Le Handi Sud basket s’est déplacé dans l’enceinte de l’Ecole libre de Métiers pour une journée de démonstration et sensibilisation auprès de jeunes collégiens et lycéens, ce jeudi. L’occasion d’en savoir plus sur ce club ainsi que sur son président et ancien joueur Ouahid Boustila.
Le Méridional : Quel sont les objectifs de ces représentations dans les établissements scolaires ?
Ouahid Boustila : Il y en a plusieurs. Le premier, c’est que l’on soit défrayé : cela fait rentrer un peu d’argent au club et ce n’est pas négligeable contenu des difficultés que l’on rencontre pour financer l’équipe. Ensuite c’est de montrer notre sport et de bien faire comprendre aux jeunes qu’on est de vrais sportifs à part entière. Enfin c’est de faire de la prévention. Moi je suis né handicapé, donc je n’ai pas eu la chance de sauter courir comme tout le monde et « j’ai les boules » quand je vois des jeunes arriver chez nous à cause des accidents de trottinettes ou scooters. Donc, quand on fait ce genre de représentation, je demande toujours à ce qu’on puisse disposer d’au moins cinq à dix minutes pour parler de ces dangers. J’essaie, à mon petit niveau, de leur faire passer le message de faire attention lorsqu’ils se déplacent en portant un casque sur leurs trottinettes ou scooters car tout peut aller très vite et les accidents sont irréversibles.
LM : Comment avez-vous découvert le handibasket ?
O.B : Il y a de nombreuses années maintenant, on était quatre copains de Marseille et on a découvert une sensibilisation au basket. On était tous handicapés et on ne se connaissait pas On a ainsi commencé à discuter et à apprécier ensemble ce sport. Puis on est allé s’entrainer à Hyères et on a intégré l’équipe.
LM : Qu’est que vous a apporté la pratique de ce sport ?
O.B : Moi tout, cela a changé ma vie. Depuis tout petit, j’ai un fort caractère et j’ai toujours voulu être quelqu’un de reconnu. Grâce à un entrainement acharné, j’ai tout atteint et réussi mon objectif. J’ai tout gagné dans ma carrière avec l’équipe de France : on est resté 10 ans sans perdre un match, j’ai été élu meilleur joueur plusieurs fois. Ce sport m’a ouvert des portes, m’a permis de rencontrer ma femme, de voyager, d’apprendre des langues (aujourd’hui je suis polyglotte) et de m’ouvrir à d’autres cultures. Quand on dit que le sport est fédérateur et qu’on peut faire beaucoup de chose avec, c’est vrai. Pourtant je n’étais pas forcément prédestiné à parler des langues, à avoir une culture générale développée etc…
LM : Comment vous est venue l’idée de créer le club Handi Sud Basket ?
O.B : Il y a 35 ans, on a monté ce club à Marseille entre copains alors qu’on ne connaissait rien à la gestion d’un club. Pour arriver à réaliser ce projet à terme, on a pris exemple sur le club de Hyères. Sauf que ce dernier était déjà dans l’élite, donc quand on a compris qu’on ne pourrait pas développer le club à un tel niveau au départ, on s’est dit qu’on le montait pour permettre à des jeunes à Marseille de venir s’amuser.
LM : Les prix de fauteuils adaptés à la pratique sont assez chers (entre 500 et 3000 euros), comment à ce moment-là , arrivez vous à vous en procurer suffisamment ?
O.B : A l’époque, quand j’étais en équipe de France, chaque année on nous donnait un fauteuil neuf et moi tous mes fauteuils je les ai cédé à l’équipe de Marseille. C’est comme ça, pendant 22 ans à peu près, qu’on a réussi à faire fonctionner le club.
LM : Vous vous êtes un peu éloigné de la gestion du club avec votre carrière de joueur, quand est-ce que vous avez repris celui-ci en main pour en faire une écurie professionnelle et compétitive ?
O.B : En 2011/2012, mes copains qui s’occupaient du club sont venus me voir pour me demander de le reprendre en main car ils estimaient qu’avec ma carrière et mon expérience internationales je saurais monter l’équipe au plus haut niveau. Ils ont eu raison puisque sur un plan sportif c’est une très grosse réussite avec 6 titres de champions de France et une finale de coupe d’Europe face au Celta Vigo en 2017.
LM : Comment expliquez-vous de tels résultats sportifs ?
O.B : Grâce à ma grande carrière, notamment en équipe de France où j’ai pu disputer plusieurs championnats d’Europe et du monde ainsi que des Jeux Olympiques, j’ai eu la chance de pouvoir rencontrer énormément de monde. Je m’en suis donc servi pour faire venir mes copains internationaux au club. Bon au début c’était compliqué puisqu’ils me demandaient ce qu’ils allaient faire en National 3 (niveau le plus bas du handibasket), mais je leur ai dit que ce n’était qu’une étape et que le club allait atteindre rapidement le haut niveau. Tous mes potes sont venus et on est donc rapidement monté et arrivé dans l’élite ainsi que sur la scène européenne. Aujourd’hui j’ai beaucoup de joueurs du monde entier qui veulent évoluer avec nous et je n’ai plus qu’à choisir lequel représentera véritablement un renfort de poids pour l’équipe.
LM : Combien d’équipes comptez-vous ?
O.B : On possède trois formations, une professionnelle, une semi-professionnelle qui évoluent en championnat de France et qui ont, comme je l’ai dit tout à l’heure, de très bons résultats. On a également une équipe loisir.
LM : Mais pas d’équipe féminine ?
O.B : Non en revanche, les féminines jouent avec les garçons : c’est un sport qui peut être mixte. Les deux filles professionnelles qui font partie du club évoluent en équipe de France et elles ont essayé de créer une équipe féminine, mais malheureusement c’est très compliqué puisqu’il n’y a pas beaucoup de joueuses en France.
LM : S’occuper d’autant de formations doit avoir un certain coût ; pour faire vivre le club comment arrivez vous à le financer ?
O.B : C’est notre plus grande difficulté, c’est assez catastrophique. La mairie de Marseille nous aide ainsi que le Conseil départemental mais pas la Région ni la Métropole. Cela devient très compliqué et ce qui est toujours ennuyeux, c’est qu’on a des résultats, on arrive à faire venir du monde, mais rien ne change. On est toujours à la recherche de sponsors de partenariat.
LM : C’est un club professionnel mais ayant également un côté social auquel vous êtes très attaché.
O.B : Oui, en plus de nos équipes professionnelles, on a pu développer le club en faisant une école de basket pour les tous petits qui est gratuit, ce qui était très important puisqu’il faut savoir qu’à Marseille, il y a beaucoup de jeunes en situation de handicap qui ne sont pas aidés. On essaie donc de se faire connaitre auprès d’eux en allant dans les centres de rééducation, les hôpitaux et les centres sociaux. Je suis très fier de cela puisque je voulais entrainer les petits du bas vers le haut et on y est arrivé.
LM : Quels sont les objectifs à long terme ?
O.B : (Il sourit) Gagner, gagner, gagner !! On donne aux joueurs les moyens d’également travailler ; ils peuvent s’entrainer tous les jours à midi et tous les soirs. Il faut savoir qu’il y a très peu de club qui propose des entrainements deux fois par jours. Donc notre objectif premier est de remporter tous les titres possibles. Dans un deuxième temps développer la formation : on a quelques jeunes au club et on va tout faire pour qu’ils assurent la relève. Je sais que dans les autres équipes, ce sujet est assez compliqué puisqu’il n’y a pas beaucoup de jeunes, les anciens s’accrochent à leur poste et ne laissent pas la place aux petits.
Propos recueillis par Cyriane Viala Leriche