Le 17 juillet l’annonce est tombée, la langue provençale annoncera prochainement les stations de métro aux usagers de la RTM. Cette décision de la métropole est l’occasion de revenir avec Jean-Michel Turc, conseiller municipal dans la ville de Marseille et la future voix de ces annonces mais l’acteur de principal de cette nouveauté, sur l’importance de la langue et la culture provençale.
Le Méridional – Qu’est-ce qui a motivé l’annonce des noms provençaux des stations de métro à Marseille ?
Jean-Michel Turc : Ce projet vient de ma pugnacité. Je l’avais en tête avant d’être élu, parce que cela se faisait déjà ailleurs… À Toulouse depuis 2010 et à Nice dans les transports aussi… J’ai envie de dire aujourd’hui que cela arrive à point nommé, au moment où nous nous préparons pour trois événements planétaires : la visite du Pape à Marseille, la Coupe du Monde de Rugby, et l’année prochaine les J.O avec les épreuves de voile qui vont se dérouler ici.
C’est dans un esprit très républicain aussi, car il est rappelé dans la constitution que les langues et cultures régionales font pleinement partie du patrimoine français, et nous sommes dans cette lignée. La loi Molac n’a fait que renforcer, notamment dans l’affichage public, ce bilinguisme. De manière très symbolique, cela plonge les centaines de milliers d’utilisateurs du métro, touristes ou néo-arrivants, dans une langue qu’ils n’ont jamais entendue : le Provençal, la langue originaire de Marseille, capitale de la Provence.
Le professeur de Provençal que je suis a souhaité valoriser la langue régionale, en partage, car je ne suis pas le porte-parole d’une pseudo-communauté, mais le but est de faire entendre les origines de Marseille. C’est précisément ce qui va se passer puisque, quand les gens des quatre coins du monde viendront à Marseille, dans cette ville-monde, ils y entendront les 150 langues qui y sont parlées, dont le Provençal.
Le Méridional – Il s’agit donc d’une affirmation d’identité ?
Jean-Michel Turc : Oui ! On affirme une identité, car le travail de personnes comme moi, qui cherchent à valoriser un lieu, un espace, c’est dans toutes ses dimensions : le patrimoine naturel, culturel, mais aussi linguistique. C’est toujours un peu dangereux de parler de revendication ou de militantisme, car cela retire la noblesse qui est dans la valorisation du patrimoine. Donc, oui, on affirme l’identité de Marseille, comme ville-monde, mais aussi dans ses origines qui remontent à très loin, avec par exemple le mythe de Protis et Gyptis… Le but n’est pas d’affirmer que Marseille est seulement provençale.
Marseille est provençale pour qui veut partager cette culture. Cela a été tout mon travail pendant mes années d’enseignement auprès de ces élèves issus de cette fameuse « diversité » : d’où que vous veniez, quelle que soit votre religion, en y habitant, on va vous donner les clés de compréhension de ce territoire, notamment par la langue régionale qui est fondamentale pour comprendre d’où viennent les mots : Canebière, le nom du quartier « Les Crottes », les calanques, etc.
Le Méridional – Y a-t-il d’autres projets pour promouvoir la culture provençale à l’échelle municipale ou métropolitaine ?
Jean-Michel Turc : Personnellement, c’est plus avec la métropole que je pourrais œuvrer, même si j’espère que le maire de Marseille continue de nous prêter une oreille attentive. Les projets municipaux, c’est une chose, mais je n’ai pas la main dessus.
En revanche, à la métropole, j’ai une oreille attentive et une main bienveillante pour d’autres projets au niveau métropolitain. Le premier étage de la fusée, c’est le projet des rames de métro qui est encore en rodage, mais qui sera systématisé dès les prochaines rames. Ensuite, ce sont les trams qui devraient suivre. Enfin, l’ensemble des transports des 92 communes de la métropole devrait changer leurs annonces. Voilà pour l’immédiat.
Ensuite, nous devrions continuer dans le sens de la loi MOLAC, avec le double affichage dans la signalétique publique. Nos villes ne sont pas orphelines d’une culture locale, bien au contraire.
Le Méridional – En tant qu’élu, avez-vous un retour positif des Provençaux sur cette promotion de la langue régionale ?
Jean-Michel Turc : Si on se réfère aux articles de presse de vos confrères, il y a énormément de bienveillance et d’accueil positif face à ces changements. C’est le but, d’ailleurs, parce que cela ne coûte rien, je fais cela à titre gracieux, pour éviter l’impression qu’il pourrait y avoir du copinage. C’est un acte qui rend le Provençal plus présent dans le domaine public, donc l’accueil est très positif. En revanche c’est amusant, car très souvent, les personnes qui viennent nous affirmer que le Français est plus important le font avec des fautes d’orthographe, ce qui montre leur intérêt pour la langue.
Le Méridional – Nous l’avons déjà rapidement évoqué, mais est-ce que la mairie et la métropole mettent suffisamment de choses en place pour la promotion de la langue provençale ?
Jean-Michel Turc : Écoutez, j’attends de voir ce que la ville et sa nouvelle administration vont mettre en place… Je reste animé par cette volonté d’œuvrer pour la transmission. Je travaillerai avec qui veut vraiment travailler, notamment la mairie centrale. Mais je sais aussi qu’il faut attendre le bon moment pour mettre le bon projet en place. Attendons de voir, mais déjà, la mairie devrait afficher le nom provençal des quartiers, ce qui est une très bonne chose. Je vois d’un bon œil la surenchère entre communes, tant que la culture avance.
Le chantier est énorme pour nos jeunes, car je reste convaincu de l’importance des langues locales. Cela aurait été possible, notamment dans les écoles expérimentales, avec l’imposition d’une heure par semaine de langue régionale, et c’est déjà énorme. Car nos jeunes retiennent les chants par exemple, et cela crée de la cohésion. C’est un facteur magnifique d’intégration pour ceux, pour qui cela n’aurait pas été transmis par la famille, et une réintégration pour ceux dont la famille est provençale mais qui n’a pas eu à cœur de transmettre ces traditions. Je reste dans cette logique.
C’est dans cette même veine qu’avec la maire, Marion Bareille, nous avons réalisé le tout premier mariage bilingue Français-Provençal dans le 13e/14e arrondissement. Ce sont des choses très positives selon moi.
Le Méridional – Que pourrait faire le gouvernement pour les langues locales ?
Jean-Michel Turc : Je ne suis pas député, mais j’espère que le bon gouvernement, celui qui œuvre pour les langues régionales, de la même manière qu’il faut imposer dès la primaire une heure de secourisme par semaine (c’est vous dire si j’ai les pieds sur terre), de la même façon, partout en France, il faut qu’il y ait des enseignements de langue et de culture régionales. Cela permet à ceux qui arrivent de connaître la proximité, les plats, les fêtes, les chansons, les histoires locales, donc d’apprendre une nouvelle richesse et de ne pas enfermer cette culture dans une sorte de folklore passéiste et de s’intégrer au territoires.
Propos recueillis par Léopold Aubin