Amis lecteurs, inutile de vous creuser les méninges, un « orchidoclaste », ce n’est rien d’autre qu’un casse-couilles. C’est Gilbert Collard qui se baptise ainsi lui-même dans le livre qu’il vient de publier aux éditions Huo-Doc et qu’il a prudemment intitulé : « Protestation ». Quel euphémisme ! De la page 1 à la page 239, ce n’est pas vraiment une protestation, c’est un chapelet d’indignations, de révoltes, de colères. Gilbert Collard a fait carrière dans les prétoires où son éloquence était redoutable puis il a embrassé le monde politique où il a pu mesurer l’ampleur des traquenards, des coups tordus et des bassesses liées à l’ambition.
Elu député européen, Gilbert Collard en a eu assez de ce tintamarre politico-médiatique et il a éprouvé le besoin de se retirer dans un monastère bénédictin pour une retraite spirituelle. Il y a goûté l’écoute et le silence. Il s’est longuement confié à un moine dont le regard était illuminé d’une intense joie intérieure.
Ce livre est le récit de ses dialogues quotidiens avec le frère Benoît. Un ouvrage extraordinairement jouissif pour un homme de droite, pas seulement parce qu’il y dénonce toutes les hypocrisies de la gauche mais parce qu’il remet les choses à leur place avec une telle alacrité, un tel souci de sincérité et de vérité, que le lecteur se trouve lui-même transporté par la verve communicative de Collard et la politesse de son désespoir. Ces confessions dévoilent au grand jour une âme d’écorché vif qui ne peut plus souffrir la déréliction de la France. A lire d’urgence.
« J’en avais marre, explique Gilbert Collard, qui a invité le Méridional dans sa permanence de député à Aimargues (Gard). J’étais fatigué du petit cinéma politique, des émissions de télé idiotes du matin avec les mauvaises mines des journalistes aux questions cons et prévisibles à un kilomètre médiatique, fatigué d’être l’alibi supposé d’extrême droite, comme d’autres sont les alibis d’extrême gauche, pour un système qui dévore tout au profit de sa durée, de sa rentabilité et qui a transformé les hommes politiques en intermittents du spectacle, pis : en pitres malades de l’ego, en agités du narcissisme médiatique. »
« La vanité d’être vu n’épargne personne. On est tous devenus fous du nombril. Le système a fait de l’homme politique un ectoplasme de vanité verbale qui n’exerce plus aucun pouvoir réel. Au fil d’un pauvre temps, il l’a flasquement abandonné aux juges, aux experts, aux migrants, aux marchés, aux multinationales, à Bruxelles, à la Cour européenne des droits de l’homme, au conformisme idéologique, à la bien-pensance et enfin à une bureau-technocratie infernale. Son écharpe d’élu pend comme la corde d’un pendu ! »
Gilbert Collard en est arrivé au stade où le spectacle politique est devenu un répulsif. Il ne supporte même plus sa complicité involontaire avec une classe politique qui se joue la comédie par cynisme alimentaire. « A quoi bon être là puisqu’on ne sert à rien ? s’interroge Collard. J’ai quitté le Parlement parce que je n’en pouvais plus des bêlements de la majorité présidentielle, bête à manger du foin, capable de se lever pour applaudir avant même qu’un orateur n’ait ouvert la bouche. Capable pendant des heures d’ânonner des éléments de langage sans en comprendre un mot. J’ai survécu à la présidence du crustacé De Rugy et à celle du mutualiste Ferrand avec un sentiment d’écœurement démocratique. Quelle comédie ! Quel attrape-couillons ! C’est le Club Méd, la fête aux neuneus parvenus. »
Pour Gilbert Collard le Parlement est devenu au fil du temps « le vase vide de la démocratie. C’est un rassemblement minable de ramollis bruyants recrutés sur Internet ou sur le radeau de la Méduse des partis ». En même temps, l’ancien avocat marseillais s’inquiète de « l’affadissement du sens du sacré », de la « lointaine présence psalmodique de siècles de foi chrétienne » et de « la messe transformée en kermesse ».
Je vous le dis, amis lecteurs, ce livre de confessions indignées est une pure merveille, un condensé de Rabelais et de Jean Raspail racontés par Jean Cau. Collard s’en prend au système médiatique et reprend à son compte la définition du journalisme de compromission du regretté Pierre Péan : « Attendre sur son bureau les PV des juges, ce n’est pas ce que j’appelle de l’investigation mais de la simple gestion des fuites. Le journaliste devient un pion, rentrant dans les objectifs des uns et des autres, devenant l’outil de vengeance ou de stratégies judiciaires. Je n’ai pas besoin de la justice pour déterminer le sujet de mes enquêtes… »
Me Collard raconte au frère Benoît les diverses étapes de la mise à mort préméditée de François Fillon. Le moine en est sidéré. « Lui, il s’est vraiment pris une balle judiciaro-médiatique dans le pied ! Aujourd’hui, raffinement oblige, droits de l’homme exigent, on n’assassine plus au couteau, au poison, à l’étranglement, au pistolet, non, on assassine au journaliste et au juge ! Ravaillac, Ravachol, Caserio, Gorguloff, Raoul Villain sont de vulgaires vengeurs à côté des tueurs qui tirent au gros titre, poignardent à l’insinuation, empoisonnent à la calomnie… »
Collard est intarissable sur les « questions téléphonées » posées par des députés aux ministres : il s’agit de questions que le ministre a lui-même sollicitées pour faire un coup médiatique en y répondant devant les caméras. Lui-même en a été victime lorsqu’il a osé répondre à Jean-Jacques Bourdin de RMC qui comparait les élus du RN aux assassins de l’Etat islamique. Le député européen n’avait rien trouvé de mieux avec Marine Le Pen que de tweeter aussitôt des images horribles d’exécutions d’innocentes victimes chrétiennes. « Les éditorialistes, les spécialistes police-justice, les élus de tous bords, se sont précipités pour nous bannir de la société des gens convenables… », écrit-il.
Ce simple tweet a propulsé Collard face à un procureur qui l’a mis en examen, puis face à un tribunal : « Le pouvoir joue avec la justice, estime-t-il; il s’amuse à emmerder ses adversaires, à les tracasser en se servant de manipulations d’infractions et des procureurs dociles pour pourrir la vie, créer des procès bidons, faire convoquer à la police, faire attendre, mettre en examen, obliger à faire des dépenses d’avocat, jeter le discrédit, faire perdre du temps : c’est une technique pénale de pourrissement de la vie qui a été perfectionnée par l’entourage de François Hollande. Tous les coups judiciaires sont bons pour emmerder l’adversaire… »
Avec Collard tout le monde en prend pour son grade : les procureurs, les juges, les ministres, les parlementaires. Il se fait plaisir et nous fait plaisir. « Plus ça va, moins on peut parler librement dans le pays de la liberté d’expression », dit-il. « Il existe aujourd’hui un tel bruit de mots, une telle pléthore d’intervenants, un tel besoin d’occuper l’espace commercial du vide médiatique par le son même le plus bête qu’on n’entend plus rien, ne comprend plus rien, on est gavé, abruti par une fureur sonore, on est même trompé par elle car elle laisse croire que la parole est libre alors que l’audace, le non-conformisme, la vérité d’évidence non labellisée sont poursuivis par les procureurs. On est trompé par l’ouverture des écluses médiatiques sur la réalité de la liberté d’expression en ce sens que la saturation étouffe la liberté. »
Le mal du siècle, pour Gilbert Collard, c’est l’emprise de l’hypocrisie : « C’est le mal fatal de la démocratie, tranche-t-il, l’hypocrisie fait des ravages car plus personne ne croit plus personne. Le peuple des dupes, c’est fini. Ce qui explique le taux phénoménal d’abstentions aux élections, ce fameux piège à cons qui fonctionne avec de moins en moins de cons, cependant cocus, lorsqu’à l’arrivée il y a l’élu de leur abstention dont ils ne voulaient pas. Un Macron au rabais électoral, quoi ! »
Au sein du Parlement européen, raconte Collard, il est interdit de faire figurer sur son pupitre le drapeau national : les huissiers ont pour ordre de chasser et de saisir ces étendards… Le moindre soupçon de souveraineté est banni, exorcisé, aboli. « Si l’on veut entrer dans une vraie démocratie, conclut Gilbert Collard, il faut organiser une nouvelle théorie de la séparation des pouvoirs dans laquelle les grandes institutions ne fonctionneraient plus par dépendance et partage de puissance du même centre qu’est le pouvoir du moment. Il faut mettre fin à ce fonctionnement par cercles concentriques dans lesquels tout le monde se retrouve, tout le monde se rend service, tout le monde se coopte… »
Gilbert Collard a protesté, il a dit la vérité : il sera exécuté.
José D’ARRIGO, rédacteur en chef du Méridional