Trésors du Sud – Sauvegarde de l’outarde canepetière : opération Valensole

© WKMC

Le Conservatoire d’Espaces Naturels a bien du travail à mener. Les espèces menacées – dont certaines quasiment inconnues du grand public – sont de plus en plus nombreuses : le territoire de Provence-Alpes-Côte d’Azur ne fait pas exception. L’outarde canepetière est l’un des oiseaux les plus menacés des plaines cultivées françaises. En juin, le CEN PACA a mené une mission particulière autour de ce discret animal.

Ghislaine Dusfour est « chargée de mission espèces et milieux steppiques » au Conservatoire de la région. Elle travaille sur les questions portant autour des milieux secs au sens large – soit, sur les habitats autant que sur les espèces qui les habitent. En ce sens, elle est à la fois analyste, en tant que conservatrice des réserves régionales, et « experte de terrain », grâce à ses missions de reconnaissance. Après avoir travaillé au Parc du Verdon, elle est depuis neuf ans au CEN PACA. Elle nous en dit plus sur cette espèce en voie de disparition et les moyens mis en œuvre sur notre territoire pour l’endiguer.

Une espèce en disparition inquiétante

Depuis trois ans, dans le cadre de mesures d’accompagnement, les regards sont tournés avec inquiétude vers les populations d’outarde canepetière, en phase de disparition drastique. Il faut savoir qu’en 20 ans, on a observé à l’échelle nationale une chute de 90% de l’existence de ces oiseaux, qui vivent dans les milieux plats. En PACA, on compte environ 800 couples de ces oiseaux.

© CEN PACA

Cette disparition est liée à plusieurs variables (chute de la ressource alimentaire, urbanisation…), le plus flagrant étant la mécanisation de l’agriculture : « Le pic de ponte annuel a lieu vers le 20 mai, souligne notre interlocutrice. Or, les fauches commencent à cette période : les champs se transforment alors en « pièges écologiques » ». Les milieux attractifs, surtout pour les femelles, sont fauchés quelques semaines après les pontes.

Les outardes en PACA

En Région Sud, la population principale est basée sur la plaine de la Crau, un terrain très sec et sans cultures, où l’on rencontre seulement du pastoralisme. « La région compte également quelques populations satellites, explique Ghislaine Dusfour. Le plus souvent autour des aéroports et des aérodromes comme à Marseille, Avignon, Salon-de-Provence, Orange etc. » Ce sont en effet des endroits où l’on trouve encore des pelouses sèches.

Mais la mission récemment menée s’est déroulée sur le plateau de Valensole, une plaine agricole située à 600 mètres d’altitude. Une enveloppe a été allouée dans le cadre de mesures compensatoires mises en place après une destruction d’habitat. L’objectif était ainsi d’améliorer la connaissance de l’espèce et son suivi à l’échelle locale.

L’aventure n’était pas aisée pour l’équipe déployée : « Sur 45 000 hectares, on cherchait une dizaine de mâles chanteurs, donc trois ou quatre femelles seulement », explique Ghislaine Dusfour. Autant chercher une aiguille dans une meule de foin…

La technologie au service de la biodiversité

C’est là qu’intervient la technologie, pas le biais de drones équipés de caméras thermiques (l’opération reste soumise à une réglementation précise). De nuit, les caméras vont localiser les nids et nichées camouflées dans les espaces herbacés, en prenant soin de ne pas déranger la faune. Une méthode largement innovante, qui permet aussi de mieux connaître les habitats environnants et ainsi de « compléter les puzzles de la biodiversité ». Pour l’outarde en l’occurrence, il s’agit de favoriser la reproduction afin d’éviter une extinction de la population.

Un mâle de l’espèce outarde canepetière © WKMC

La région Provence-Alpes-Côte-d’Azur est le bastion français de cette espèce menacée. Une telle opération sur le plateau de Valensole démontre la possibilité de freiner l’extinction de telles espèces, en utilisant la technologie à bon escient. Le Vaucluse, le Var et les Alpes-de-Haute-Provence abritent également des populations à surveiller de très près. On ne mesure sans doute pas assez le rôle de chaque espèce dans la chaîne de la biodiversité.

Jeanne RIVIERE