C’est une histoire de fous. Contactée par l’académicien marseillais Jean-Noël Beverini pour sauver la carrière antique de la Corderie, l’ambassade de Grèce a répondu très favorablement à cet appel à l’aide. Soucieux du respect du protocole et des bons usages diplomatiques, M. Beverini a transmis la réponse très amicale de l’ambassadrice de Grèce en France aux élus marseillais, qui l’ont superbement ignorée.
Cette goujaterie est inadmissible. Pour que vous compreniez bien de quoi il s’agit, sachez que de nombreux Marseillais se sont mobilisés dans le sillage de M. Beverini pour tenter de sauver ce qui peut l’être et d’échapper à l’enfouissement consécutif aux dévastations immobilières.
On ne leur demande pas la lune, aux élus : on leur propose de s’associer à une démarche très simple qui consiste à extraire un bloc de calcaire fondateur, puis de le mettre entre les mains d’un artiste sculpteur qui façonnera une œuvre d’art à la gloire de Marseille et des Grecs. Croyez-vous qu’ils s’intéressent au soutien affiché de l’ambassade de Grèce en France ? Pas le moins du monde. Croyez-vous qu’ils aient le souci de répondre à l’un de leurs académiciens les plus talentueux ? Pas le moins du monde.
Peut-être souhaitent-ils s’inspirer de l’exemple présidentiel et « emmerder » ceux qui les appellent au respect de leur patrimoine commun ? Peut-être se moquent-ils des bonnes dispositions de la Grèce à l’égard de Marseille alors que notre ville est jumelée de longue date à celle du Pirée ?
En tout cas, l’impolitesse crasse des élus marseillais ne fait pas honneur à Marseille. Ce silence assourdissant est une insulte à l’égard d’une délégation étrangère amie qui exprime le souhait de ne pas voir ensevelis les trésors patrimoniaux grecs de la ville. L’argument dilatoire des élus marseillais suivant lequel les décisions en la matière appartiennent à l’Etat est totalement irrecevable.
La carrière de la Corderie est située au cœur du site marseillais, elle est l’émanation même du site marseillais, souligne M. Beverini. Qui pourrait nier cette évidence ? En réalité, les élus d’hier et d’aujourd’hui se désintéressent du sol marseillais et de ses richesses patrimoniales. Ils se moquent éperdument du passé de la ville, de ses vestiges historiques et de ses origines par les pionniers de sa fondation : les Grecs.
« Marseille est coupable par désintéressement, Marseille est coupable d’indifférence », estime l’académicien qui ne renonce pas à un éveil, même tardif, des consciences. Il a raison. Si les élus, au lieu de se gargariser de billevesées, étaient plus courtois, ils commenceraient par répondre à nos amis de l’ambassade de Grèce qui souhaitent venir au secours de Marseille. Ils auraient également la politesse élémentaire de transmettre la proposition généreuse de nos amis Grecs aux plus hautes autorités de l’Etat, entre autres à Stéphane Bern qui avait promis de sauver cette carrière antique.
Quand on pense que Marseille est jumelée à la ville du Pirée on ne peut qu’être consternés face à une telle désinvolture. Le silence dédaigneux des élus est aussi une insulte vis-à -vis des Marseillais eux-mêmes qui ont le droit et le devoir de sauvegarder un site exceptionnel. Songez que la pétition lancée par M. Beverini a recueilli près de 15 000 soutiens à Marseille, en France et à l’étranger.
Ne pas informer les Marseillais sur la sollicitude et la bienveillance de l’ambassade grecque à leur égard est une grossièreté sans nom. Oui, sans nom… l’ancien nom de la ville !
José D’Arrigo, rédacteur en chef du Méridional