méridional – Est-ce que le festival est profitable économiquement aux riveraines ?
Nicolas Nal : Ça fait parti des objectifs ! On travaille énormément avec le pôle économique qui est l’entité publique qui accompagne les entreprises, et avec la Fdacom qui est l’association qui fédère l’ensembles des entreprises du pays Salonais. On travaille beaucoup avec eux pour connaître les retombées économiques chiffrées, surtout avec les bars et la restauration de façon générale. Ce qui fonctionne pour Du Son au Balcon, c’est qu’il a des gens qui viennent pour la journée, notamment ceux qui viennent de loin, comme ils arrivent le matin, ils consomment sur la ville. L’hôtellerie fonctionne aussi très bien, le soir et la veille du festival. De même pour les bars. On a pas d’éléments chiffrés, parce que ça ne regarde que les entreprises, en revanche ce qui est intéressant, c’est qu’ils nous affirment que c’est le plus gros week-end sur leur saison, en fréquentation mais aussi en chiffre.
Comme je le disais, ça fait partie des objectifs du festival. Comme il n’y a que deux solutions pour financer un festival : la billetterie ou la finance publique, car il y a un objectif culturel et économique derrière l’événement. Aujourd’hui la ville considère Du son au Balcon comme un évènement d’ampleur, et d’ailleurs on aurait pu faire payer l’évènement au public, mais la ville a refusé parce que le festival était attendu par tout le pays Salonais. En plus de cela, on a atteint une réputation nationale puisque on est référencé dans certains guides touristiques. Et le dernier argument pour garder la gratuité, c’est évidemment l’aspect économique pour les entreprises de Salon-de-Provence.
Le Méridional – La finance publique est l’unique source de financement du festival ?
Nicolas Nal : Non, on travaille aussi avec les associations d’entreprises. On a donc un espace partenaire, enfaite on vend le droit d’accès à cet espace, qui est dédié aux rencontres professionnelles. Cela permet aussi de financer l’évènement. Donc on est pas uniquement sur un modèle de financement public.
D’ailleurs tout le territoire se mobilise, parce que les entreprises ont conscience que ce type d’évènement qui fait rayonner la ville est important. Une ville attractive ça veut dire que les gens viendront plus facilement à Salon et que l’économie et donc l’emploi se porteront mieux. On est ravis qu’une vingtaine d’entreprises soient partenaires de l’association et donc financent l’évènement.
Le Méridional – Dans l’histoire du festival les relations avec la mairie ont toujours été bonnes ?
Nicolas Nal : Oui, c’est indispensable. Sans la mairie, et surtout les employés de la mairie, parce que les élus insufflent une direction, mais sans ces employés, on peut rien faire. Ils sont contents et heureux de travailler sur l’événement, que ça soit la police municipale, ou les services techniques, même le DGS, le directeur général des services de la ville de Salon, nous a mis à disposition son bureau pour faire une loge pour les artistes. On commence à travailler sur l’événement à partir de novembre, et on travaille toujours en étroite collaboration avec la mairie.
On mène aussi une grosse campagne d’information auprès les riverains. Puis on joue le jeu aussi, on coupe assez rapidement, 1 heure du matin c’est la limite ultime, à 1 heure pile on coupe. On sait que la ville ne nous appartient pas, on nous la prête, la place de la ville, le balcon, donc on doit respecter, nous en tant qu’organisateur, l’environnement.
Propos recueillis par Léopold Aubin