Présidentielle 2022 – Lionel Royer-Perreaut : « La structuration droite-gauche a vécu »

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Lionel Royer-Perreaut, maire des 9ème et 10ème arrondissements de la Ville de Marseille et vice-président du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône, répond aux questions du Méridional en cet entre-deux-tours. Début février 2022, il avait annoncé son départ des Républicains et son ralliement à Emmanuel Macron.

Le Méridional : Monsieur le Maire, pourriez-vous commencer par dire un mot sur les résultats dans votre secteur ?

Lionel Royer-Perreaut : D’abord, le plus notable, c’est l’effondrement total des Républicains, qui n’est évidemment pas sans incidence sur la restructuration du spectre politique local. C’est aussi le score d’Emmanuel Macron, qui s’est amélioré par rapport à 2017. C’est un vote consolidé de la droite nationale, puisque le cumul de Marine Le Pen et d’Eric Zemmour fait que globalement, dans le secteur, on tutoie les 35%. Et puis, comme partout à Marseille, une poussée de Jean-Luc Mélenchon, notamment dans les quartiers populaires.

On voit donc très clairement se dessiner deux tendances : un électorat des classes plus aisées, qui vote plus fortement pour Emmanuel Macron, et un électorat populaire, qui se partage entre un vote d’extrême-gauche et un vote d’extrême-droite. Le secteur est à l’image de cette recomposition apparue à l’échelle nationale.

L.M : Comment allez-vous mener la campagne des législatives, cette « troisième élection présidentielle » ?

L.R-P : Je sais qu’il bruisse dans Marseille la rumeur selon laquelle je serai candidat aux législatives, mais pour le moment, je ne suis candidat à rien ! J’ai toujours dit que je laissais passer les présidentielles pour me déterminer. Certes, il ne m’a pas échappé qu’Emmanuel Macron est arrivé en tête dans la 6ème circonscription ; j’intègre cela à la réflexion qui est la mienne en ce moment.

« il ne fallait pas être devin pour comprendre que les républicains allaient exploser »

L.M : A ce stade du parcours, vous avez choisi « le gagnant ». Comment, au niveau local, expliquer ce choix ?

L.R-P : Ecoutez, je pense que les Marseillaises et les Marseillais, de droite, me semble-t-il, ont répondu à la question par eux-mêmes. L’exemple du bureau de vote 980 sur mon secteur, traditionnellement le plus ancré dans la droite républicaine, le montre bien : Emmanuel Macron atteint 40% au premier tour.

Les électeurs des Républicains se sont très clairement et majoritairement identifiés à la candidature d’Emmanuel Macron. Cela signifie que ce dernier a su convaincre les électeurs de la droite républicaine et du centre, qu’il a su incarner un certain nombre d’idées portées jusque-là par les Républicains.

L.M : Que représente pour vous le fait qu’on trouve des personnalités d’autant de bords différents au sein de la macronie ? N’est-ce pas un symbole de déliquescence de la vie politique française ?

L.R-P : Je vois cela d’abord comme la fin d’un cycle. La structuration politique droite-gauche, telle qu’elle s’est structurée depuis l’avènement de la Vème République en 1958, a vécu. Aujourd’hui, il n’y a plus de culture politique au sens propre du terme. Les nouvelles générations surtout ne savent plus si elles sont « de droite Â» ou « de gauche Â». Elles votent par rapport à ce qu’elles voient dans les médias, lisent sur les réseaux sociaux. Cela déstructure complètement les habitudes de vote, ce qu’a bien compris Emmanuel Macron.

« il n’y a plus de culture politique au sens propre du terme »

L’idée de s’inscrire dans une forme de dépassement qui réunit des gens du « centre-droit Â», du « centre-gauche Â» et du « centre-centre Â» est en train de prendre corps ; d’autant plus que dans la famille républicaine, il y a toujours eu deux grandes familles de pensée : la famille libérale et la famille conservatrice. Elles parvenaient à cohabiter ensemble lorsqu’elles étaient guidées par un leader charismatique – ce qui n’existe plus depuis maintenant dix ans. Il ne fallait pas être grand devin pour comprendre que Les Républicains allaient exploser.

On fait d’ailleurs porter à Valérie Pécresse un résultat qui n’est pas de sa seule responsabilité ; résultat lié aussi au fait que Les Républicains ont voulu désigner leur candidat dans le cadre d’une primaire fermée, qui ne donne pas une assise électorale suffisamment dynamique. Pourquoi François Fillon a-t-il réussi en 2017 à atteindre les 20% malgré toutes les Erinyes qui sont tombées sur lui ? En 2022, l’électorat de centre-droit a eu peur d’un duel Mélenchon-Le Pen et a préféré voter Macron.

L.M : Comment voyez-vous l’évolution de la vie politique française ? Est-on destiné à rester sur ce statu quo macronien ?

L.R-P : Cela fait quelque temps qu’Emmanuel Macron a dans l’idée de mettre en place un grand parti central, avec une aile gauche et une aile droite ; ce dont il m’avait déjà parlé il y a plusieurs mois lors de notre échange. Enfin vous savez, quand j’ai commencé ma vie politique il y a 32 ans, il y avait au sein de l’UDF [Union pour la démocratie française, ndlr] le parti radical, le parti démocrate-chrétien, le parti libéral… Emmanuel Macron est en train de recréer une sorte d’UDF, un peu plus équilibrée puisqu’il prend aussi du côté de la gauche. La réussite de cette opération va dépendre de sa capacité à respecter toutes les tendances, et de volonté des différentes mouvances d’accepter certaines concessions.

Propos recueillis par Jeanne RIVIERE