Hôtels de luxe, stades exceptionnels… la prochaine Coupe du Monde, qui se déroulera au Qatar du 21 novembre au 18 décembre 2022, a tout pour faire rêver. Mais le rêve de certains (Xavi, ambassadeur de la compétition, ne cesse de vanter à qui veut bien l’entendre que le projet est formidable), prend davantage des allures de cauchemar pour d’autres. Entre suspicion de corruption, conditions de travail désastreuses et lois liberticides, cette grande fête du sport n’a plus rien d’idyllique.
Attendue par des millions de fans tous les 4 ans, la Coupe du Monde se déroulera cette année dans la péninsule arabique, au Qatar. Là-bas, l’Équipe de France tentera de décrocher une deuxième coupe consécutive, une performance réalisée seulement deux fois dans l’histoire par l’Italie et le Brésil du grand Pelé.
les scandales s’enchaînent
Mais en dehors des terrains, l’enthousiasme est beaucoup moins présent et les scandales s’enchaînent. De l’attribution très suspicieuse de cette Coupe du Monde à sa préparation, rien n’a été épargné. Retour sur les polémiques de l’une des Coupes du Monde les plus clivantes de l’histoire.
Une attribution inattendue
Avant de parler des polémiques plus récentes, il est important de commencer par le premier problème de ce mondial : son attribution par la FIFA (Fédération international de football association). C’est à Zurich en 2010, par une nuit glaciale, que le petit Etat gazier du Qatar remporte l’organisation de la Coupe du Monde 2022. Immédiatement, cette attribution fait l’effet d’une onde de choc sur la planète football. Les Etats-Unis – grand favoris – tombent de haut. Une question se pose : comment ce régime autocratique a-t-il pu obtenir l’organisation d’un tel événement ?
Les etats-unis tombent de haut
On le sait tous, le football n’est pas le business le plus propre. La corruption y est malheureusement un problème endémique depuis longtemps. Mais selon certains, le Qatar est un point de bascule. Cette attribution a conduit à l’ouverture d’enquêtes menant tout de même à la destitution du président de longue date de la FIFA, le Suisse Sepp Blatter. Des pots de vin auraient été versés à des responsables en échange de votes pour la candidature du Qatar. Les enquêtes sont toujours en cours.
Fait plus récent montrant une proximité entre le Qatar et la FIFA, Gianni Infantino a déménagé à Doha l’année dernière, dans le plus grand secret. C’est la première fois qu’un président de la FIFA s’installe partiellement dans le pays hôte du prochain Mondial, plus d’un an avant sa tenue. Par exemple, le même Infantino était arrivé en Russie seulement quelques jours avant l’ouverture du mondial 2018.
Un été qui devient hiver
Preuve que cette Coupe du Monde n’a décidément rien d’anodin, la FIFA a fait une entorse à son règlement en déplaçant la compétition en hiver : du jamais-vu !
D’un point de vue humain – notamment pour la santé des joueurs -, cette décision est parfaitement justifiée, la température extérieure au Qatar pouvant atteindre 45 °C en été. Mais cette modification bouleverse tout le calendrier européen. Et la menace d’un nombre important de joueurs blessés, étant donné l’enchaînement futur des matchs, est très sérieuse.
Des stades cimetières
Autre principe sur lequel la FIFA s’est tout bonnement assise, celui des droits de l’Homme, auquel elle semblait pourtant très attachée. En effet, au Qatar, comme dans beaucoup d’autres pays du Golfe, on ne peut pas dire que le sort des travailleurs soit respecté. Le système en vigueur, sur lequel reposait toute l’économie du pays, a particulièrement fait scandale : « la Kafala », (nom de ce dispositif), est un principe selon lequel les travailleurs, pour la majorité étrangers, sont placés sous la tutelle de leurs employeurs. Concrètement, leurs patrons conservent leurs passeports, leurs imposent des cadences de travail inhumaines ; ils sont également logés dans des conditions insalubres et ont interdiction de quitter leur travail ou le pays sans l’aval de leurs employeurs.
des travailleurs sous tutelle de leurs employeurs
Un système d’embauche comparé à de l’esclavage moderne. Face à la pluie de critiques internationales, le Qatar a aboli officiellement « la Kafala » en 2016 pour calmer le jeu. Malheureusement, beaucoup de travailleurs sont encore aujourd’hui traités comme des citoyens de seconde zone.
Une enquête du célèbre organe de presse « The Guardian », a attiré l’attention du public, en février 2022, sur le chiffre alarmant de 6 500 décès d’ouvriers sur les différents chantiers de la compétition. Un chiffre réfuté par le Qatar, qui estime le nombre de morts bien inférieur et que ces décès sont naturels.
Des règles surprenantes
C’est une annonce qui ne cesse de faire jaser : des médias britanniques ont récemment dévoilé les règles de vie qui seront mises en vigueur au Qatar lors de cette Coupe du Monde. Le moins que l’on puisse dire est qu’elles sont surprenantes !
Les relations sexuelles hors mariages seront interdites. Même chose pour les gestes de tendresse et d’affection en public. L’alcool, habituellement interdit sur le territoire, sera autorisé pour les étrangers mais avec restriction (les supporters ne pourront boire que dans les fan zones).
la tenue des femmes contrôlée
La tenue vestimentaire des femmes sera aussi contrôlée. Ces dernières sont appelées à faire preuve de « modestie », en ayant les épaules et les genoux couverts. Quant aux homosexuels, ils ne sont clairement pas les bienvenus : le Code pénal qatari stipule que les relations homosexuelles sont des infractions passibles de peines pouvant aller jusqu’à sept ans de prison (voire à la peine de mort pour les musulmans). Il y a un mois, une enquête publiée par des médias scandinaves dévoilait que les couples homosexuels étaient refusés par les hôtels recommandés par la FIFA, lors de leur demande de réservation. Les responsables de la Fédération sportive internationale du football ont prévenu qu’il n’y aurait « aucune exception » pour les supporters.
une histoire de politique
Beaucoup de fans de football n’ont pas semblé dérangés par ces restrictions, invoquant le respect des coutumes et des mœurs. Mais faut-il au nom des traditions accepter l’inacceptable ? Faut-il vraiment respecter les pratiques d’un pays quand elles ne sont même pas respectées par ses propres dirigeants ? Le monde du sport n’a pas à se laisser dicter des impératifs, sous prétexte qu’il est accueilli par le Qatar.
Et les joueurs dans tout ça ?
Pour toutes les raisons évoquées plus haut, de nombreuses associations et des fans ont appelé au boycott de cette Coupe du Monde. Dans l’Hexagone, un sondage réalisé par Odoxa révèle que 39% des Français souhaitent un boycott de la part de l’Equipe de France ; mais une telle prise de position de la part des joueurs français reste très délicate tant les intérêts sont énormes. Un joueur comme Kylian Mbappé est d’ailleurs payé par ces mêmes Qataris.
39% des Français souhaiteraient un boycott
Cette Coupe du Monde est avant tout une histoire politique. Les protestations officielles auraient dues être plus claires et sans appel, et ce dès l’annonce du lieu de compétition.
Une éthique sportive passée à la trappe
Cette Coupe du Monde au Qatar interroge l’essence même du sport : la base du sport étant le respect de l’adversaire, peut-on pratiquer le sport dans un environnement que l’on juge liberticide ? Veut-on vraiment faire honneur à un pays hôte comme le Qatar ? Une chose est sûre : le monde du football, déjà affaibli par les scandales de corruption, ne risque pas de sortir grandi de cette participation.
Cyriane VIALA