Aujourd’hui en Ligue des Champions et stable sportivement, l’Olympique de Marseille a pourtant bien failli disparaître, il y a 40 ans. Le 7 avril 1981, une date qui retentit aux oreilles de tous les anciens Provençaux. Ce jour-là , le club est mis en liquidation judiciaire et risque la dissolution après 83 années de gloire. Pour sauver l’OM, le maire de Marseille Gaston Defferre et le président des clubs professionnels Jean Sadoul font appel aux Minots de l’équipe réserve. Un pari fou qui va devenir l’une des plus belles aventures du club. L’histoire d’une génération à laquelle l’OM, d’aujourd’hui et de demain, doit beaucoup.
« Ce matin, on est venu nous demander de payer l’électricité mais nous n’avons même pas d’argent pour payer l’électricité, l’OM n’a plus de moyen de rembourser ses dettes. » Ces mots impressionnants sont ceux prononcés par Christian Carlini, encore président du club en 1981.Â
Désemparé face aux médias, il dresse le constat alarmant de l’Olympique de Marseille. Quelques jours plus tard, le 7 avril, le club est placé sous scellés : le Tribunal de Commerce de la ville a prononcé la liquidation de biens. Les scellés sont posés l’après-midi même, au siège du club.Â
Georges roux en larmes
L’image de Georges Roux, supporter historique des olympiens, en larmes face à cette situation critique, résume bien toute l’émotion et l’attachement des Marseillais à l’OM. L’un des bastions du football français fonçait droit dans le mur et allait disparaître.Â
Un pari fou
Moins d’une semaine plus tard, Gaston Defferre et le président des clubs professionnels Jean Sadoul obtiennent un sursis. L’OM n’a pas dit son dernier mot. Il reste alors aux Olympiens six journées de championnat, pour espérer se maintenir en D2 et éviter la faillite.
Pour cela, l’équipe doit au minimum prendre trois points. Cette mission est confiée aux « Minots » des équipes de jeunes, conduits par un jeune entraîneur-joueur de 28 ans, Roland Gransart, qui devient le plus jeune coach de l’histoire du club ! Les joueurs sont tous issus de la Cité phocéenne et ont évolué au centre de formation ensemble.
Gransart devient le plus jeune coach de l’histoire du club
L’’équipe est constituée de Lévy (gardien), Caminiti, Lopez, Anigo, Gransart (entraîneur-joueur), Terrones (décédé en 2019), Castellani, Lapinta, Flos, De Falco, Pascal, Di Meco, De Bono, Castellani, Garcia, Francini, Chancel, Blum, vainqueurs de la coupe Gambardella, deux ans auparavant en 1979. La fabuleuse histoire des « Minots » commence.
Les jeunes n’ont que dix jours pour préparer la première rencontre. Contre Grenoble, l’OM arrache la victoire devant 6 800 spectateurs en folie, avec un but de Castellani à 8 minutes de la fin. Un changement d’ambiance radicale pour ces Minots plus habitués à jouer sous les regards de leurs proches. Remplis d’envie et animés par cet objectif de maintenir le club, les jeunes Marseillais font passer une très mauvaise soirée aux Grenoblois. Sur un scénario rocambolesque, Castellani marque, d’un tir lobé venu de nulle part, dans les derniers instants du match. Un but synonyme d’espérance et de renouveau, très précieux pour le moral des troupes olympiennes.Â
un scénario rocambolesque
Pour la deuxième rencontre, Marseille affronte Corbeil : un déplacement haut en couleur. Arrivés en avance au match, dans un froid de canard, après un voyage de nuit, les joueurs sont « escagassés » mais cela ne les empêche pas d’obtenir un nul honorable face à leur adversaire.Â
Le 12ème homme, les supporters
Il faut le dire, la meilleure force de cette équipe est surtout son public. Peu à peu, les supporters phocéens s’identifient à cette équipe, constituée de plusieurs jeunes des quartiers. Ils viennent la soutenir et la porter.Â
Lors de la 31ème journée, l’OM reçoit Toulouse, une écurie solide car le « Téfécé » joue la montée en D1. Une rencontre particulièrement suivie puisque 12 000 curieux viennent assister au match. Dans une chaude ambiance, les deux équipes se quittent dos à dos sur le score d’un but partout.Â
la meilleure force de cette équipe ? son public
Les Minots poursuivent ensuite leur folle aventure avec une victoire, 1 but à 0 face à Avignon et obtiennent le nul à Montluçon pour l’avant-dernière journée du championnat.Â
Une dernier match renversant
L’apothéose de cette folle histoire se déroule lors du sixième et dernier match de la saison des « Minots ». Menés 1 à 0, les Marseillais, soutenus par leur public, égalisent sur un penalty de l’incontournable Pascal. Portés par leur rage de vaincre en seconde mi-temps, nos joueurs poussent et prennent l’avantage sur un superbe coup franc de Gransart. Pascal enterre ensuite tous les espoirs montpelliérains en inscrivant le 3ème et dernier but marseillais, d’une belle frappe pied gauche. Au coup de sifflet final, c’est tout un stade qui exulte comme au plus beau jour de gloire. Les 12 000 supporters n’en finissent plus d’acclamer la nouvelle vague de l’OM et son parcours sans faute amorcé quelques semaines auparavant.Â
les minots ont marqué à jamais l’histoire du club
Une épopée synonyme d’un souffle nouveau : l’espoir s’est bel et bien mis à renaître au Stade Vélodrome ce jour-là . Louis Nicollin lui-même, impressionné par ces jeunes, décide d’offrir les recettes du match dédié à Montpellier à ces incroyables Minots.Â
Une semaine après cette réussite, le 1er juin 1981, Jean Carrieu prend en main la destinée du club avec les faveurs de la mairie et de la LFP. Il obtient un traité qui permet à l’OM de rembourser ses dettes sur 20 ans. L’Olympique de Marseille l’a échappé belle… et retrouve le sourire. Sûrs de leurs forces, les « Minots » ne se sont jamais avoué vaincus et ont marqué à jamais l’histoire du club. Sans cette épopée inoubliable, l’Olympique de Marseille appartiendrait peut-être au passé.
Cyriane VIALA