Le Graët doit prendre la clef des champs

« Zidane ? S’il m’avait appelé, je ne l’aurais même pas pris au téléphone. Qu’il signe avec le Brésil ou n’importe quelle sélection, je n’en ai rien à secouer ». Noël Le Graët, 81 ans, président de la fédération française de football a-t-il trop tutoyé son vieil ami Jack Daniel’s au cours du week-end ?

C’est bien possible. Car l’octogénaire indéboulonnable a tenu des propos irrespectueux et diffamatoires à l’égard de Yazid – c’est son vrai prénom, le seul admis par son père – Zidane, le champion du monde qui a montré tout l’étalage de son talent comme joueur à Bordeaux, à la Juventus, au Real Madrid et en équipe de France, puis comme entraîneur au Real Madrid. Kylian M’Bappé, sur Twitter, et la ministre des Sports ont fustigé ces propos indignes sans toutefois exiger l’éviction de Le Graët.

Je les trouve bien indulgents. Car si Noël Le Graët a été une personnalité respectable et respectée comme président de club (Guingamp) puis comme dirigeant du football français, il semble que ses sorties de route se multiplient et qu’une enquête pour divers harcèlements sexuels au sein de la fédération soit en cours devant la justice.

Certes, Le Graët connait parfaitement tous les rouages du foot français et de la fédération française, il maîtrise le clientélisme électoral, familier à tous les socialistes, qui lui permet d’être élu et réélu par les instances du football et les présidents de districts régionaux. Il envisage même, à son âge, de rempiler pour quatre ans à la fédération internationale de football, la FIFA, où il n’a quasiment jamais assisté à la moindre réunion.

Sa connaissance intime du « système-football » l’autorise-t-elle à une telle arrogance ? Certainement pas. La Ministre ne lui demande des « excuses » que du bout des lèvres car elle se méfie des éclaboussures et éclats de voix que susciterait son licenciement pur et simple.

A l’heure où les syndicats et les partis se disputent sur l’âge légal de départ à la retraite (63 ans ? 64 ans ? 65 ans ?), il est hallucinant de constater que l’octogénaire Le Graët s’accroche aux vitres. Il parle de son ami « Didier », le coach Deschamps lui donne affectueusement du « mon président » et l’on devine à demi-mot l’étendue de la collusion d’intérêts entre « Didier » et « Noël ». Une belle reprise de volée de Zizou dans ces arrangements entre amis serait probablement salutaire mais Deschamps, en atteignant la finale de la coupe du monde au Qatar, n’a certainement pas démérité…

Si la ministre était libre de ses mouvements, elle aurait déjà démissionné Le Graët et l’aurait remplacé par un homme moins intégré au sérail, moins louvoyant, moins politique et plus tempérant. Dans ce registre de la vulgarité dominante, une autre socialiste, Edith Cresson, ancienne première ministre de François Mitterrand, avait déclaré en mai 1991 : « La Bourse, je n’en ai rien à cirer ! »

Son observation avait fait scandale mais elle pourrait être utilement reprise aujourd’hui à propos de Noël Le Graët. Il est temps que ce président fulminant aille cultiver ses artichauts en Bretagne. Comme me le confiait souvent l’ancien ministre Joseph Comiti, éminent médecin :

« Vous savez, quand on est gâteux, parce qu’on est gâteux, on ne sait pas qu’on est gâteux ! »

José D’Arrigo

Rédacteur en Chef du « Méridional »