Ceux qui ont déjà vu « L’homme qui n’a jamais existé » (sorti en 1956, et qui commence à dater) reconnaîtront sans peine les arcanes d’une affaire peu banale des services secrets britanniques. Mais en temps de guerre, les mystifications se multiplient : certaines tombent à l’eau, d’autres atteignent leur but. D’un côté comme de l’autre, rien n’est laissé au hasard : tout ce qui pourra amener à prévoir les mouvements de troupes de l’ennemi est bon à prendre. A l’image d’un bon roman d’espionnage, façon James Bond ? Cela tombe bien, notre ami Ian Fleming, créateur de l’agent 007, fit véritablement partie de cette aventure.
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1943. Alors que le flou s’installe sur la situation géopolitique et stratégique des forces en présence (le tournant de la guerre s’inversera au profit des Alliés), le gouvernement britannique envisage un débarquement sur les côtes siciliennes, porte d’entrée à la libération de l’Europe par le Sud. La difficulté consiste à éviter un massacre, en faisant croire à l’exécutif allemand que les Alliés s’apprêtent plutôt à arriver par la Grèce.
le diable se niche dans les détails…
L’une des équipes des services secrets anglais, dirigée par deux brillants officiers, Ewen Montagu (Colin Firth) et Charles Cholmondeley (Matthew Macfadyen) est chargée de monter une « affaire cheval de Troie », baptisée en l’occurrence « Operation Mincemeat ». N’essayez pas de traduire ! En français, cela nous donne « Opération chair à pâté » : le charme anglais en moins…
Donner corps à un cadavre
L’idée est « simple », mais comme dans tout bon film d’espionnage – qui, oui, est tiré d’une histoire vraie – le diable se niche dans les détails. D’abord : trouver un cadavre. Puis : lui fabriquer de toutes pièces une identité crédible jusque dans une histoire d’amour, un compte en banque et des places de théâtre. Enfin, larguer le corps de ce pseudo-diplomate muni d’informations corroborant un débarquement en Grèce au large des côtes espagnoles. Les limiers allemands devraient s’occuper de faire remonter l’information, échelon par échelon, jusqu’à Hitler. Pas de droit à l’erreur donc, mais aussi, une bonne dose de chance ! Du « major Martin » dépend une part de la destinée des forces alliées.
un moment plaisant
Qu’ils en soient conscients ou non, les instigateurs de cette machinerie qui peut sembler naïve (mais à laquelle le lion Churchill, qui n’a rien à perdre, a donné son feu vert) mettent chacun un peu de leur vie personnelle dans cette création : la guerre est bien faite par des hommes… Cette histoire vraie retrace l’un des volets les plus invraisemblables de la désinformation en temps de Seconde Guerre mondiale.
Un film bien anglais
« La Ruse » n’est pas à proprement parler un film « haletant » – on déplore quelques longueurs -, mais reste dans une finesse bien différente d’une production américaine à sensation, et fait passer un moment plaisant.
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Colin Firth et Matthew Macfadyen (les plus fidèles des bonnes productions anglaises remarqueront avec amusement qu’ils ont tous les deux joué M. Darcy dans « Orgueil et préjugés ») ainsi que Kelly Macdonald et Penelope Wilton, endossent bien leur rôle. On retrouve un Colin Firth à l’aise dans sa personnalité d’officier sérieux, méthodique, et un brin mélancolique.
Jeanne RIVIERE
L’avis du Méridional : 3,5/5